Non, j'aurais pas préféré autre chose. Ni un raton laveur, ni un caniche nain. Mon premier choix se serait porté sur la lapine enceinte de toute façon, c'est mignon oui, mais soyons réalistes : je pourrais jamais en prendre soin comme il faut. Autant épargner au pauvre animal et ses futurs petits mes négligences. En plus, ma mère a une fois menacé de balancer ma tortue par le balcon si j'avoue pas d'avoir léché le sucre glace des beignets que j'avais achetés. C'était un jour où j'avais un petit creux en mi-chemin entre la boulangerie et notre maison.

Je vois pas l'intérêt de me faire un cadeau, franchement on est même pas proches. « Merci pour la gentille attention, mais je peux pas accepter ton cadeau. » « Comme ça elle est enceinte ? C'est une lapine ?  » J'hoche la tête : logiquement, oui. Suite à sa demande qui s'apparente plus à un ordre, je pose l'animal soigneusement dans la cage qu'il a laissé tomber. Quand je me relève, j'apprécie pas trop que la distance entre nous ait diminué. Je roule les yeux quand il demande si les lapins ont un nid. « Ecoute, tu peux recevoir la chaîne National Geographic, si jamais. Moi je m'en vais. » Panpan le lapin... pas de commentaire, il me désespère juste le Min Huan. Je pivote pour m'en aller, mais je me stoppe net à l'entente du prénom de ma petite amie. Je fronce doucement les sourcils en le regardant. « Je crois bien que ça me regarde, mais laisse-moi te dire que je suis pas du genre à sortir avec une fille si je ne suis pas sérieux. » Je penche un peu la tête sur le côté en regardant ma montre. « Vas-y, parle. Quelle est cette chose importante que tu veux me dire ? Fais vite, je veux bosser. »

Ouf. Pour une fois, ce n'est pas moi qu'on regarde avec des gros yeux, et que l'on veut interner. « Et pourquoi donc? » Je me demande plutôt pourquoi ça le surprend que j'adhère pas à son idée. Beh, les cadeaux sont censés faire plaisir. Là, c'est carrément une punition. Je n'ai ni le temps, ni l'envie, ni le bagage nécessaire pour m'occuper d'une future mère lapin. Dieu sait que ces bestioles sont capables de donner naissance à beaucoup de petits. Et s'il y a au moins un couple de lapins dans le lot, notre maison va prochainement être envahie. Je secoue la tête brusquement, réalisant que l'aspect ridicule de la situation s'accentue à chaque fois que Min Huan ouvre la bouche. Je lui aurais fait part de toutes ces bonnes raisons, mais je veux vexer personne.

« Tes franchement pas agréable moi qui fais des efforts...  » Des efforts pour QUOI ? Mon menton se tend vers la cage, puis je lorgne d'un mauvais oeil l'animal. « Quand tu fais des efforts, ça donne ça ? » La lapine est sans doute la victime dans l'histoire. « Alors, ce baiser que tu m'as donné, ça ne voulait rien dire ? J'y ai beaucoup réfléchi moi et je me disais que peut-être... Enfin tu sais ? J'ai cru que c'était ce que tu pensais toi aussi.... Tu m'aimes pas ?  » L’humour, un truc que lui seul de nous deux maîtrise... j'espère. « Est-ce que tu te rends compte... non franchement, ce baiser n'était qu'une énorme bêtise hein. De un, t'es mon collègue et je te respecte. De deux, t'es un homme. » Je souris, pensant qu'il blaguait et que le fait d'avoir remplacé "aimer" par "respecter" le vexerait pas.

Après réflexion, je réalise que je suis là pour lui dire ce qu'il a clairement envie d'entendre. Je me sens un peu mal de le faire peut-être souffrir, même si ça aurait été pire si c'était dit par texto ou autre. Suis-je censé le consoler ? Et comment ? Un petit câlin amical, peut-être ? Non, entre nous deux ça serait sans doute le truc le plus bizarre et nul qui soit. A l'évocation d'exigences particulières, je me retiens de répliquer histoire de ne pas compliquer les choses plus qu'elles ne le sont déjà.

Mais quand KCD débarque dans la conversation, je ne peux m'empêcher de secouer la tête en soupirant avec lassitude. « C'est que le blog d'une femme qui devrait se soigner. C'est à 100% inventé, il faut que je te le rappelle ? Enfin, peut-être seulement 99%, parce que finalement t'es effectivement gay... » Et alors que j'espère qu'il accepte ma décision... « Oh la la, c'est très gênant, tu n'es pas prêt je peux le comprendre...  » Mes yeux s'écarquillent. « Ose pas me dire que tu vas "attendre que je sois prêt" ou une connerie du genre ! » Je m'approche ensuite, lui tapotant avec force son torse du dos de ma main, puis le mien tout en parlant : « T'es un homme, je suis un homme... biologiquement, c'est pas possible d'avoir une relation quelconque, tu vois ? Je te juge pas, mais voilà. » dit le bi refoulé.