Pourquoi ? Hein ? Pourquoi ? Pourquoi cherchais-je toujours de me raccrocher à cette carrière que j’avais perdue ? Pourquoi voulais-je toujours rester celle que j’avais réussi à être et ne pas laisser ce rêve de toujours partir au loin avec le triste souvenir de cette berline noire ? Pourquoi avais-je remis les pieds dans cette salle de danse ? Pourquoi avais-je remis cette tenue encore une fois ? N’avais-je pas assez retenu qu’à chaque fois que je la mettrai maintenant, le parquet ne voudra plus de moi ? Etait-ce vraiment si difficile pour moi d’abandonner ? Ne pouvais-je donc vraiment pas laisser ça partir et me mettre vraiment à fond dans la photographie ? Même Seongie ne cesse de le dire. Je devrais arrêter de me torturer à essayer de danser de nouveau. Tout ce que j’obtiens c’est de nouveau ce mal à la jambe après m’être écroulée sur le sol au milieu de la salle. « Un jour tu te casseras autre chose, Eonnie ! » Elle avait vraiment raison. Je devrais arrêter. Mais je n’y parviens pas. La danse a toujours été toute ma vie. Beaucoup plus que la mode. Je n’aimais que ça. Je ne rêvais que du parquet, de la scène. Je ne voulais que ça. Danser. Etre sous les projecteurs et faire les plus belles chorégraphies qu’une étoile pourrait faire. Mais pourquoi a-t-il fallut que cette berline fonce sur moi ? Pourquoi moi ? et pas quelqu’un d’autre ?

Je m’étais levée comme tous les matins. Je n’avais pas de shooting à faire, alors j’avais pris la décision d’aller à l’agence à une heure où personne ne pourrait me voir danser à nouveau. C’était mon secret. Même le directeur ne le savait pas. Même pas mes collègues. Je ne voulais pas que l’on sache que j’essayais de refaire ce que je ne pouvais plus réussir à faire. Je me disais qu’il devait bien y avoir des mouvements que je pourrais refaire. Je n’ai grandi que pour la danse et il avait fallu que le hasard m’enlève ce pourquoi j’avais toujours vécu. Je trouvais ça injuste. Je voulais me battre pour retrouver ce que j’avais perdu. Bornée ? Oui c’est vrai c’est ce que j’étais. Mais je n’y pouvais rien. J’étais comme ça. Plus je voyais ces gens danser, chanter sous les projecteurs, plus j’avais envie de m’y remettre. C’était presque devenu maladif. La photo et le stylisme était certes une passion qui me tenait à cœur, mais la danse… La danse et moi cela a toujours été l’amour fou. Mais même ma petite sœur, n’arrivait pas à me convaincre d’arrêter d’essayer de danser.

Cette journée donc, je voulais la consacrer à mes nouveaux essais. Loin des regards. J’avais remis ma tenue d’entrainement. Un T Shirt et un jogging. Tout simple. Mais c’était une tenue que je n’avais pas remis depuis longtemps. J’avais attaché mes cheveux en queue de cheval. J’étais entrée dans la salle posant mon sac dans un coin et je repris mes réflexes au niveau de l’échauffement. Remettre la main sur la barre me donnait de nouveau ces petits frissons et cette nostalgie. J’eu un sourire. Cette sensation. C’était comme retrouver un ami de longue date que l’on n’avait pas revu depuis une éternité. J’inspirais un bon coup et me reconcentra. Cette fois, j’allais réussir. J’en étais persuadée. Après l’échauffement, je mis en marche la musique. Une musique lente. Et je commençais à enchaîner les mouvements, me souvenant de chaque temps, chaque mouvement. Je me souvenais de tout. Même des conseils de mon chorégraphe. Tout me revenait. Comme à chaque fois. J’essayais de redanser toujours la même danse. Celle que je travaillais déjà avant même d’avoir l’accident. Comme si c’était vécu comme un échec.

J’avais fait déjà la moitié de la danse et ce qui m’arrivait à chaque fois arriva : je fis le mouvement de trop. Ma jambe ne me tint plus suffisamment et je finis par terre. Je lâchait un gémissement de douleur en faisant la grimace et me traîna vers la chaîne hifi pour couper la musique. Pourquoi… Pourquoi est-ce qu’elle ne voulait pas aller jusqu’au bout ? Pourquoi ses forces ne voulaient pas me tenir encore debout ? Je sentis les larmes me monter aux yeux de nouveau. C’était si vrai ? C’était réellement fini la danse pour moi ? Je me pinçais la lèvre. Lentement je me redressais, mais je dus me tenir à la barre devant moi. Ma jambe. Elle me faisait mal maintenant. C’était malin. Et maintenant ? Maintenant j’étais juste énervée contre moi-même. Je défis mes cheveux retenant mes larmes de frustration et de colère contre moi-même. « Yah… Li Jun… Ecoute ta sœur pour une fois !... » Je soupirais, essuyant une larme qui avait eu l’audace de couler sur ma joue. « … Mais je n’ai tellement pas envie d’abandonner… » Une autre vint à la place. Je soupirais de nouveau, et sécha les autres larmes qui me montait aux yeux.

J’effaçais toutes les mauvaises pensées, inspira un bon coup et allait rependre mes affaires. Sauf que quand je me retournais, je me rendais compte que… Je n’étais pas seule. Cela me fit un choc. Je me mis de trois quart, séchant rapidement mes joues et restant droite. Ottokaji ?! « Vous…. Tu… Es là depuis longtemps ?... » demandais-je alors timidement, mais aussi mal à l’aise. Me voilà bien, je paniquais, non stressais… Non les deux. Et s’il m’avait vu tomber ? oh non… non non non… Tout mais pas ça… Par contre… Sûr qu’il m’avait vu pleurer… Aiiish ! Je n’aurais vraiment pas dû venir mettre les pieds ici ! Et je faisais tant bien que mal pour dissimuler que j’avais mal à la jambe aussi… Ottokaaaeee !

La chute avait été fatale. Brutale. Faisant remonter à la surface celle que j’ai pu avoir sur le macadam. Il fallait que je parvienne à oublier. Pourquoi je n’arrivais pas juste à me décrocher du passé ? En plus je ne me faisais que du mal. Je m’appuyais sur la barre. J’avais vraiment mal. C’était affreux. Comme toujours. Le dépit, la désespérance et la tristesse me reprirent toute entière et je me mettais à pleurer. Sans me rendre compte que quelqu’un était entré et se tenait là derrière moi. A vrai dire, je me disais que j’étais seule, et que personne ne verrait ainsi mon état de détresse. Très honnêtement, à cette heure-ci, je ne m’étais pas du tout attendue à ce que quelqu’un entre dans la salle de danse quand j’y étais déjà. D’autant que toutes les autres fois j’avais toujours été là, seule à danser en secret. Je n’avais pas envie de montrer cette partie si pitoyable de moi-même. Vous imaginez un seul instant comment réagiraient mes anciens camarades ? Ceux qui m’avait connu lors de mes débuts ? Sérieusement je n’avais aucune envie d’imaginer leur tête. Je leur ferai trop de peine, ou bien ils me prendraient tous en pitié. Mais le hasard a fait qu’un jeune homme que j’avais déjà pu croiser dans les couloirs de temps à autres, lui adressant des bonjours et des au revoirs, avait mis les pieds dans cette salle… Mon secret était maintenant connu d’un… inconnu ? J’essayais de me détendre. Il fallait bien que ça arrive un jour va. Je lui demandais quand même depuis combien de temps il avait été là. Mal à l’aise. Timide. Embarassée.

« Je suis là depuis que tu as commencé à danser, j’étais resté en retrait pour t’observer. » m’avait-il alors répondu, d’un ton calme. Je poussais un soupir. Il avait tout vu depuis le début. C’était ma veine. Quel beau spectacle je venais de lui offrir. Je l’entendis poser son sac. Je ne bougeais pourtant pas la tête. J’étais encore plus mal. Je sentais même que j’allais me remettre à pleurer. Mon dieu. Et moi qui ne pleurais vraiment jamais en public. Il s’était rapproché de moi et me dit, toujours d’une voix calme : «Ne force pas sur ta jambe, plus tu forceras dessus, plus elle te fera du mal. » J’osais enfin tourner mon regard vers lui. Comment avait-il… ? Je ne savais plus trop comment réagir. Mais j’étais touchée par… Cette attention. Je ne voulais pas non plus qu’il s’inquiète pour ça. « Ah… Tu as raison… Mais… » Je n’eus pas le temps de lui dire que ça allait, que j’avais l’habitude. Je le sentis me soulever du sol, en me portant dans ses bras. Je me pinçais la lèvre inférieure. Je me retrouvais encore plus embarrassée. « Tu… Tu n’es pas obligé de me porter ! Je dois être lourde en plus… » Mes doigts serraient son haut, tellement ça m’embarrassait cette situation. J’étais totalement gênée. J’aurais pu en rougir. Il me fit assoir alors sur le banc. « Danser, alors que tu as une fracture à la jambe risque de l’empirer encore plus. » Cette fois je fus surprise. Etonnée. Certes il avait perçu que c’était un mal venant de ma jambe, mais… Une fracture ? Je ne m’étais rien cassé. Enfin… Disons que depuis l’accident, c’était le muscle qui refusait de se remettre à danser. Je sentis que j’allais me remettre à pleurer.

Si je m’écoutais je le prendrais directement dans mes bras. Comme si j’avais besoin d’une épaule pour épancher ma peine. Mais je ne voulais pas le mettre dans l’embarras. Alors je me contentais de sangloter un peu. Puis j’essuyais les larmes. « Merci pour…ton aide… et ne t’en fais pas pour la jambe… elle n’a rien de cassé…» Je me calmais de nouveau. Je n’avais accessoirement pas prévu de pleurer devant quelqu’un et encore moins devant un homme… « Dis… Tu… Pourrais garder secret… Ce que tu viens de voir ? Ah… Mais… avec une demande pareille il voudra forcément savoir pourquoi je lui demande ça… « Disons que… Je ne devrais plus faire ça de ma vie, mais que je suis une tête de mule qui ne veut rien entendre parce que… Parce que je veux encore croire que c’est possible. » Je me sentais bête de dire ça. Ca me fit sourire aussi. Légèrement. Mais c’était pourtant vrai. Quoi qu’en dise les médecins, j’avais envie de croire que je pourrais me remettre à danser… Juste pour le plaisir de le faire. Mais, comme aujourd’hui, dès que je réessayais, c’était fichu. Ma jambe recommençait à me faire mal. Alors qu’elle est guérie, depuis longtemps maintenant. Je n’arrivais vraiment pas à me dire que je devrais laisser tomber. Juste pour moi. Juste pour que j’arrête de me torturer et de me faire mal de la sorte.

Je devins ensuite un peu curieuse au sujet de mon interlocuteur. « Je… peux savoir ton nom ? » et puis sachant qu’il était venu là, pour, sans doute, s’entraîner ou autre « Tu viens souvent ici le matin ? » Vu le nombre de fois que je suis venue ici… sans le croiser je me disais que non… mais je voulais m’en assurer. Cependant, je me demandais pourquoi je n’arrivais pas à me détendre un peu. Après tout, je n’avais pas besoin de me crisper autant, même s’il avait découvert ce que je tenais caché depuis… longtemps.