La nuit n’avait pas été longue, mais interminable. J’avais laissé le bar à un de mes serveurs, en espérant qu’il ait bien fermé la porte à clé mais c’était le dernier de mes soucis. Je n’avais pas fermé l’œil. Mon cerveau n’était plus en état de marche après avoir imaginé durant des heures les mots que je pourrais lui dire si j’en avais le courage. J’avais préparé mon petit discours, mais je savais que dès qu’il me regarderait, je perdrais tous mes moyens et il me faudrait un courage monstre pour aligner deux mots. Pourtant c’était moi qui avais demandé à ce qu’on dise tout. Idiot de la part de quelqu’un qui n’est pas capable d’enchainer trois phrases à la suite.

J’avais trainé au lit tout la matinée dans l’espoir de m’endormir quelques heures, mais dès que je sentais Morphée m’entrainer, je voyais Sun Ju et je me réveillais en sursaut en me disant que je ne serai jamais à la hauteur. J’avais envie de me cogner la tête contre les murs. Dix neuf heure. Ça me semblait si loin et pourtant tellement proche. Il fallait que je m’occupe sinon j’allais devenir fou.

Aujourd’hui, je n’attrapais pas les premières fringues qui me tombaient sous la main. Même si je me rendais au bar, je devais être le plus séduisant possible. C’était différent. Je voulais qu’il retombe amoureux de moi au premier regard, qu’il oublie le mal que j’avais pu lui faire. Je voulais être le plus parfait possible pour qu’il me pardonne d’avoir été aussi aveugle et lâche. Oui c’était ce que j’étais pour ne pas assumer mes sentiments, pour préférer l’ignorer et fuir. Je devais me rattraper, lui montrer que j’en valais la peine, qu’il pouvait se battre pour moi sans craindre d’être rejeté encore une fois. J’enfilais un jean foncé, un t-shirt de la même teinte, laissant paraître le tatouage gravé sur le haut de mon torse. J’examinais mon reflet dans le miroir avant de choisir une veste simple et mes baskets. Simple mais sexy.

Une fois au bar, je ne pouvais m’empêcher de jeter de nombreux coup d’œil à l’horloge accrochée au mur. Plus le temps passait et plus mon estomac se serrait. Je me sentais nauséeux, rien de très glamour. J’étais dans un tel état de stress que j’avais du mal à gérer la caisse. Je ne pouvais plus attendre. Tant pis si j’avais deux heures d’avance mais j’avais besoin de respirer pour ne pas exploser. Comme toujours je laissais les clés à mon employé et je me dirigeais vers l’école. Ces deux écoles qui se faisaient face mais qui n’avaient absolument pas les mêmes valeurs. Mon cœur me faisait mal. Je ne m’attardais pas. Je ne savais pas pourquoi c’était si douloureux. Les souvenirs de mon enfance n’étaient pas très bons, mais j’avais décidé d’oublier, sans pour autant pardonner.

Je m’asseyais sur un banc, priant pour que Sun Ju vienne. Je lui en voudrais énormément s’il me posait un lapin. Je regardais autour de moi. J’étais submergé d’émotions et de souvenirs. Tant de temps passé ici, à rire, à pleurer, à raconter des blagues, à se prendre pour des super héros. Ce parc éveillait en moi des choses que je ne me soupçonnais pas capable de ressentir. Nostalgie quand tu nous tiens.
Je fixais l’horizon en espérant l’apercevoir et il était la. Je me retenais de lever la main pour lui faire signe, je ne voulais pas paraître stupide. Honnêtement, je me sentais carrément perdu. Debout, je me balançais d’un pied sur l’autre. « Salut ». Je ne savais pas si je devais m’approcher un peu, rester à ma place, le prendre dans mes bras. La panique montait peu à peu en moi sans que je ne puisse rien contrôler. « Merci d’être venu ».

Je me mordillais nerveusement la lèvre avant de rentrer dans le vif du sujet, sans prendre la peine de tourner autour du pot. « Je préfère te laisser parler en premier. Je suis moins doué que toi pour dire les choses». Personne ne pouvait être pire que moi. Je faisais un blocage au niveau des sentiments, peut être à cause de mes parents.