Autant le type d'avant m'avait énervée à un point considérable, autant cette fille qui a l'air perdu m'a tout de suite remise de bonne humeur. Enfin quelqu'un qui se montre poli et respectueux ! Elle a l'air si timide que je lui aurais bien dit de se détendre, que je ne vais pas la manger. Mais peut-être que ça l'aurait mise encore plus mise mal à l'aise en fait alors je me suis retenue et j'ai essayé de la mettre à l'aise avec mes mots. Qu'ai-je comme raison pour refuser sa proposition ? Rien du tout, en plus je suis curieuse de voir ce qu'une rookie est capable de faire. En effet, elle m'apprend qu'elle se nomme Su Ka Yong, alias Tiara et qu'elle vient à peine de débuter. Oui, j'ai déjà entendu ce nom de scène, on m'a déjà demandé si je n'avais pas quelque chose dans mes ressources pour une jeune fille. Je ne me souviens pas de beaucoup de noms de célébrités, seulement celles pour lesquelles je compose, ce qui est cependant déjà pas mal. Je n'ai pas encore eu le temps d'étudier le cas de cette demoiselle mais il n'est jamais trop tard pour ça ! L'occasion est parfaite, je vais pouvoir et me mettre au boulot et donner à Ka Yong la chanson qu'elle veut. Elle fera un succès avec ça, foi de Bi Ah ! Je n'ai pas résisté non plus à l'envie de regarder immédiatement ce qu'elle a fait et tout de suite l'idée m'emballe. Quoi de mieux pour séduire le public qu'une chanson sur l'amour ? Il faut travailler tout cela et je ne veux pas traîner, plus tôt ce sera fait, mieux ce sera pour la jeune fille. Ma proposition enthousiasme cette dernière : je crois qu'elle ne s'attendait pas à ce que je la prenne au sérieux. Je pense avoir une certaine pédagogie avec les jeunes – ce qui me vaut entre autre d'avoir leur confiance et leur sympathie. Quand bien même son texte n'aurait pas été assez bon, je lui aurais proposé de retravailler cela depuis le début ensemble. Je n'aime pas faire ressentir aux gens leurs faiblesses ou leur donner l'impression qu'ils ne sont bons à rien. Cela a l'air de tenir à cœur pour Ka Yong alors oui, je vais porter un sérieux intérêt à son travail. Sa carrière en dépend peut-être après tout et c'est mon travail de l'aider à faire succès.

Je me dirige donc vers mon bureau, les talons claquant sur le carrelage, et j'entends que la jeune demoiselle me suit, toute heureuse. J'ai presque l'impression qu'elle sautille comme une petite fille, comme si c'était Ri An qui me suivait pour aller chercher des jouets. Je jette deux trois regards en arrière pour voir si je ne perds pas Ka Yong en route : c'est plus fort que moi, je suis beaucoup trop protectrice avec les jeunes, comme si j'étais leur maman à tous. Mh, il faudrait peut-être que je songe à calmer mes hormones maternelles. J'entends Ka Yong arriver à ma hauteur pour prendre une nouvelle fois la parole : j'ai l'impression d'être un ange qui lui est venu en aide là. Elle me remercie alors chaleureusement pour l'attention que je porte à sa chanson et m'explique combien cette dernière est importante pour elle. J'apprends également que ce n'est pas la première qu'elle a écrite, mais qu'elle tenait particulièrement à avoir un avis professionnel sur celle-ci. Sans doute tient-elle énormément à la chanter. Une affaire personnelle ? La demoiselle serait-elle amoureuse ? Oh ooooh ~ J'esquisse un sourire malicieux mais garde ma remarque pour moi. Je préfère autant ne pas lui en parler, cela vaut mieux pour elle. On ne sait jamais avec les paparazzi, ils seraient même capables de se déguiser en membre du staff pour espionner la vie personnelle des stars. Si jamais j'en chope un, j'appelle la police et je veille à ce qu'il ne recommence pas. On ne touche pas à mes petits protégés, non mais oh ! C'est quoi ce besoin continuel de vouloir toujours en apprendre sur la vie des idoles ? Ils n'avaient pas le droit d'avoir une vie en dehors de la scène comme tout le monde ou quoi ?

« Ne t'en fais pas, c'est tout à fait normal ! C'est mon travail d'écrire et composer pour des artistes, comment refuserais-je une proposition alors que tu es si motivée ? Et je t'en prie, tutoie-moi : je ne me trouve pas encore assez âgée pour aimer qu'on me vouvoie. Au fait, moi c'est Choi Bi Ah. »

Je trouve naturel de me présenter après lui avoir demandé de le faire quand même. Elle a bien le droit de savoir à qui elle a affaire et peut-être que mon nom lui dit quelque chose. Cela va peut-être la rassurer si on lui a déjà parlé de moi – en bien j'espère – et donc elle sera plus détendue. De plus, je voulais poser les bases tout de suite : elle est adorable mais le vouvoiement, non. Je sais que j'ai vingt-cinq ans, que je suis membre du staff et que j'ai un enfant. Mais de là à me faire appeler « Madame » et à ce qu'on me vouvoie toujours, c'est énervant. Je ne lui en veux pas bien évidemment et lui adresse un sourire rassurant pour qu'elle ne panique pas. Je la sens anxieuse cette petite, qu'est-ce que ce serait quand elle devra monter sur scène ! J'ouvre alors la porte de mon bureau et lui laisse admirer ce dernier. Je n'en suis pas peu fière à vrai dire. Au-delà du fait qu'il soit très classe, j'aime qu'il soit assez grand et que j'ai la possibilité de le décorer à ma façon. J'ai même un ordinateur qui m'est réservé sur le meuble. J'invite cordialement la jeune fille à entrer et vais prendre place sur ma chaise alors qu'elle s'installe sur celle d'en face, comme je le lui ai indiqué. Je pose soigneusement la feuille devant moi et la relis. Je prends ensuite un crayon de bois, que je mâchouille pendant un certain temps. C'est toujours comme ça quand je réfléchis, j'ai besoin d'avoir quelque chose entre les dents. Elle doit me prendre pour une folle. Je prends une nouvelle feuille et commence à griffonner quelques mots, recopiant parfois la formule exacte de ce qu'elle a écrit. L'inspiration me vient naturellement : c'est comme si j'étais projetée dans le passé, au moment où j'ai rencontré le père de Ri An, folle amoureuse. Je cerne exactement les sentiments de la jeune fille, pour les avoir ressentis moi-même.

Je ne sais pas combien de temps passe alors que j'écris mais finalement, je parviens au bout des paroles de la future chanson. J'esquisse un sourire victorieux et tends finalement la feuille à Ka Yong. Alors qu'elle la lit, je l'interpelle de nouveau.

« Je me suis permise de remanier quelques formules mais globalement, j'ai gardé les idées que tu voulais exprimer. C'est fou comme l'amour peut nous inspirer n'est-ce pas ? »

C'est une petite réflexion sous-entendue pour lui faire comprendre que j'ai saisi qu'elle avait transmis ses propres sentiments dans la chanson. Je ne suis pas une idiote et j'aime bien que les gens sachent que je déduis des choses assez facilement. Ce n'est pas un reproche que je lui fais. Seulement, comme je le sais, si un jour elle veut venir m'en parler, se confier à moi, je suis là. Il n'est pas évident d'allier vie professionnelle et vie sentimentale, encore moins quand on est destiné à être une star. Si Ka Yong se sent mal un jour, je veux pouvoir être là pour l'épauler. Je la connais à peine et pourtant, je me suis déjà attachée à cette petite. C'est comme voir Ri An plus grande, qui a besoin de quelqu'un sur qui se reposer. Je me demande d'ailleurs ce que pensent ses parents de son choix de devenir chanteuse. Ce ne doit pas être évident, en général ils ont d'autres projets en tête pour leurs enfants et certains ne veulent même plus les voir. Je me demande dans quelle situation elle se trouve.

« Ça va au fait à l'agence ? Pas trop stressée ? Pas trop fatiguée ? J'imagine que ça ne doit pas être drôle tous les jours. Enfin, tu n'es pas toute seule, il y a ta famille et tes amis pour te soutenir je pense. »

Je lui adresse un sourire pour l'encourager à m'en dire un peu plus sur elle. Mieux je connais une personne, plus je suis en mesure d'écrire pour elle sans problème. Si j'en apprends plus sur Ka Yong, je pourrais lui écrire plusieurs chansons qui pourront l'aider à devenir populaire. Si elle est ici, c'est qu'elle a déjà un bon potentiel. Le directeur est assez exigeant d'après ce que je sais, tout le monde ne peut pas prétendre à devenir une star. Seuls les meilleurs sont pris. Et de ces meilleurs, Ka Yong doit devenir une des meilleurs de l'agence, je l'ai décidé. On n'a pas tous les jours la chance de croiser quelqu'un d'aussi respectueux et qui ne vous demande pas simplement une chanson pour être glorifié, comme on était une machine à succès. Ryu et moi, on en voyait des vertes et des pas mûres parfois de la part des idoles. Mais heureusement, « Tiara » avait l'air d'être différente. Je suis sûre que nous allons pouvoir sympathiser. Qui sait ? Peut-être qu'on s'entendra à merveille !