Savez-vous combien il est réconfortant de rentrer chez soi ? Cela faisait des jours et des jours que j'attendais ce moment. Le moment où j'allais pouvoir passer le seuil de ma maison, recevoir les attentions de ma famille qui m'avait manqué et rejoindre une chambre qui m'appartenait, retraçait toute mon évolution. Du moins, depuis notre arrivée en Corée du Sud. Cela ne représentait pas une grande partie de ma vie mais c'était une partie de moi-même. Un endroit où j'étais moi-même. Pas le monstre distant et trop poli. Un endroit où j'étais tranquille et pas sous le stress des représentations, shoots et autres activités. Pas sous le stress et la psychose de me faire harceler par une de ces folles de femmes. Et non, même pas des fans, juste des nanas qui trouvent drôle de se faire incessamment repousser. Elles n'attendaient pas, non plus, d'être avec moi mais s'amusaient juste de ma façon de réagir... Quoique, certaines devaient juste être complètement marteau.
Attendez. Pourquoi est-ce que je pensais à tout ça ? J'étais enfin loin de toutes ces choses et j'étais là, à les ramener carrément à la maison. Façon de parler, s'entend. Hors de question que j'en ramène une ici. On n'avait pas élevé les cochons ensemble et il fallait bien au moins ça pour entrer chez les Jungs.

J'étais déçu. Mon arrivée était passée totalement inaperçue. Autant, Aaron avait toujours été modéré et n'avait pas changé sa manière de m'accueillir, mais mon père... Si je n'étais pas rentré, cela aurait été pareil ! Voire peut-être mieux, mais ça je l'ignorais encore !
Je m'étais donc replié dans la chambre du dernier de la fratrie, c'est-à-dire mon fils spirituel et petit-frère, Liam. Lui seul avait réussi à me donner l'accueil que je méritais. C'était bien mon garçon ça ! Quoi ? Laissez-moi faire comme si j'étais un second père. De toute façon, un père de plus ou deux, vu le nombre de garçons ici, qu'est-ce que cela pouvait bien faire ? Et c'était ça qui me rassurait tant : c'était tout ce que je n'avais jamais connu. Mais aussi, tout ce qui n'avait jamais été douloureux pour moi et toute la famille que l'on formait.

J'avais ignoré les agissements étranges de mon père, ainsi que sa conversation avec Aaron. De toute façon, si c'était à Aarry qu'il s'adressait, cela ne pouvait vouloir dire que trois choses : soit notre petit génie avait deviné ce qu'il se passait, soit ce qu'il se passait dépassait ma capacité de concentration ou ma patience, soit c'était une chose que seul lui pouvait gérer pour certaines raisons. Puis comme je le disais, j'ignorais Papa Jung, trop vexé.
Moi ? Un enfant ? Oui, peut-être et alors ? Je connaissais ma place vu que je jouais avec Liam non ? Parfois, je me disais que même lui avait plus de patience que moi... A n'en pas douter, Liam allait suivre les pas d'Aaron, mêlé peut-être un peu aux miens. Si ça pouvait le tenir éloigné des femmes !

Du bruit se faisait entendre en bas. Liam et moi échangèrent un regard mais aucun d'entre nous bougea. C'était juste le facteur n'est-ce pas ?! « NAËL ! LIAM ! DESCENDEZ ! » Non, non... Ce n'était pas le facteur. Je n'aimais pas du tout cet appel soudain mais me levait, prenant Liam sur mon dos. « LE MONSTRE T'A CAPTURÉ ! » grognais-je bien fort pour montrer que la demande de mon père ne me déroutait pas un instant.

Ha. « Ne me déroutait pas un instant », j'ignorais vraiment de quoi il était question, hein ?
Je dévalai les marches, le rire de Liam pour musique d'accompagnement. Je continuai d'ailleurs moi-même de faire le monstre qui kidnappait le petite prince. Puis je m'arrêtai net.
Il y avait bel et bien un monstre. Une femme était présente dans cette maison... Mon sang sembla quitter d'un coup mon visage... Et encore, ce n'était rien en comparaison du moment où mes yeux saisirent une seconde présence...................

Et là, c'est le drame.
« WOH PUT- » « -RÉE ! Purée, Naël Hyung ! » me reprit Liam, toujours sur mon dos. Les yeux gros, je le fis descendre sans lâcher du regard l'objet de mon cauchemar à venir. Yung Calliope... se tenait devant moi. C'était quoi le délire ? On venait me maquiller à domicile ?
Je tins doucement mon jeune frère contre moi en fronçant les sourcils. « Papa....... Aaron... Ne bougez ou paniquez surtout pas mais... Il y a vraiment un monstre dans la maison. On appelle quoi les pompiers, la police ou le MIB ? Ou non, les trois en même temps hein ? »

J'ôtai finalement mon regard du personnage mobile parfaitement identifié, ce pour assommer mon frère et mon père d'un regard pressé. Qu'attendaient-ils pour faire quelque-chose ? « Hé oh, on a potentiellement des voleurs ! ... ... ... Aaron, papa est en état de choc. Tu veux bien m'aider à intervenir ? » A ce stade, j'ignorais si je plaisantais ou pas. Je n'aimais pas cet air naturel et peu surpris que tous deux portaient. Oh non, non, non ! Hors de question d'entendre ce que je pensais devoir bientôt entendre...

Ni mon frère Aaron, ni ... le monstre qui venait de bouleverser ma paisible journée ne croirait ça mais... Mon cerveau s'est arrêté de fonctionner pendant quelques secondes. Car sinon, pour les intéressés cités ci-dessus, il fonctionne parfaitement bien et sans arrêt. Mais là, la baisser de régime fut vitale. Une sorte de refroidissement des machines avant l'explosion totale du système. En moi, Tchernobyl menaçait d'avoir lieu. Et je n'avais qu'une solution pour éviter des jours et des semaines de radiation : il fallait mettre la menace, le séisme de Fukushima, le Tsunami même, à l'écart de mon foyer. Mais surtout de ma personne.

Non. Non. Non. Elle gâchait tous mes efforts ! J'essayais de la tolérer comme maquilleuse. Je la traitais enfin de façon à peu près décente et il fallait qu'elle ruine ma journée de repos. Mon moment sans manager qui en a marre de moi, sans folles dingues qui m'embêtent constamment ou encore, sans Yung Calliope. Même sans filles tout simplement. J'avais besoin de me reposer et retrouver les miens. Déjà que l'accueil n'avait pas été à la hauteur de mes espérances, il fallait dérouler, visiblement, le tapis rouge pour deux femmes. Femmes qui n'avaient rien à faire là. On ne les attendait pas. Elles n'étaient pas des Jungs et, grand manitou au-dessus de ma tête, elles n'allaient tout de même pas le devenir. Si ?

Arrête de faire le gamin, Naël... Quoi ? J'étais le seul à cerner la réalité du drame qu'il se passait mais je faisais le gamin ! J'ouvrais de grands yeux en le regardant l'air de dire "Mais comment ça ?" Aaron prenait ça trop calmement et d'un coup je le lui faisais des yeux suspicieux. Je n'apprécie pas plus quand il s'approche de moi et me traite vraiment comme le gamin qu'il a dit que j'étais. Parfait. Pour en rajouter, on me traitait comme un malade d'Alzheimer qui n'avait pas pris ses pilules. Et ce, devant l'ennemi qui plus est ! C'était juste parfait. Et salue Mme Yung et sa fille ! . . . . . . Ma bouche se tord dans tous les sens, retenant toutes les méchancetés qui traversaient mon esprit à cet instant. Du coin de l’œil, j'envoyais des éclairs à Aaron. « Avoue, tu t'amuses en fait, hein ? » lui lançai-je en marmonnant.

Je regardais la petite famille. Une femme et sa fille. Et un violent mal de crâne en prime... « C'est une plaisanterie, c'est pas vrai... Vous êtes tous frères ? » Je roulais des yeux. Non, on était tous des étrangers par rapport aux autres. C'était, ici, un refuge quatre étoiles pour des clandestins ! Aaron venait de Corée du Nord, Liam de Cuba et moi de Kaboul. Mon père, lui, se chargeait d'amasser les gamins dans notre genre. Je laissai tomber ma tête en arrière avant de la basculer vers Aaron. « Et voilà, ça va commencer... » Non. Non non et non. Hors de question que je reste ne serait-ce que dix secondes de plus ici. Un frère, ça passe, deux … Allez, mais trois surtout si l'autre plaie est comptée dans le lot, c'est MEME PAS la peine d'y penser.
Je fronçai les sourcils d'un coup et remontai ma tête aussi sec. Calliope, "Mme Yung", Aaron et mon père, tous passèrent sous mon laser. Elle avait dit quoi là ? « Frère » ? Comment ça ? Qui ça frère ? Je paniquais. « Hein ? Quels frères ? ...... PAPA ! » avais-je fini par hurler, accusateur. Non. NON. Il ne pouvait pas nous faire ça. Encore moins avec une Yung et sa démone de fille, si ? Ce n'était pas vrai hein ? Mes yeux n'avaient pas baissé de volume alors que j'essayais de comprendre autre chose que la réalité. « C'était sympa de te recroiser, mais je ne vais pas rester, tu as l'air d'être quelqu'un de bien, fais bien attention. Et toi ! Bon courage avec Jurassic Park. »

Je ne calculai pas de suite, trop atterré du ton qu'elle employait avec mon frère. J'eus le réflexe de resserrer ma prise sur Liam : des fois qu'elle soit tentée de faire sa gentille d'un coup... Je ne trouva qu'à lui servir un 'hmph'. Elle allait partir à mon plus grand bonheur, je descendais d'ailleurs déjà un peu avec Liam, quand sa mère la retint. « Tu ne vas nul part Calliope, je t'ai demandé d'être gentille ! C'est si difficile ? » Un peu agacé de ce stop, je répliquais comme si on m'avait adressé la parole. « Si vous voulez mon avis, c'est en effet au-dessus des capacités de votre fille. »

Je ne tirai aucun plaisir de cette répartie pourtant. J'accusais sans cesse mon père du regard. « Bon, j'en ai assez, quelqu'un veut bien m'expliquer ce qu'il se passe ? Pourquoi mon jour de retrouvailles familiales doit être ruiné, hein papa ? » Je croisai les bras, sévère d'après moi et rappelant que mon retour était passé inaperçu auprès de monsieur "je ramène deux inconnues sans prévenir personne".