5h36 … Voilà l’heure qu’indiquait mon cher réveil depuis vingt minutes. Et oui, c’est possible, surtout quand on s’est levé au moins une fois par heure durant toute la nuit. J’ai bien tenté de me rendormir, mais impossible, mais il y a des jours ou plutôt des nuits comme celle là où je n’arrive pas à trouver le sommeil. Alors je reste comme ça, à attendre que Morphée dédaigne enfin montrer le bout de son nez et m’enveloppe dans ses bras et que je succombe enfin à un doux sommeil sans rêve. Ce n’est pas faute d’avoir attendu, j’avais beau me retourner dans tous les sens, changer de position, rien n’y faisait. Même le marchand de sable n’a pas bien fait son boulot, je suis sur que ses fournisseurs sont des Taïwanais, c’est plus ce que c’était. En fait, ce n’est pas que je ne parvenais pas à trouver le sommeil, j’avais l’impression de ne pas dormir, bien que j’ai du roupiller quatre heures à tout casser. Voyant que cela ne servait strictement à rien de rester allonger à admirer la blancheur du plafond à compter des moutons invisibles, j’ai décidé de me lever et de prendre un bain, après tout, j’avais encore un peu de temps devant moi.

Je pris soin de choisir chacun de mes produits spécial bain. Ah oui, c’est mon petit point faible, les cosmétiques, je les collectionne. Au-delà de mon côté acheteur compulsif, j’aime prendre soin de moi, et ce n’est pas un mal, surtout lorsque l’on a un pied dans le monde des idoles. Je décidai de prendre toute ma mallette et on verra bien au moment opportun. Je saisis mon portable au passage, parce que la musique est devenue un besoin vital. Je tentai de faire le moins de bruit possible pour laisser mes deux frères dormir encore un peu. Nos activités nous prenaient le plus clair de notre temps et de notre énergie. Résultats, je ne fais que croisé Yong Jae, à peine le temps de se dire bonjour que nous voilà parti pour une nouvelle journée d’entrainement et pis le soir, on est tellement crevé qu’on ne s’échange qu’à peine quelques phrases avant de rejoindre nos quartiers généraux pour aller récupérer, histoire de dire qu’on ait pas l’air de zombie le lendemain. Gabriel, je n’en parle même pas, je n’ai pas eu de vrais échanges avec lui en dehors des entrainements à l’agence ou avec le groupe. Et cela ne va pas être avec nos supers emplois du temps de ministre que les choses vont s’arranger. J’envoyais valser mon pyjama directement dans le panier à linge, pendant que le bain se remplissait d’eau chaude parfumée à la cannelle. J’avais opté pour ce produit moussant, parce que premièrement j’aime cette odeur et deuxièmement, c’est mon coup de cœur du moment. Bref, je me glissais à l’intérieur de la baignoire débordante de mousse. Il faudrait que j’éponge le sol ensuite, je n’avais pas encore fait attention à mon dosage. Je m’immergeais la tête sous l’eau, je n’entendais rien, sauf le calme angevin et les remous que je créais en remuant un peu trop vivement mon corps. Je pourrais passer des heures comme cela, malheureusement, je n’ai pas encore des branchies pour respirer sous les flots. Je remontais alors à la surface, prenant soin d’essuyer mes yeux avant de les ouvrir. Je calais ma tête avec la serviette sur le rebord et fermais les yeux. Je lâchai prise, me lassant complètement aller, en détendant au maximum chacun de mes muscles. Doucement, mes pensées se mélangèrent, jusqu’à ce que je ne sois plus réellement maitre de moi-même, comme si j’étais un simple spectateur, conscient de ce qui se passait, sans pour autant pouvoir intervenir. J’étais à la limite entre le sommeil et la réalité. C’est assez étrange comme sensation, mais tellement relaxant, que je ne désirais pas me détacher de cette léthargie.

Je m’étirais, manifestement j’avais dû m’assoupir et cela m’avait fait le plus grand bien. Mon bain avait perdu en chaleur et presque toute la mousse avait disparue. Jugeant que le moment de détente était terminé, je retirais le siphon. Pendant que l’eau s’écoulait lentement en direction des égouts, je pris une douche pour me permettre un réveil en douceur. Une fois propre comme un sous neuf, je pris une serviette afin de me sécher et finir par l’enrouler autour de ma taille. Je me rendis compte que je n’avais pas pris mes vêtements. Je le savais, j’oublie toujours quelque chose quand je vais quelque part. Je fis le chemin inverse en rasant les murs. Arrivé dans mon antre, j’enfilais un boxer, laissant tomber la serviette à terre, je me postais devant mon armoire et étalais plusieurs vêtements potentiellement mettables en ce jour. J’avais été assez rapide et optais pour cette [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Je n’omettais pas la veste à manche longue pour cacher mes légères cicatrices, elles n’étaient si voyantes si on ne se focalisait pas sur mon bras mais c’était toujours par simple précaution. Je n’aimais pas trop me remémorer les raisons pour lesquelles j’étais ainsi marqué.

Je repartis, toujours à pas de loup, dans la salle de bain. Je rangeai la pagaille que j’avais semée quelques temps auparavant, réunissais mes fournitures à leur place dans ma mallette. Pour terminer, je passais le peigne dans mes cheveux pour les domestiquer quelque peu et enfin, la crème hydratante sur le visage, et j’étais enfin près. Je pris mon téléphone et regardais machinalement l’heure, j’avais encore largement le temps. J’allais enfin pouvoir consommer un petit déjeuné digne de ce nom, dans la mesure où mes talents en cuisine, c'est-à-dire pas grand-chose, me le permettaient.
Je passais dans ma chambre pour y entreposer chacune de mes affaires & puis descendre en trombe dans la cuisine. Je commençais par mettre le lait et le miel dans une tasse, avant de mettre le tout au micro onde. Quelle invention, c’est devenu mon meilleur ami en cuisine ! Je constatais que l’heure tournait, mais que Gabriel n’était toujours pas levé. Il n’y avait rien d’affolant, mais c’est le fait qu’il ne soit pas encore en train de faire son petit tapage matinale quotidien qui me déroutait un peu. Bizarre quand même cette histoire…

« Gabriel ?! » appelais je doucement.

Je me dirigeais à présent vers sa chambre, je frappais à sa porte.

« Gabi, debout ! C’est l’heure de te réveiller marmotte ! »

Sans attendre de réponse précise, je rentrais à l’intérieur. Je m’approchais de son lit et le secouais délicatement.

« Gabriel, lève-toi. Si tu veux je te prépare ton café ! » Murmurais je avec un sourire.

Gabriel avait mit un temps infini à émerger de son sommeil, lui qui était habituellement si énergique, je me demande quelle mouche l’a piqué… Je l’observais patiemment se relever dans son lit. Quand les draps glissèrent sur lui, révélant des bandages sur ses deux bras dont l’un d’eux avait l’air pas mal amoché. Mon regard fit plusieurs allers retours entre le visage de mon cadet et ses blessures, mon expression oscillant entre l’étonnement et le souci. Je plantais ensuite mon regard dans le sien, avec une déferlante de questions se bousculant dans ma tête. Sa « surprise » de me voir dans sa chambre et sa question me prirent au dépourvu. Non, mais c’est quoi ça ? Genre le gars il me regarde comme si c’était normal, on a l’impression qu’il rentre d’un conflit armé, mais c’est tout à fait normal de le voir dans cet état. J’avais envie de hurler « WTF ? ». Au lieu de quoi, je me secouais frénétiquement la tête, avant de regarder l’heure sur ma montre.

« Il est 7h10, je sais qu’il est un peu tôt, mais bon, comme ça tu as le temps de te préparer tranquillement. » Lui dis-je avec un petit sourire. Bien évidemment c’était plus fort que moi, je ne pouvais m’empêcher de lui poser LA question en lui désignant d’un mouvement de tête ses deux bras : « Comment ça t'est arrivé ? »

Je le regardais dubitativement. Un silence gêné s’installa dans la pièce. Je n’étais pas vraiment ce qu’on pourrait qualifier de proche avec mon plus jeune frère. Je ne lui ai jamais vraiment adressé la parole si ce n’est au travail où on était presque toujours coller ensemble. En même temps, on était dans le même groupe, alors il fallait bien faire bonne figure en mettant nos petits différents de côté, parce que je ne vous explique pas vraiment l’ambiance qu’il y aurait. Le reste du temps, je l’évite ou ne lui parle que pour des futilités. On ne se connaissait pas vraiment en soit, je veux dire que je ne sais rien de personnel de lui, à part ce qu’il montre. Alors, je ne m’attends pas à ce qu’il me déballe sa vie là tout de suite, genre on a gardé les moutons ensemble. D’ailleurs, je comprendrais parfaitement qu’il ne veuille rien me dire, je n’étais que le mec avec qui il habitait après tout, même si officiellement nous étions frère, nous n’en avions pas la relation. Je me frottais l’arrière du crâne un peu embarrassé d’avoir causé ce malaise entre nous.

« Tu sais, je comprendrais parfaitement que tu préfères garder ça pour toi. Je ne vais pas insister plus que cela, seulement j’espère que ce n’est pas trop grave. »

Je suis trop malin comme mec … Evidemment que c’était grave pour qu’il se retrouve dans la situation présente et puis sa tête n’avait rien de mieux, on croirait un rescapé d’une invasion de zombies. Il l’allait pas pouvoir faire grand-chose de concluant à l’agence, il l’allait même pouvoir rien faire. Sans l’usage de ses bras, il allait rester assis dans un coin à attendre que le temps se passe. Qu’est ce qui s’est passé pour qu’il réussisse à se mettre dans un état pareil ? Je commençais à faire le tour de toutes les situations possibles & imaginables. Je me rends compte à présent que son état aurait pu être bien pire. Et s’il lui était arrivé quelques choses de grave ? J’aurais encore culpabilisé parce que je n’ai pas pris le temps de le connaitre, parce qu’il me rappelle tellement mon père à tous les niveaux que j’en viens à le fuir ? C’est dans des moments comme ça que je me rends compte que la vie est bien trop courte et qu’il faut en profiter. Je ne dis pas que Gabriel & moi allions devenir les meilleurs amis du monde, mais je devrais au moins lui parler un peu plus, apprendre plus de choses à son sujet.

Un éclair me traversa l’esprit … et si, on séchait le boulot pour une fois ? Si je prenais une journée rien que pour nous ? De toute façon, je n’avais pas vraiment grand-chose à perdre, mais beaucoup à gagner. Je suis très assidu dans mon travail habituellement, je suis le premier à râler lorsqu’il y a ne serait ce qu’un petit retard. Cette dernière pensée m’arracha un petit sourire, j’allais être le mauvais élève pour une fois. Je suis momentanément devenu dingue, alors
autant en profiter non ?

« Dans la situation actuelle des choses, j’imagine que tu ne vas pas faire des masses à l’agence si ce n’est t’ennuyer ferme, alors je me disais que peut être que ce serait bien qu’on passe un peu de temps ensemble ? » Je marquais une pose avant de continuer. « Tu n’es pas obligé d’accepter, hein, c’est une simple subjection… Prends le temps pour te vêtir, pendant que je nous prépare le petit dèj’, parce que je ne pense pas que tu puisses vraiment te faire quelque chose de correcte à manger. »

J’avais eu du mal à déballer mon petit monologue ponctué d’hésitations. Je quittais sa chambre en lui souriant doucement avant de refermer la porte. Au plus profond de moi, j’espérais qu’il allait accepter ma proposition aussi soudaine soit elle. Je descendis les escaliers, la tête dans les nuages. Je repris mon travail là où je l’avais laissé, en incluant celui de mon cadet. Je commençais par mettre en marche la cafetière, tout en remettant à réchauffer ma tasse au micro onde. Je préparais ensuite une assiette remplie de biscottes à la confiture. Bon, je l’avoue, ce n’est pas le grand luxe, mais c’est le geste qui compte après tout. J’entendis des pas dans le couloir, je me préparais mentalement à recevoir la réponse de Gabriel, en croisant les doigts.