Tout homme a un côté sombre. Et si plusieurs d’entre eux réussissent sans peine à le dompter au nom des lois qui régissent cette société, il n’en est pas de même pour tous. Wan Su fait plutôt parti de ceux qui laissent le champ libre au criminel en eux. D’une apparence calme et soignée, il n’en reste pas moins que ça ne prend pas une maîtrise en psychologie pour se méfier du métis. Ses manières doucereuses lorsqu’il désire obtenir quelque chose par la manipulation n’atteignent souvent que les plus naïfs. Son regard est froid, son air méprisant et il ne tente pas vraiment de le dompter. La grande manipulation, ce n’est pas pour lui et il ne s’en défend absolument pas. Bien qu’il paraisse très bien en société, il n’en reste pas moins qu’un tête-à-tête avec Wan Su est rarement agréable et même ceux qui ignorent tout de son affiliation avec la mafia chinoise se méfient généralement de lui. Il y a de ces hommes qui font hurler l’instinct de ceux qu’ils côtoient…

Wan Su prétend ne pas connaître la peur. Ce n’est naturellement pas vrai… mais il n’en est pour autant pas moins convaincu. Cette témérité lui permet malgré tout de vivre confortablement cette double vie sans se mettre un stress inutile sur les épaules. Car la peur de prendre une balle peut bien être présente… mais la laisser dominer c’est augmenter ses risques de crever sous les coups de feu. De fait, Wan Su ne réfléchit que rarement aux risques avant de se jeter dans la mêlée. Tête brûlée ? Assurément et couplé à son sang chaud naturel, il ne vaut mieux pas être dans ses petits papiers, à moins de savoir comment se défendre. D’ailleurs, ennemi ou pas, Wan Su respecte une bonne bagarre et rêve probablement de rencontrer sa Némésis, ce qui ne semble pourtant pas se présenter. En même temps, imbu de lui-même comme il l’est, il est difficile pour lui de s’identifier à qui que ce soit.

Il y a toutefois des moments où Wan Su est capable de prendre un peu de recul et, s’il le faut vraiment, de fuir. Ça lui pèse sur la conscience pendant des jours et des jours et il sera de très mauvais poil, mais parfois mieux vaut piétiner sa fierté que sacrifier bêtement sa vie… et pire encore, sa famille mafieuse. Car de l’honneur, il en possède bien assez pour dix et ça, c’est quelque chose d’important au sein de la mafia, qu’on se le tienne pour dit. Toutefois, ce n’est pas le genre d’homme qui se prendrait une balle pour les hauts dirigeants mafieux, même s’il prétend le contraire. Sa vie est beaucoup trop précieuse pour qu’il la gâche inutilement pour des hommes dont il convoite le poste et le statut social. Il ne se sauvera pas, luttera… mais mieux vaut que le parrain lutte lui aussi s’il ne veut pas être charcuté. On ne met pas un homme trop imbu de lui-même à sa botte si facilement, semble-t-il.

Dans son boulot plus régulier, Wan Su est un homme sans pitié. La New Generation apprécie assurément ses talents artistiques. Si lui-même ne joue d’aucun instrument, ne chante pas, ne sait pas parader… il n’en reste pas moins qu’il a un sens artistique très aiguisé et qu’il sait très bien comment l’utiliser pour dénicher de vraies petites perles, parfois là où on ne s’en attendrait pas. Toutefois, s’il faut en renvoyer un avec pertes et fracas, il ne dira jamais non. De fait, on lui demande aussi assez souvent de s’occuper d’un boulot qu’habituellement, personne n’aime faire : les licenciements. De plus, son boulot est une bonne opportunité pour approcher une jeunesse fraîche et hautement séduisante, souvent prête à tout pour réussir à percer dans le monde impitoyable du showbiz. Wan Su n’oblige jamais à rien… mais il est pourtant l’image type des requins de l’industrie dont on parle si souvent. Le genre d’homme avec lequel vous ne laisseriez pas votre adolescente… ou adolescent, puisque ça lui importe peu.

En définitive, un homme charmant qu’il vaut mieux… éviter de croiser, sauf si on partage le même genre de valeurs, probablement.

C’est en Chine que tout a commencé. Plus précisément à Hong Kong, cette métropole où il vaut mieux vivre quand on naît dans un pays aussi particuliers. Wan Su est, selon son humble avis, bien né. Les revenus familiaux étaient loin d’être modestes et on père n’était peut-être pas souvent présent à la maison, mais lorsqu’il y était, c’était pour faire briller d’admiration les yeux du petit garçon que Wan Su était à l’époque. Grand, fort et fier, le patriarche des Zhao n’était pas homme à se laisser marcher sur les pieds, que ce soit par le monde extérieur ou seulement par sa famille. C’est lui qui contrôlait tout dans cette maison et lorsque ça ne faisait pas son bonheur, il n’hésitait pas à le dire. De bonnes claques derrière la tête, du genre à faire tomber un gosse au sol, Wan Su en avait reçu plusieurs dans sa petite enfance. Et pourtant, ce n’est pas le genre de choses dont il se plaignait à présent, ni jamais en fait. Il ne s’était jamais spécialement vu comme un enfant battu, même les biens pensants voudraient sûrement en faire une victime, à son plus grand désarroi.

Très jeune, Wan Su est élevé dans un but bien précis : être un homme. Un vrai, avec un grand « H ». Son père n’a pas peur de lui voler son enfance ou quelque chose de dérisoire dans ce genre-là. Les jeux, les amis… c’était futile, pour cet homme de pouvoir. Ce qu’il voulait, c’était une belle vie pour son fils, malgré ses airs de dur. Et le père de Wan Su avait une idée fixe de ce qu’une belle vie se doit d’être. Dès ses quatorze ans, le jeune homme subit l’étape de passage officielle pour devenir un membre à part entière de la Triade. Malgré le rang déjà très enviable de son père, il devrait commencer au bas de l’échelle et prouver à tous de quoi il est fait… ce qui ne fait pas peur à ce garçon qui déjà n’a pas froid aux yeux. Le symbole de sa faction mafieuse est tatouée à même sa peau dès cet âge, sur un de ses biceps et c’est ainsi qu’il commence une brillante carrière au sein de la mafia chinoise. Ça ne prend pas beaucoup de temps avant qu’il soit doucement, mais sûrement promu à des rangs beaucoup plus enviables.

Mais, son père avait commis une erreur : il avait voué sa vie à la mafia. Lorsqu’il est arrêté pendant une descente de police savamment menée et enfermé pour ensuite être condamné à la peine de mort, Wan Su le comprend. C’est les yeux secs qu’il assiste à l’exécution de son héros. Mais son cœur hurle sa douleur, car certes ce n’était peut-être pas toujours facile de vivre avec son père, mais c’était tout ce qu’il connaissait pour le moment et surtout, il y avait un réel amour entre eux. Wan Su ne s’autorisera jamais à pleurer cette perte tragique. Il préfère de loin poursuivre l’œuvre pour laquelle cet homme si grand et puissant avait voué sa vie. Mais pas exactement de la même façon… Pour recommencer à zéro, Wan Su demande à être muté en Corée. Sa mère venant de ce pays, il est aisé pour lui de s’assimiler. Non seulement parce qu’il a en parti les traits, mais aussi parce qu’il parle couramment la langue, bien qu’avec un accent chinois certain.

Plutôt que de vouer toute sa vie à la cause, Wan Su la joue plus fine. Il entreprend des études largement payées par son salaire et qui ne le laissent pas dans la misère, puis se fait embaucher comme recruteur de talent par une agence peut-être pas fantastique, mais qui fait un bon tremplin. C’est un an plus tôt qu’il est arrivé à la New Generation dans le but avoué, cette fois, d’y rester. Il se plaît à travailler à cet endroit et l’agence étant très grande et reconnue, c’est la couverture idéale pour continuer ses magouilles tout en ayant une protection que lui offrent sans le savoir les dirigeants de l’entreprise. Au-delà de ça, Wan Su est seul et vit au dernier étage d’une très haute tour. La vue imprenable sur la ville vaut bien le coûte de cet appartement de luxe… Certaines choses ne changent pas d’une génération à l’autre. Son parcours, toutefois, est fort différent de celui de son père et tout compte fait, n’a-t-il pas une vie plus enviable ?