L’heure de fin de classe avait sonné, tous les élèves avaient déjà quitté la pièce et pourtant, lui il était toujours là. Plusieurs raisons à cela qui allaient du simple fait qu’il ne voulait pas être prit dans les couloirs par d’autres étudiants au fait qu’il avait toujours un manque flagrant d’énergie au lycée. En même temps, difficile de déborder de dynamisme quand on vous prenait pour le souffre-douleur du coin. Du coup Hyun Hee arrivait en retard de façon systématique en cours… Juste cinq, parfois dix minutes… Et c’était un cercle vicieux parce que si comme ça il évitait ses « petits camarades », il fâchait néanmoins ses profs. Comme quoi on ne pouvait sans doute satisfaire personne…
Son regard se pose sur le dessus de son bureau, déchiffrant bien malgré-lui quelques obscénités qui crées à ses oreilles comme un bruit de tissu que l’on déchire… Celui de son cœur qui un peu plus réagit. Ce serait plus facile de s’en moquer sûrement… Et certains pourraient être habitués, peut être… Mais pas lui. Il n’avait pas de grosse carapace sur laquelle tout pouvait glisser en permanence et de fait, il se retrouvait toujours à être celui qui pleure, quoi que dans ce cas précis il préférait encore s’abstenir, niveau larmes. C’était le genre de truc qui faisait trop plaisir à ces bourreaux que pouvaient être les adolescents entre eux.
Hyun Hee a un regard pour le cadrant de sa montre, sur un lacet de cuir défraîchit et finalement, jugeant que le moment était bon, il se lève, sans un regard de plus pour le spectacle de l’absurdité écolière sur son pupitre. Son sac est balancé sur l’une de ses épaules, sa cravate lissée par-dessus la chemise de son uniforme par réflexe et finalement, il quitte l’endroit. La joie des heures de cours dans des pièces qui n’accueillaient personne l’heure suivante quoi.
Les couloirs sont loin d’être silencieux mais les piétinements ont cédés leur place à une relative quiétude. Qu’ils avaient l’air sages, lorsqu’ils le voulaient, n’est-ce pas ? De vrais petits anges qu’on aurait crus incapable de s’acharner sur « plus faible », même si cette étiquette lui semblait injuste. Hyun Hee ne se sentait pas « faible » non. D’ailleurs, lors de ses crises d’optimisme il pensait sérieusement qu’il avait du courage à revendre pour venir dans cet établissement pas moins de cinq jours par semaine !
Bref… C’est d’un pas traînant qu’il repart, se dirigeant vers son cours d’histoire. C’était pas l’envie qui le secouait de toute évidence mais y avait des choses contre lesquelles ont ne pouvait pas lutter, sûrement. Et pourtant…
Alors qu’il tourne à un angle, son esprit vagabonde jusqu’au livre d’expression qui avait été placé dans le lycée il y avait quelques semaines. Beaucoup utilisé au début, il l’était à présent beaucoup moins. Les ados savaient vite se lasser de ce genre de choses. Lui-même n’y avait accordé qu’un intérêt tout relatif jusqu’à ce qu’un jour, après s’être fait tabasser dans un vestiaire, il vienne cracher mal-être et désespoir sur ses pages. Ca ne l’avait pas fait se sentir mieux, il savait pas trop ce qu’il en avait attendu et pourtant, il était quand même revenu voir par la suite s’il avait une réponse. Et c’était le cas. Une jolie écriture droite au stylo argenté qui disaient… De belles choses. Qui donnait, si pas un sens à sa vie, au moins un peu de lumière à celle-ci et tant pis pour le côté ringard de la formulation.
Avait commencé une sorte de correspondance pas vraiment épistolaire mais presque. Elle était à la vue de tous, c’était terriblement impudique mais personne ne semblait s’intéresser à ces bouts de vie ou de pensées qu’ils s’échangeaient. Hyun Hee s’était plût à imaginer que c’était un garçon… Un « joli » garçon histoire de pouvoir se sentir rosir légèrement en découvrant chaque nouveau message.
C’est peut être parce qu’il est à ce moment là en pilote automatique qu’il finit par se diriger droit sur ce fameux livre plutôt que sur le cours d’histoire. Et comme il arrive tout prêt, Hyun Hee sursaute un peu en sortant de sa rêverie, notant qu’un autre élève y était penché. Il le voyait de profil mais le reconnaissait bien, forcément. Le fameux profil était tout en longueur parce que Jae Hwa –c’était lui oui- était d’une grandeur enviable. Il avait un teint de porcelaine probablement tout étudié, une coupe plutôt mode, une attitude assez décontracté et pourtant, la ride du lion semblait se dessiner sur son visage tandis qu’il paraissait soucieux de ce qu’il écrivait.
Hyun Hee reste en retrait mais… Un hoquet de stupeur le traverse à découvrir le crayon argenté entre les longues mains. Est-ce possible, ce genre de chose ? On aurait dit un mauvais remake d’un Disney avec la grenouille et le prince presque. C’était lui la grenouille évidemment. Jae Hwa, lui, avait tout. Enfin… Il avait presque tout, sûrement. La popularité, non seulement de part son sang quasi bleu compte tenu de qui était son père mais également de part sa célébrité qui prenait de l’ampleur. En fait, il était l’image type de ce que Hyun Hee se prêtait parfois à rêver. Ha et pour ne rien gâcher, il était en train de lui faire se dire qu’effectivement, celui qui lui répondait toujours était « un joli garçon ».
L’adolescent s’approche un peu, observant autour d’eux… Mais il n’y a personne. Du coup il avait presque l’impression de blasphémer à l’idée de lui parler quoi ! Il étire un peu le cou pour tenter de voir… Et reconnait effectivement la jolie écriture droite. Merde alors… Son cœur en bat un tout petit peu plus rapidement et peut être que la partie la plus parano de lui se demande si Jae Hwa se moquait de lui. Mais là, c’était perdre toute foi en l’humanité hein… Du coup il repousse ce genre d’idées de sa tête, inspirant un grand coup avant de se lancer :
◘ Salut.
Et là, si Jae Hwa l’envoyait mourir, c’était le drame ! Et d’une certaine manière, Hyun Hee craignait un peu qu’à savoir la vérité, il ne lui écrive plus ! Mais mentir n’était pas ce qu’il faisait de mieux et de fait :
◘ Je suis Hyun Hee…
Il bredouille un peu en réalisant que ça faisait un peu trisomique sur le retour comme ça, ajoutant de fait, penaud :
◘ Je crois que c’est avec moi que tu corresponds dans ce livre.
Puis pince-sans-rire, avec une légère grimace :
◘ On dirait que ton souhait s’est réalisé. Pas trop déçu ?
La vérité était rarement si bien que le fantasme quoi ! Façon de parler évidemment.