Une journée tranquille, qu'ils ont dit. Mon cul, ouais ! Je crois que j'ai jamais autant flippé de ma vie que maintenant. Un grand type aux traits durs me tient par le col, et a posé un canon sur mes reins. Je relève mon regard paniqué vers le visage de ce gars, que je sonde... A avoir vu sa tête quand il m'a aperçu après être entré en trombe dans le dortoir, quelque chose me disait qu'il ne devait pas m'avoir à la bonne. Maintenant, il n'y a plus aucun doute à ce sujet. Ce qui me fait d'autant plus flipper en revanche, c'est que je ne me souviens absolument pas de lui... C'est pas humain. Un vieux veut ma peau, et je ne le connais ni d’Ève ni d'Adam. Ça craint, vraiment. J'ai jamais été du genre physionomiste, mais à ce point là, ça a quand même de quoi me tuer – au sens presque littéral du terme. Et si un maigre espoir germe dans mon esprit, comme quoi il y aurait peut-être erreur sur la personne de con côté, cette idée s'efface en quelques mots. Lui me connaît bel et bien. La preuve en est qu'il vient chuchoter mon nom à mon oreille, ce qui a le comble de me rendre encore plus tendu. Je retiens mon souffle, sentent mon cœur prêt à déchirer mon poitrail. De ma vie, je crois que je n'ai jamais vu un gars aussi intimidant et aussi peu enclin à la diplomatie. La preuve en est ce satané flingue qui est toujours collé à moi. L'heure n'est vraiment pas à la plaisanterie, et pour une fois, je ne m'y risquerai même pas. C'est vraiment pas le moment de jouer au con, à moins que j'ai envie qu'un peu de sang vienne retapisser le mur, je suppose. Quelque part, je me doute que cette arme braquée tient bien plus de l'intimidation que de la véritable menace... Après tout, le mec ne gagnerait que des ennuis à me descendre, mais soit. Je n'ai pas vraiment envie de jouer avec ses nerfs, et c'est clair que je ne fais pas le fier.

Bref, cet illustre inconnu me demande ou se trouve ma chambre. Je déglutie péniblement et lève une main un peu tremblante pour secouer l'index vers la gauche. D'une voix étranglée, je dis difficilement ; « Au fond du couloir, à gauche. » Il accepte finalement de me lâcher et... C'est pas la délivrance, mais il me semble que je peux à nouveau respirer. Je reste immobile quelques secondes, le temps de reprendre mon souffle coupé, les yeux posés sur le crépis blanc en face de moi. J'entends Il Sung qui s'agite dans le séjour, et qui semble s'approcher du couloir. Silencieusement, je lui fais un geste de main pour lui signifier de déguerpir. On va essayer de régler ça calmement sans mêler les autres à ça, vu que ça n'a l'air de regarder que moi. Je me redresse finalement, me décollant du mur. D'un pas lent et prudent, j'avance en direction de ma chambre. Je m'arrête au niveau du seuil pour observer la haute silhouette sombre de l'inconnu, encore apeuré malgré tout. Je reste muet, ne sachant pas trop quoi dire... Je me souviendrais de lui, je saurais que dire ou demander, mais ce gars ne me revient absolument pas. A y réfléchir, je me dis que c'est certainement un employé de l'agence. Personne d'autre n'a accès ici normalement, donc ça doit être ça. Reste à savoir pour qui il travaille, à quel rang, etc... Je suppose que ce n'est pas un idol. Je ne suis pas physionomiste, mais je sais encore reconnaître les membres des autres groupes, les acteurs et autres mannequins... De fait, ça doit être quelqu'un du staff, ce qui me laisse encore un large choix. Du coup, j'ose quand même demander, d'une voix qui se veut posée, histoire de ne pas l'énerver ; « 'Scusez moi, mais... Vous êtes qui ? » Je reste sous le cadrant de la porte, tendu, lui adressant un regard interrogateur. Je m'essaye à poursuivre, dans l'espoir de ne pas l'énerver de trop ; « Écoutez, j'cherche pas les ennuis, donc... Qu'est ce que vous voulez, au juste ? » J'me doute que je dois avoir fait quelque chose pour qu'il vienne me menacer d'un flingue... Mais à ce point ? En attendant, on a plus qu'à serrer les dents le temps qu'il me réponde...

Spoiler:

L'homme ferme l'apporte et s'y appui. Je reste là, immobile, les mains dans les poches. La tension est certes encore palpable, mais ça n'a rien de comparable avec la situation d'il y a quelques instants. Le fait de ne plus être braqué, et attrapé par le col, je suppose. Il n'empêche que je me trouve encore sacrément tendu. Mais quelque chose me dit que cet illustre inconnu a l'air déjà un peu plus disposé à la conversation, à la condition que je ne joue pas trop au plus malin avec lui. Le genre de type qu'on doit prendre avec des pincettes, quoi... Et pour quelqu'un comme moi qui n'est pas du genre à faire dans la dentelle, c'est pas ma veine. Même si quand le moment est venu, je sais retenir ma langue parfois un peu trop pendue. Quoi que parfaitement suffisant, l'homme daigne malgré tout à se présenter. Zhao Wan Su, un recruteur de l'agence... Jamais entendu parlé. Il s'essaye à m'enferrer. Manque de chance pour lui, ce genre de commentaire ne m'atteint pas vraiment. « Vous pensez que je n'ai pas de talent ? » dis-je très naturellement. Aucune animosité dans la vie, exactement comme si je lui avais posé une question bateau pour faire connaissance. Et à vrai dire, je suis curieux de connaître son avis, tout aussi étrange cela puisse t-il paraître. Je ne pense pas en être dénué. Mes fans, mon manager, et les membres de mon groupe non plus. Sinon je ne serais pas là, j'imagine. En revanche, ça ne m'empêche pas d'être ouvert à la critique. Et je ne cherche absolument pas à jouer au petit con qui veut seulement provoquer, comme il m'arrive de le faire parfois. La suite n'est pas moins plaisante... C'est vrai que habituellement, j'aime bien me payer la tête des gens qui prennent les autres de haut. Mais en l’occurrence, je préfère ne pas m'y essayer ; je ne suis pas suicidaire. J'admets, un peu gêné, mais malgré tout sincère ; « Je cherche pas à jouer au plus malin, m'sieur. Mais j'vous assure que je ne vois absolument pas qui vous êtes, et votre nom m'rappelle rien. »

Pourtant, Wan Su vient me rafraîchir la mémoire. Ce matin, dans le hall de l'agence, j'ai bousculé quelqu'un. Autrement dit, lui. Soudainement, la mémoire me revient ; c'est le genre de détail que j'ai bien vite fait d'omettre en général, mais la donne était un peu différente cette fois-ci. Foutue cleptomanie. Un besoin incessant de chiper des trucs, parfois de moindre importance. Une main qui se faufile dans un tiroir pour y récupérer n'importe quoi. Des fois dans un sac, dans une poche, qu'importe. Je n'ai aucune idée d'où me vient ce fâcheux problème. Peut-être le goût du risque, quelque part, et je n'avais jamais eut d'ennui jusqu'à là. Résultat, je me retrouve avec un amas de bric-à-brac insignifiant. Des clefs qui ouvrent des portes inconnues, des bloc-notes vierges ou remplis, quelques billets ou pièces, des élastiques... Plus rarement, un mp3 ou un téléphone. Comme quoi, mes actes doivent parfois être prémédités avec une once de convoitise derrière. Si je me souviens bien, j'ai volé le téléphone de cet homme. Un modèle récent, en parfait état. Je n'en ai pas vraiment inspecté le contenu, étant pressé de rentrer au dortoir pour discuter de certaines choses avec le groupe. Je suis rapidement ramené à la réalité quand Wan Su en vient à parler de mon éducation. Ce qui a de quoi me crisper quelques peu. Je me fiche qu'on critique mes manières ; elles ne regardent que moi, et ne découlent pas de mon éducation, surtout cette manie bien particulière. « Hah oui... Je vous remet, ça y est. » je réponds calmement. Même si ses dires ne me plaisent pas le moins du monde, je sais que je n'ai aucun intérêt à répliquer. Je n'aime pas mes conflits, et si j'ai la possibilité de les éviter, je le fais. Mais je n'en pense pas moins. De fait, je me contente de ravaler ma rancœur et de répondre en lâchant un soupir désespéré ; « Heh oui, je suis un cas désespéré, comme vous semblez si bien vouloir le relever ! » Même si bon... Qu'un gars qui fait irruption chez d'autres, et menace, je trouve pas ça non plus une bonne référence en manière de bonnes manières. Mais je suppose que ce n'est que la monnaie de ma pièce.

L'homme quitte finalement sa place initiale, et avance doucement, menaçant. Son regard est toujours aussi dur, et suffit à me rappeler qu'il n'a pas besoin de sortir son arme pour me mettre mal à l'aise. Une main vient saisir mon menton, sans douceur aucune. Je fronce les sourcils, peu accommodé par ce genre de contact. Je fronce les sourcils, et lève une main dont je claque le dos sur ses doigts pour rompre ce contact qui me rend plus mal à l'aise qu'autre chose. Je me contente de hocher la tête à ses ordres et d'exécuter, dans la hâte d'être débarrassé de lui. Je tourne les talons et me dirige vers un petit meuble de bois. J'en ouvre un tiroir et en sors divers objets et gadgets piqués à l'étalage, ou dans les poches d'inconnus. Finalement, je tombe sur deux téléphones. Je les inspecte respectivement, et lui en tends un, gardant l'autre la main. Je lève le regard vers lui ; « C'est celui-ci le vôtre, nan ? »

Un imbécile heureux. Le pire dans cette critique, c'est qu'elle est parfaitement justifiée. Je ne m'en défends même pas. Je sais que je ne brille pas par mon intelligence, c'est clair. En même temps, je crois que je n'ai jamais fait l'effort de me faire passer pour quelqu'un de brillant ou de cultivé. A la différence de mes parents ou des mes frères et sœurs, en fait. C'est étonnant d'être le mouton noir de la famille, surtout quand on en est l'aîné. Néanmoins, mes parents ne m'ont pas renié d'avoir choisi un parcours peu conventionnel pour un fils de bonne famille. Je ne dirai pas que c'est le contraire même, mais... Je pense juste qu'ils voulaient que j'apprenne à me débrouiller, et que je m'en sorte seul. Au final, ça m'a plutôt réussi. C'est peut-être pour ça que l'attaque de ce mec sur mon potentiel manque de talent ne me heurte pas. C'est étrangement facile de juger quand on ne connaît pas, et quand on n'a pas prit la peine de se pencher sur le sujet. Pourtant, Wan Su admet ne pas être en capacité d'en juger, n'ayant pas écouté. Un bon point pour lui, tiens ! Mais mon cruel manque de savoir vivre est rédhibitoire, visiblement... Je peux comprendre, à la limite. Mais ça ne m'a pas empêché de passer au delà des sélections pour entrer à la NG. « Dommage, je ne suis que la vingtième. J'ai encore un peu de marge devant moi, visiblement... » dis-je, un peu plus grinçant qu'à l'habitude, quand il parle de la huitième merveille du monde. Avec ses grands airs, ce mec est parfaitement agaçant. En même temps, je sais que je ne peux pas être aussi provocateur qu'à l'accoutumé. A cause de la frousse que je me suis tapé il y a quelques minutes, j'imagine.

Le Chinois prends ses aises en tout cas. Enfin, je ne suis pas à un ou deux tiroirs ouverts et vidés, ceci étant dit. Mais qu'on fouille dans mes affaires n'a pas grand chose pour me plaire, c'est sûr, même si je n'ai pas grand chose à cacher. Ce n'est certainement pas dans un endroit aussi lambda que je dissimulerais mes affaires compromettantes. Bref. Le gars semble exaspéré, ce qui... Me fait à moitié sourire. D'un autre côté, je sais que j'ai pas trop intérêt à jouer avec ses nerfs, même si c'est plus fort que moi. J'ai horreur des personnes qui se prennent trop au sérieux, et je prends toujours un malin plaisir à les faire déchanter. Mais là, c'est une autre paire de manches, même si... Bon sang, c'est vraiment très tentant. De toutes façons, ce gars n'est pas en droit de me faire vraiment de mal, non ? Même si c'est vrai qu'à la base, je suis le fautif.

Il en revient à cette histoire d'éducation. « Je pense que vous serviez étonné de savoir que je suis fils de bonne famille. Ma conduite n'a strictement rien à voir avec l'éducation que j'ai reçu. Si vous veniez à rencontrer mes frères ou sœurs, je pense que vous en auriez vite le cœur net, alors arrêtez avec ces conneries. » je réponds, un peu froid, ne pouvant le laisser profaner l'éducation inculpée par mes parents. Rien ne m'énerve davantage. Et pour lui prouver que je peux être poli quand je le veux ; « S'il vous plaît. » dis-je, sans utiliser un ton suppliant, mais plat. Il poursuit, ajoutant mes quatre vérités. Il me demande si je possède une quelconque ligne de conduite, ce à quoi je ne réponds pas. Pour la simple et bonne raison que je ne pense pas en avoir, si ce n'est être sérieux quand je travaille. Néanmoins, j'entre dans son jeu de l'imbécile, et questionne ; « Une éducation à la Palv-quoi ? Oubliez pas que je suis un imbécile, hein. »

Je lui tends finalement un téléphone, qui est bel et bien le sien. L'inspectant, il lâche un soupir avant d'en revenir à moi. Menton à nouveau saisi, je chasse à nouveau sa main, ajoutant un claquement de langue. Wan Su reprend la parole et... Je pige que dalle à ce qu'il me raconte. Une bonne recrue ? Néanmoins, j'écoute silencieusement ce qu'il me raconte. Pour une fois, je me complais dans l'idée qu'il ne me blâme pas. Au contraire, il semble apprécier ce qu'il qualifiait avant de défauts. Étonnant. Mais bon, ma réflexion fait son petit bonhomme de chemin. « Vous êtes un drôle de gars quand même. » dis-je en fronçant un peu les sourcils, perplexe. Nonobstant, je n'ose pas poser une question qui me brûle la langue. Il brandit son téléphone, m’assénant de nouvelles questions au sujet de son cellulaire. C'est vraiment louche. J'veux bien comprendre qu'on ait pas envie que notre téléphone soit fouillé... Mais de là à parler de vendre des informations, de le passer à quelqu'un d'autre et tout ça ? Même si j'avais envisagé de revendre ce téléphone, j'aurais prit soin d'effacer tout ce qu'il y a à l'intérieur, pour éviter d'attiser les soupçons. Je ne me suis même pas intéressé à ce qu'il y a à l'intérieur, l'ayant chipé tout juste ce matin. Je réponds, parfaitement sincère ; « Non. J'ai juste regardé de quel modèle il s'agissait, mais c'est tout. J'suis pas trop du genre à fouiner dans la vie des autres, c'est pas mon truc. J'le ferais éventuellement si j'avais choppé ce truc à quelqu'un qui m'intéresse, et sans vouloir vous offenser, vous m'intéressez absolument pas. » Je soupire doucement, et l'observe. Un mec louche, c'est le moins que l'on puisse dire... Et du coup, je demande, plutôt malgré moi ; « Vous faîtes partie des Jopok, ou un truc du genre ? »

L'éducation à coups de pieds ? Oui, je vois vaguement le genre. Pas que j'y ai eut droit, hein, Dieu merci. Enfin, comme semble si bien vouloir le relever Wan Su, si j'avais été élevé comme ça, j'en serai sûrement pas là aujourd'hui. N'ayant rien à ajouter à ce sujet, je me contente d'une légère grimace qui prouve que je ne suis guère adepte des traitements aussi... Violents. Mon interlocuteur paraît presque faire l'apologie de ces méthodes, pourtant. Raison de plus pour que le courant ne passe pas... J'acquiesce néanmoins, histoire de signaler que je vois où il veut en venir. « Ma foi, je m'endormirai moins bête. » finis-je par dire simplement, omettant consciencieusement d'émettre un jugement à ce sujet.

Le supposé mafieux prend ses aises, se débarrassant de sa veste, avant de remonter ses manches. Tout ceci d'une lenteur sûrement minutieusement calculée. Je me contente de rester silencieux et immobile, ne voyant en ces gestes aucun bon présage. Je suis peut-être allé un peu trop loin... ? Son ton froid me le prouve bel et bien. Pourtant, il daigne plus ou moins répondre à ma question. Rhaa, Jopok ou mafia de je ne sais-où... Il a compris l'idée, non ? En tout cas, il me corrige sur le fait qu'il est chinois, et non coréen... Mais à entendre sa façon de dire les choses, à ne pas répondre complètement à ma question, j'en viens moi même à des conclusions. D'accord, il n'est pas de la mafia coréenne. Mais il doit être de la mafia chinoise... Un « aaah ! » muet étire mes lèvres, sans que je n'ajoute quoi que ce soit.

La suite n'est... Pas moins joyeuse. En tout cas, j'ai la preuve que j'ai effectivement dépassé les bornes. Sans prévenir, il me saisit à nouveau par le col, brusquement, avant que son autre main n'empoigne ma tignasse. Je bascule en arrière, grimace à cette douleur vive et inattendu. Et sur l'instant, je ne saurai dire si je suis plus préoccupé par cette douleur, ou par les sermons qu'il me fait. En tout cas, c'est sûr et certain qu'on ne me reprendra pas à faire un sale coup à ce gars... Et surtout, à re-jouer de l'impertinence comme je l'ai fait avec lui. Au final, je m'y serai plus brûlé les ailes qu'autre chose. « C'est bon, j'ai compris, j'me la ferme ! » dis-je en plissant les yeux de douleur.

Il accepte finalement de me relâcher. Mais je n'ai pas même le temps de me redresser et de dire « ouf » que sa main saisit mon épaule cette fois-ci. Et alors que je lève vers lui un regard perplexe, je sens cette fois-ci son poing s'abattre avec violence au creux de mon ventre. Cette fois-ci, je me plie sous la douleur. Je me sens à peine basculer sur le lit, les bras repliés sur mon ventre endolori. Geignant de douleur, marmonnant quelques jurons, j'écoute néanmoins les paroles de mon vis-à-vis... Au cas où mon inattention pourrait me valoir de nouveaux coups. « Non, j'ai compris m'sieur. » dis-je d'une voix étranglée. Il m'adresse quelques derniers mots, semblant vouloir prendre congés. Je secoue la tête de gauche à droite, n'ayant rien à ajouter... Non, effectivement. Ça n'aura pas été une journée tranquille.