Aaaah, magnifique journée en perspective. Tout s’annonçait bien pour moi. J’avais renversé la moitié de mon thé au citron sur la magnifique chemise blanche que je m’étais récemment offerte. J’avais oublié mon téléphone portable dans ma chambre en partant, parce que je l’avais mis en charge quelques minutes à peine avant de partir, sur un coup de tête sans doute. Encore heureux, je n’avais pas oublié de vérifier que mes chaussettes appartenaient à la même paire avant de les enfiler. Cette journée s’annonçait… comment dire ? Catastrophique. Oui, ce mot était parfait pour résumer la situation ; j’avais comme l’impression que, si une merde devait arriver en cette belle journée, c’était sur moi que celle-ci tomberait forcément.

Pourtant, en me rendant à l’agence, je ne pensais à rien de bien méchant. Je réfléchissais aux choses qui m’arrivaient dernièrement, aux choses qui m’étaient arrivées dans un passé plutôt lointain et, aussi, aux choses qui risquaient de m’arriver dans le futur si je continuais à avoir une poisse aussi forte que celle d’un putois un mardi matin après sa douche. Non, franchement, j’avais la guigne actuellement… Et c’était sans compter que je venais d’avoir une incroyable période de calme dans ma carrière… En fait, il ne s’était presque rien passé dans ma vie depuis quelques temps, cela m’aurait presque rendu triste si, au fond de moi, je n’avais pas été absolument convaincu que cela me laissait au moins un peu de répit et de bonheur à vivre. Seulement voilà, aujourd’hui, les éléments semblaient se déchaîner contre moi. L’eau – ou plutôt le thé-, la foudre – ou le chargeur,… tout ! Je me demandais même si je n’allais pas finir en flamme à cause d’un micro mal branché ou d’un casque qui créerait un court circuit avec ma chevelure. Quel horreur… Rien qu’imaginer cette scène me rendait paranoïaque.

Je quittai la pièce où je venais de m’entretenir avec un manager au bout de quelques longues minutes de discussion. Ce vieux bougon râleur avait toujours les meilleures idées qui soient pour me pourrir la journée. Je savais parfaitement que j’avais oublié de chanter une note lors de ma dernière apparition public, ça n’était pas la mort, je m’étais très bien rattrapé en faisant passer ça pour un freestyle… ça aussi, je le savais. Bref ! Cette journée n’était pas des meilleures, mais je n’allais pas pour autant me montrer désagréable avec mon entourage. Pour cette raison, je pris la direction de l’ascenseur de l’étage, bien décidé à aller me reposer un peu, loin du stress des conversations désagréables qui avaient eu lieu avec ce manager trop fier… j’étais bien placé pour parler de fierté, cela, tout le monde le savait parfaitement.

Une fois à l’intérieur de l’ascenseur, j’appuyai sur le bouton qui indiquait l’étage où j’allais pouvoir trouver la salle de repos et, voyant une jeune femme y entrer, je retins la porte pour elle. Je n’étais pas très heureux de voir une femme dans le même ascenseur que moi, mais j’avais un peu plus confiance en elles lorsque je n’avais pas forcément à leurs parler alors, je n’allais pas faire une scène stupide maintenant, pas à cause de problèmes passés, si elle ne m’adressait même pas la parole. Quelques secondes plus tard, l’ascenseur démarrait… pour s’arrêter sans même avoir parcouru la moitié de la distance. Les lumières s’éteignirent et, sans avoir été prévenus, nous nous retrouvâmes dans le noir complet. C’est donc d’une voix peu assurée que j’apostrophai l’inconnue qui m’accompagnait.

« Dites-moi qu’on n'est pas coincés là… »

Le noir et moi, ce n’était pas vraiment ça… À vrai dire, ce n’était pas ça du tout. Oui oui, même moi, Katase Kenta, j’avais des peurs stupides comme celle du noir… Je fermai les yeux, portant mes mains à mes oreilles, comme si c’était un réflexe et, soudainement, je me fis une réflexion : les oreilles… c’était pas vraiment l’organe de la vue en fait.

Surtout, je ne devais pas paniquer. Je ne devais pas paniquer je ne AAAAAAAAH ! Qu’est-ce que c’était ça ? Tout compte fait, ce n’était qu’une fausse alerte, la personne avec qui j’étais piégé dans cet ascenseur venait de prendre la parole pour me confirmer implicitement que nous étions bel et bien coincés dans cet ascenseur. Par tous les chocolats du ciel, pourquoi ce genre de chose n’arrivaient-elles qu’à moi ? Les yeux fermés, je pris une profonde inspiration, j’expirai ensuite ; je ne devais pas paniquer… Pas du tout. C’était très difficile pour moi, car j’étais du genre à avoir… vraiment peur du noir ? Oui, en fait, j’avais constamment l’impression que des choses horribles se passaient dans l’obscurité. Par exemple, peut-être qu’un virus allait nous affecter ? Peut-être qu’une véritable pandémie zombique allait avoir lieux ? Peut-être que je jouais bien trop aux jeux vidéos aussi, c’était une possibilité. En tout cas, les choses n’allaient pas bien en ce moment et je devais garder mon calme, rester zen, me mettre en position du lotus et méditer… C’était…  Mission impossible. En plus de tout ça, il fallait que je sois coincé là avec une femme. Les yeux toujours fermés, je répondis à ses paroles, à peine quelques secondes plus tard.

« Génial…génial, génial, génial…  »répétai-je rapidement.

Je n’étais absolument pas en train de céder à la panique, c’était une idée, une illusion d’o…oreille. J’en étais persuadé, je devais essayer de m’en convaincre, je… aucun doute n’avait été aussi grand en fait. J’avais beau avoir ré-ouvert les yeux, je n’y voyais goutte. Pour cette raison, quand j’entendis un bruit provenir la personne qui se trouvait avec moi, je me demandai si elle s’était blessée ou si elle était tombée. C’était horrible, j’avais l’impression qu’une catastrophe arrivait à chaque seconde, alors qu’en réalité tout ce qu’il se passait, c’était l’irréversible écoulement des secondes… Lorsqu’une légère lueur apparut dans l’ascenseur, je crus que le kami du chocolat blanc avait entendu mes prières intérieures et apparaissait devant moi – ça aurait été peu de chance pour lui, j’avais faim en ce moment – mais ce n’était que la lueur d’un téléphone. Celle-ci me permit d’apercevoir le visage de mon interlocutrice. Je pus me calmer légèrement grâce à cette faible source de lumière.

« Katase Kenta.  Avais-je répondu lorsqu’elle m’avait posé une question. Enchanté.  »

Cette jeune femme avait de la  chance ; en temps normal, elle aurait sans doute été une femme dont j’aurais du me méfier. Ici, c’était un peu différent. Je restai debout et, doucement, je tâtonnais dans le noir, cherchant de la main le bouton d’appel de l’ascenseur, qui nous permettrait d’informer l’extérieur de la panne que nous vivions. Je finis par le trouver, grâce à la lumière mais, malheureusement, cela sembla ne pas vouloir fonctionné. Je repris donc la parole, la voix et les mains tremblantes tandis que j’appuyais une nouvelle fois sur le petit bouton qui aurait du être notre salut.

«  Pourquoi ça fonctionne paaaaas ?   »

Mes mains tremblaient énormément et les larmes me montaient aux yeux. Je me sentais idiot, mais je ne pouvais pas m’empêcher de paniquer lorsque je me retrouvais dans le noir… C’était impossible. Bien, il ne me restait plus qu’à m’asseoir et attendre les zombies, comme ma camarade d’infortune… chose que je fis.

« Tu penses que c’est une panne de courant ? Tu pense qu’ils vont remarquer qu’on est coincés ? Tu crois qu’on va nous aider ? Tu crois qu’on va mourir ? »

Peut-être qu’un immense monstre avait attaqué l’immeuble et que nous allions mourir dans cette cage d’ascenseur ? Peut-être que mes hypothèses étaient aussi pertinentes qu’un morceau de tomate dans une barre de chocolat ? Peut-être que je disais des conneries et paniquait pour rien en assommant Mok Li avec mes questions ? Je devais arrêter. Les genoux contre mon torse, calé contre la paroi de l’ascenseur, je fermai les yeux pour essayer de me calmer.