« Jae Ho vient voir, il y a des bébés girafes
qui viennent d’arriver au centre ! »
Autant vous dire que le jeune garçon se désintéressa d’un coup de ses devoirs envoyés par correspondance de Corée. Sa mère n’eut pas le temps de le retenir qu’il était déjà parti à toutes allures en direction du bout du village.
Elle soupira… Son fils était intenable dès qu’on parlait d’animaux. Sûrement parce qu’il a toujours été en contact avec eux. Elle sourit. Les devoirs seront pour plus tard, comme d’habitude.
De toute façon, ce n’était pas comme s’il avait de la peine à suivre scolairement. Elle se demandait bien comment il faisait pour tout comprendre aussi vite alors qu’il n’accordait pas vraiment de concentration à sa scolarité. Il parlait même mieux qu’elle le swahili parfois, cela la sidérait. Elle se demandait même s’il n’était pas surdoué, en plus de son trop plein d’énergie.
Il était sûrement doué en swahili car il le parlait tous les jours avec ses amis africains mais cela l’impressionnait tout de même. Les enfants en général et leur capacité d’adaptation l’impressionnaient.
Toute fois, elle s’inquiétait. Elle se demandait comment réagirait son fils lorsque la petite famille renterait en Corée du Sud. Pays que Jae Ho n’a encore jamais vu.
Mais fallait-il vraiment « rentrer » dans un pays qu’elle ne reconnaissait plus comme étant le sien ? Leurs recherches, et surtout, le financement de celles-ci touchaient à leur fin. Encore grand maximum deux ans, mais plus était impossible.
Elle n’avait aucune envie de retrouver Séoul et cette cohue compacte d’habitants. Néanmoins, elle savait bien que son mari, lui, avait le mal du pays et rêvait de rentrer, malgré son amour pour la savane. Et elle l’aimait.
Elle grimaça… Elle n’arrivait pas imaginer Jae Ho ailleurs qu’ici, en contact avec les animaux qu’il adorait tellement. Au milieu de Séoul, il paniquerait certainement. Elle n’avait aucune envie de lui faire subir cela.
Sauf que cela ne rata pas. Exactement deux ans et trois jours plus tard, la petite famille débarqua à Séoul par avion. Rien que voir la tête de son fils à l’aéroport, elle comprit que ce serait dur. Très dur à lui faire accepter cette nouvelle vie.
Il avait beau avoir passé treize ans dans la savane, il serait désespérément dans sa main l’amulette que ses compagnons africains lui avaient offert comme s’il s’agissait d’une peluche. Il se tenait tout près d’elle, ayant perdu tous ses points de repères. On aurait dit un animal effrayé. Ce n’était pas complètement faux. Son cœur se serrait. Son instinct ne cessait de lui répéter qu’ils ne devraient pas être ici, que ce n’était pas pour eux tout ça, toute cette agitation citadine.
Cependant, il ne faut pas sous-estimer la capacité d’adaptation d’un être humain. Même si ce n’était pas forcément drôle tous les jours, même si les trois furets et quatre chats ne suffisaient pas à Jae Ho, même si l’école était un calvaire -malgré ses excellents résultats-, même si l’Afrique et ses amis lui manquaient, même si ne pas dire bonjour à tous ceux qu’il croisait lui semblait bizarre. Au bout du compte, il commençait à apprécier sa vie en Corée du Sud. Cela rassura drôlement sa mère.
Mais les années passent. Jusqu’au jour où on se rend compte que tout est passé en vitesse accélérée. Avant même de vraiment le réaliser, il se retrouve au milieu de ses études vétérinaires. Il est doué, très doué. Mais la mort des animaux est toujours quelque chose de très douloureux. Finalement, il ne sait pas encore vraiment vers quel métier se diriger. Entre faire des recherches en tant que zoologiste ou continue ses études de vétérinaire.