« Ma chère Rin Ah,

Déjà, je veux m'excuser pour ce qui t'es arrivée, un peu tard... je sais. Mais, je suis sincère. Tu es la seule personne qui se soit jamais intéressé à moi au final. Pour mon père : je n'étais qu'un bon cheval en qui il pouvait investir, pour eux, je ne suis que leur patron, pour mon frère, je suis un rival. Tu es l'unique qui ait vu « Xia Min », c'est tout. Je t'en serai éternellement reconnaissant, mais à quoi bon ?  Aujourd'hui tu es partie, à cause de moi. Si tu savais à quel point je m'en veux. J'ai été vraiment stupide ce jour-là. Non, pas uniquement ce jour-là, avant de te rencontrer, je n'étais qu'un pauvre abruti... Je n'aurai pas dû  accepter de t'emmener, c'était risqué mais, nous deux, c'était à la vie à la mort. Voilà où ça nous a menés. Tu n'es plus avec moi, tu es partie alors qu'il y avait encore tellement de secret entre nous. J'aurai voulu tout te dire... Mais j'étais aveugle. Tellement. Tu me manques. Je peux peut-être te raconter maintenant... Je ne demande pas ton pardon, et je sais que c'est naïf de croire que ces mots vont t'atteindre. Mais on ne perds rien à essayer, pas vrai ?

Nous habitions en Chine, à  Xi'an. C'est vraiment très beau la Chine !  Est-ce que l'a déjà visité ? J'aurai aimé te montrer ma province... Enfin, je ne me souviens pas avoir eu une famille aimante, tu en avais une toi ? Ma mère est morte sans que j'ai le temps de la connaître. Il y avait mon petit frère, et moi. Puis, il y avait mon père. Je crois qu'il ne s'est jamais remis du départ de ma mère. Cela n'excusait pas son comportement avec nous, mais le chagrin nous fait agir parfois de manière assez étrange, il faut le reconnaître. Il s'est lancé dans les paris hippiques... C'est devenu une maladie. Je sais, c'est bizarre. Mais il nous faisait peur, nous n'avions plus droit à rien du tout. L'argent était réservée à ces «plaisirs». Mais tout cela n'était que la partie visible de l'iceberg... J'ai dis que j'allais tout te dire, alors poursuivons.

Avec tout l'argent qu'il disait « gagner aux jeux », nous avons déménagé en Corée du Sud. Nous ne savions pas pourquoi, il nous traînait un peu partout comme ça... Ils ne nous laissait rien de notre mère. Il n'était pas tendre avec nous non plus, je n'avais que 12 ans et Yi Xing en avait 14 je crois, et on débarquait dans un nouveau pays: apprendre la langue fut plutôt compliqué. Mais avec le recul, je me dis que ce n'était pas si difficile en comparaison de ce qu'on a dû faire mon frère et moi, plus tard.

Plus j'avance, plus je m'approche du moment où tu entres dans ma vie Rin Ah. Tu dois regretter de m'avoir rencontré hein ? Je ne peux pas t'en vouloir...

Les années passèrent, et il y avait des choses que nous n'arrivions pas à comprendre, des secrets. Et puis l'image de notre mère s'effaçait, peu à peu... Sans rien pour l'entretenir, comment en aurait-il pu être autrement ?

Quelques temps après l'anniversaire des 19 ans de Yi Xing, j'en avais seulement 17 :notre père fût obligé de nous dévoiler ses secrets, des secrets qu'il avait gardé pendant près de 10 ans. Pourquoi maintenant ? Il était mourant. Il attendait un « héritier » à la tête de ses petits trafics dont nous n'avions même pas idée.

Tu sais, je n'ai pas toujours été comme tu m'as connu. Si mon père ne nous avez pas traîné là-dedans, on ne se serait jamais connu, et tu ne serais sûrement pas morte aujourd'hui.

Il était le gérant d'une boîte de nuit... Si les gens s'étaient contentés de venir danser, l'histoire s'arrêterait là, mais bien sûr, c'était comme ils nous l'a dit « une couverture » pour protéger ses petites magouilles. Blanchissement d'argent, deal...  Nous n'avions jamais soupçonné une telle chose, et ce qu'il nous demandait était injuste. Mais nous avions déjà perdu notre mère... et Il n'avait jamais réussi à trancher entre Yi Xing et moi.  Nous avions tous les deux nos qualités, nos défauts... Des pour, des contres... Ce jour-là vit la fin de la famille Wu.

Le dernier morceau qui restait, s'est déchiré, pitoyablement : Yi Xing et moi.

19 ans, je ne suis pas fier de ce que j'ai dû faire pour prendre l'avantage, et je ne te le dirai pas non plus. Mais... Elle était loin l'innocence à laquelle tout enfant a droit. Je suis devenu un requin, celui que tu as connu Rin Ah, le requin que tu as changé, malgré toi.

Malgré moi.

Mon frère me détestait, enfin... Je ne voyais pas d'autres explications, aujourd'hui, avec encore un certain recul, je comprends. Je ne mérite pas d'avoir des gens autour de moi.
J'étais vraiment atroce... Mon père nous quitta, il était fier de moi. Mais à quel prix avais-je acquis cette fierté ? Je n'avais plus rien en moi qui faisait ce que j'avais été. J'étais méchant, sans cœur. J'étais le patron.

Mais, j'étais terriblement seul.

Puis tu es arrivée : de l'énergie à revendre, un fort caractère et l'envie de travailler. J'ai mis du temps à t'accepter, mais tu insistais. Alors j'ai fini par te donner des petits boulots à faire, juste pour te tester, et au début, surtout pour te faire fuir. Mais...  Tu es devenu la première femme à travailler pour moi... Tu avais horreur qu'on te crois inférieure, et tu t'entêtais chaque jour à prouver que tu ne l'étais pas tant que ça.
Et tu as fini par me plaire, un peu trop... Nous ne nous quittions plus. Toujours à mon bras, qu'importe les personnes peu fréquentables que je côtoyais. J'avais promis de te protéger. Tu m'as cru.

Et j'y croyais aussi.

Un soir, tout a basculé.

Tu as tenu à venir avec moi pour un rendez-vous. Des gens avec le bras long, des gens qui en avaient après moi. Je devais régler rapidement ce problème.  Pourquoi est-ce que tu as tant insisté hein ? Je n'arrivais pas à te refuser les choses. Tu m'avais rendu faible. Tu n'as sûrement pas idée d'à quel point. Ce soir-là, j'aurai dû mourir. Mais tu as pris pour moi... Tu es morte dans mes bras.
POURQUOI ? Tu n'avais pas à faire ça ! C'était ma promesse : je devais te protéger. Alors pourquoi...

[...]

J'ai 21 depuis quelques jours. Cela va faire deux ans maintenant que tu es morte, et je t'écris alors que tu n'auras certainement jamais l'occasion de me lire. Tu me manques, le regret me ronge, mais je réussis à vivre avec. Je n'ai pas réussi à parler de cet incident... Mes « hommes » ne font que dire du mal de toi, ils pensent que tu as filé, sans un mot... Tu vois, je n'étais pas le seul à m'être attaché à toi.

Je crois que je t'aimais en fait.

Voilà, mes excuses minables sont écrites. Je ne me sens pas mieux pour autant, mais au moins, tu connais mon histoire.

J'espère que ta vie est plus jolie là où tu es Rin Ah, et surtout que tu arriveras... Un jour... Peut-être à me pardonner.

Adieu. »