J’étais assis dans ce qui semblait être une salle d’attente, si on peut considérer un couloir avec des chaises que menacent de s’écrouler sous votre poids comme une salle d’attente. Je suis mauvaise langue, mais j’étais bien heureux de me trouver ici. J’ai attendu ce moment presque toute ma vie. Ce jour-là, je passais mon audition pour mon premier photoshoot, je suis quelqu’un d’assez confiant d’ordinaire, mais je ne pouvais m’empêcher de faire les cent pas, dans ce minuscule vestibule. On n’était pas des masses, on devait être une vingtaine à tout casser. Le concours s’était fait via internet, lorsque je l’ai vu j’ai sauté sur l’occasion, j’ai envoyé un dossier avec quelques photos. Pour que je me retrouve ici, vous vous doutez certainement que j’ai reçu un avis favorable, enfin, j’ai du attendre que mon tour vienne. En sachant que mon rendez vous était à 10h30 et qu’il est actuellement 13h27, j’ai bien cru qu’ils avaient sauté mon passage. Je stressais sérieusement, je me demandais lequel du cœur ou du cerveau allait exploser en premier. Fort heureusement pour moi, je n’ai pas eu le temps de répondre à mes questions existentielles, on venait de m’appeler pour mon rendez vous.

On me fit entrer dans une salle immaculée, baignée par la douceur du jour, où se discernait un atelier pour un photoshoot et dans l’autre partie de la pièce était disposée trois sièges face à un, séparés par une immense table. Je pris une profonde inspiration et entrais en scène. Je me courbais légèrement tout en saluant respectueusement le jury, composé d’une femme et de deux hommes. L’un d’eux me dit de prendre place, avant de commencer un interrogatoire, mieux rodé que ceux d’un flic !

« Bienvenue. Nous allons débuter par un petit questionnaire, tout ce qu’il y a de plus banale, et puis nous enchainerons avec un photoshoot. Bien, commencez par nous parler de vous, votre identité, origine sociale etc.»

« Merci à vous. Je me prénomme Gao Luhan, je suis né le 27 août 1993, à Pékin. Ma mère est coréenne et mon père chinois, je ne cache pas mon appartenance à la classe aisée, mes parents étant tous deux médecins. Je suis fils unique. J’ai toujours vécu en Chine, mis à part nos voyages durant les vacances scolaires. Suite au décès de l’un de mes grands parents, il y a quelques mois, nous sommes venus nous installer en Corée pour être proche des derniers membres de notre famille. »

Je passais volontairement sous silence certaines parties de mon histoire, mes parents étaient certes médecins, mais ils possédaient plusieurs cliniques, et ce n’était pas que pour la mort d’un proche que je connaissais à peine que nous revenions, c’était surtout pour étendre leur « empire ». Comme nous le savons tous, la chirurgie esthétique est un véritable business ici en Corée, et mon père étant un spécialiste dans ce domaine, il a décidé de venir s’implanter. C’était une manière pour moi aussi de recommencer ma vie à zéro, un nouveau départ, je n’étais pas une presque célébrité comme en Chine, mon père était un médecin renommé et être son fils implique une assez lourde charge.

« A priori, rien ne vous destine à engendrer une carrière artistique, je veux pire part là que comme vos parents vous auriez très bien pu suivre une carrière de médecin. Qu’est ce qui vous a poussé à engager dans ce type de profession ? »

« C’est vrai que dans un premier temps j’étais destiné à reprendre le flambeau, mais aussi étonnent que cela puisse paraitre, depuis que j’ai découvert l’univers de la mode et tout ce qui ce rapporte à l’art, je n’aspire plus qu’à entrer dans une agence. »

« Hm, depuis quand vous êtes vous dans « cet univers » ? »

« Cela doit remonter à ma deuxième année de lycée. Il organisait un concours photo et je me suis laissé prendre au jeu, et je l’ai gagné. Et puis, je me suis penché un peu plus sur le sujet, j’ai fini par tenir un blog où je mêlais mode, conseils et photographie. J’ai acquis une petite notoriété, du moins assez pour me faire débaucher par une agence de mannequins. Ils me proposaient des petits contrats ci et là. C’était un premier tremplin. J’ai tourné quelques spots publicitaires aussi. Au départ, je me vouais à une carrière de styliste, mais je me suis vite rendu compte que le mannequinat me convenait mieux. »

C’est vrai que cela peut paraitre suspect, mais c’est bien a manière dont les choses ce sont produites. Au départ, je participais à ce concours juste pour rire, jusqu’à ce que je me prenne vraiment au jeu et que je fasse un book. J’ai toujours pris soin de moi, nous sommes avant tout dans une société d’apparence, et puis lorsque nos parents sont chirurgiens esthétiques, on ne plaisante pas avec notre aspect extérieur. Je ne suis jamais passé par la case de reconstruction faciale, disons que la Nature a été assez généreuse pour me donner le meilleur des gènes de mes parents. Je suis un bon élève, même si je ne suis pas premier de la classe, j’aurais pu devenir médecin si j’avais un peu forcé, mais cela ne me disait rien. Je ne suis pas un fan de découpage de chair humaine, mes parents ont du se faire à l’idée, enfin, surtout quand ils ont vu que je tournais de l’œil à la vue du sang. Le principal est qu’ils exceptent totalement mon choix de carrière, ils m’épaulent beaucoup et m’aident dans certaines de mes démarches.

Je remarquais que chacun des membres du jury prenait des notes, la femme et celui qui semblait être le photographe n’avaient toujours pas décroché un seul mot. Le plus vieux enchaina de plus belle.

« Je vois que vous avez déjà un peu d’expérience dans le domaine, ce qui n’est pas négligeable. Quelles sont vos qualités en tant que mannequin, j’entends par là les compétences qui peuvent vous différencier des autres ? »

« Comme je vous l’ai dit, j’ai ce métier dans la peau. Je suis déterminé à parvenir à mes fins. & je pense que la motivation est un atout majeur pour ce travail. Je suis capable de parler le coréen, l’anglais et le chinois parfaitement, j’ai des notions de japonais et de français. J’ai déjà un pied dans ce domaine en Chine, ce qui pourrait éventuellement faciliter l’extension de carrière et des marchés de l’agence. Je prends actuellement des cours pour avoir un meilleur jeu d’acteur parce que je pense qu’il est important de savoir « jouer les scènes ». »

« Bien, je n’ai plus de questions. Vous pouvez passer avec ma collègue. »

La femme me guida dans un petit local, mitoyen à la pièce principale. Il faisait visiblement office de loge. Elle me prit mes mensurations, retirait mon maquillage pour en appliquer elle-même une nouvelle couche et elle me tendit des vêtements, en ajoutant « de faire vite ». Une fois, habillé, je me dirigeais vers le jury. Le vieux me dit de marcher, surement pour vérifier si ma démarche était correcte. Et c’est bien plus difficile qu’on ne le croit, en fait c’est presque un don de savoir marcher avec une bonne posture. Il me fit faire un nombre incalculable d’aller retour et autres demi tour. Il finit par m’envoyer auprès du photographe, c’est là que tout allait se décider. Je pris place devant l’objectif avec des pauses classiques et à mesure on me donnait des consignes, ajoutait quelques accessoires. Je n’ai pas eu le temps de voir le rendu du photoshoot que l’on avait déjà congédié en me disant que j’aurais une réponse en fin de semaine.

Entre le rendez vous et la réponse, il s’était exactement écoulé trois semaines. J’avais été contacté par le vieux en personne. Enfin il n’était pas si vieux que cela, il était seulement plus mature en apparence que les autres. J’entrais à peine dans l’année de mes dix huit ans et je venais d’être sélectionné, pour entrer à la New Generation. Au début, je ne le réalisais pas vraiment, mais aujourd’hui je suis bien heureux de détenir la place que je tiens à l’agence. Je suis âgé de 20 ans et me voilà sous les feux de la rampe à courir entre les défilés, les photoshoots et plus récemment le tournage de mon drama, et puis pour être fun, j’ai insisté pour continuer mes études. Elle est pas belle la vie ?