C’est sans trop de conviction que je longe ces rayons qui me semblent interminables. Je n’ai jamais aimé faire les boutiques. Faire l’effort d’aller jusqu’à un centre commercial, choisir un magasin, chercher des fringues, les essayer… Non, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé. Pourtant, je ne me contrefiche pas de mon apparence, loin de là. Mais quand le moment est venu de rafraîchir ma garde-robe, vous pouvez être certains que ça sera un véritable calvaire pour moi. Le pire dans tout ça ? C’est que si aujourd’hui je suis là, perdu au beau milieu de ces cintres et de ces fringues, ben… Ce n’est même pas pour moi ! Je suis censé aider un pote à trouver des fringues pour lui. Le truc c’est qu’il est tellement pressé, et moi tellement pas motivé… Qu’on a fini par se perdre de vue. J’ai aucune sorte d’idée à quel étage il peut-être, et c’est vrai que je m’en fiche pour l’instant. Si c’est pour l’entendre piailler contre les prix ou les tailles, je préfère encore être largué derrière. Donc en attenant, je traîne un peu au hasard, en attendant qu’il ne m’appelle pour qu’on se retrouve quelque part.

J’ai un coup d’œil pour mon portable. Ca fait à peine dix minutes que je suis dans ce calvaire. Je continue à avancer un peu au pif dans ces longs rayons, regardant vaguement les vêtements entreposés sans grand intérêt. Je ne me vois vraiment pas rester ici pendant trois plombes, et suis bien plus tenté par l’idée de sortir prendre un café ou fumer une clope pour patienter. Je continue à traîner pendant quelques minutes, avant de revenir sur l’allée principale du magasin, qui sépare les rayons masculins des rayons féminins. D’un pas toujours las, je m’approche de la sortie tandis que mon regard dérive sur la clientèle féminine. Quelques jolies filles, mais rien d’exceptionnel à priori. Pourtant, je continue à contempler plusieurs de ces visages. Qui sait ? Peut-être que je pourrai y trouver un peu d’occupation, histoire de passer le temps. Flirter avec une inconnue serait toujours plus captivant que de boire un café tout seul. D’ailleurs, je ne crois pas si bien dire ; je crois reconnaître une certaine demoiselle du nom de… De… Merde. Elle s’appelle comment déjà ? Sa tête me dit quelque chose en tout cas, j’en suis sûr et certain. Bon, le fait que je ne me souvienne pas immédiatement de son nom est un peu gênant tout de même, aussi je m’efforce d’y réfléchir avant d’aller l’aborder. Je suis certain qu’il y a « Rin » dedans. Hyo Rin ? Hye Rin ? Ça doit-être un de ces deux-là… En attendant, je ne perds pas de temps et m’avance en sa direction, prenant bien soin de faire un détour pour qu’elle ne me remarque pas immédiatement.

Après être passé par plusieurs rayons, je finis dans le même que le sien. Me tournant le dos, elle ne m’a sûrement pas encore vu… Tant mieux pour mon égo, dans un sens ? Si elle m’avait vraiment remarquée, je pense qu’elle m’aurait évité. Pas de quoi me démonter ; j’avance plus discrètement, à pas de loups, avant de m’arrêter juste derrière elle quand elle s’arrête devant un portant. Immobile derrière elle, je tends juste le cou pour avancer ma tête au-dessus de son épaule, d’où je dis sur un ton plutôt espiègle ; « Salut Rin. »

Il faisait beau et Lee Hye Rin voulait en profiter. Elle aimait beaucoup trainer à l’agence, sans but précis, mais quand il y avait un beau temps comme celui-là, la jeune fille préférait faire du sport, boire un café avec des amis ou encore faire du shopping.
Elle pensait aussi qu’elle devait profiter de son temps libre avant que cela soit presque plus possible.
On ne sait jamais, peut-être que dans un mois ou deux, se promener aussi simplement et librement dans des endroits comme ça serait impossible.
La femme rêvait souvent les yeux ouverts, être comme ses sunbaes et pouvoir vivre pleinement de sa passion.

Ce jour là, c’était shopping au Lotte. Hye Rin avait terminé sa journée assez tôt, chose positif.
Elle entra dans le grand magasin avec le sourire aux lèvres et un regard pétillant. Comme une enfant dans un magasin de jouets.
Elle allait souffler un peu tout en se faisant plaisir: il y avait la nouvelle collection d’été, quoi de mieux pour refaire sa garde-robe.
Il y avait pas mal de monde, aujourd’hui.
Avant de monter les étages, Hye Rin s’arrêta pour acheter une boisson à boire. Elle voulait un truc bien frais. Elle opta alors pour un thé vert glacé.
Une fois la boisson en main, elle courut pour attraper l’ascenseur le plus proche et dont les portes commençaient à se fermer. Bon reflexe, elle était maintenant dans l’ascenseur. Le temps de monter au bon étage, elle but deux ou trois gorgées de son délicieux thé.
Une fois arrivée, elle sortit pour s’avancer doucement vers les vêtements et accessoires.
La jeune fille repéra une jolie robe, elle se jeta dessus. Elle soupira. Le prix de la robe était un peu trop élevé pour son budget, donc elle reposa celle-ci à sa place.
La jeune fille changea de rayon, peut-être qu’elle trouvera son bonheur autre part.
Elle était en face d’un short en Jean’s quand soudain, une voix masculine la fit sortir de ses pensées.
Surprise, elle recula d’un pas et heurta le propriétaire de la voix. Elle se retourna vers la personne avec l’intention de présenter ses excuses mais en voyant l’homme, Hye Rin n’avait plus cette intention.

« Toi ? Mais pourquoi ? »

La femme ne pensait vraiment pas le voir ici, malheureusement. C’était la touche négative de la journée.
Elle s’écarta un maximum du jeune homme pour se diriger de l’autre côté du rayon, sans croiser son regard. Elle sirota son thé glacé tout en observant les vêtements qui l'entouraient.

« C’est Hye Rin, au fait… »

Cela n’étonna même pas la jeune fille, c’était normal venant de lui. Elle était presque habituée à qu’il l’appelle Rin maintenant.
Elle se pencha sur une pile de chemisiers, en espérant que Young Ho décide de faire demi-tour et de l’épargner pour une fois ou que son portable décide de se réveiller avec un appel.
Bien sur, celui-ci s’avança vers elle. Mais c’était trop tard pour réagir, elle était prise au piège. Elle serra sa boisson, tellement fort qu'elle en renversa la moitié sur son pantalon noir. Une grimace s'afficha sur son visage.

« Génial, il était tout propre... »

Tant de froideur, de dédain et de mépris dans un simple regard, en tout juste quelques mots. Haah, je fonds. De quoi éclaircir cette journée morose et ennuyeuse, je vous assure. Pourtant, je ne suis pas du genre à apprécier qu’on m’envoie bouler ; en général je passe au-dessus. Mais là, non. Pour une fois, ça m’amuse de m’acharner pour avoir une fille. Justement parce qu’elle me fuit comme la peste ; elle est tellement distante et inaccessible, que ça devient un vrai challenge. Un petit jeu auquel j’ai pris goût, tout compte fait. Rin semble totalement désemparée en me voyant ; ma présence ici ne lui plaît visiblement pas. Ou tout du moins, le fait que je vienne lui parler. Je passe outre le fait qu’elle m’ait bousculé en se retournant et lui offre un large sourire quand j’entends sa réaction. Oui, moi. Pourquoi ? « J’suis venu accompagner un pote, mais il m’a semé ! Puis bon, je n’aurai quand même pas du t’ignorer une fois que je t’ai aperçu, si ? » Je me doute de sa réponse. Et même si elle essaye d’être une politesse hypocrite pour ne pas me froisser, je me douterai bien que la sincérité n’y serait pas. Et même si j’imagine que ma simple présence peut l’incommoder, je n’ai pas envie de partir. Mon petit côté chieur et têtu qui se manifeste, en fait.

Elle commence alors à s’éloigner. Un sourire amusé vient fendre mes lèvres, tandis que je la suis de près. Passant de l’autre côté du rayon, elle ne m’adresse pas le moindre regard, mais n’oublie pas de me corriger sur son prénom. Hah voilà ; Hye Rin. J’en avais la moitié, c’est déjà pas mal, non ? Néanmoins, je n’avoue pas le tort d’avoir zappé l’autre moitié de son prénom pour répondre avec enjouement ; « Ouais je sais ! Mais ça va, on est assez proches pour que je puisse t’appeler Rin, non ? » C’est une tentative comme une autre, un prétexte pourri, même s’il est vrai que généralement j’aime donner des surnoms. De là à dire qu’on est assez proches pour que je puisse l’appeler ainsi… Je pense que je me mets un peu le doigt dans l’œil. On verra bien à sa réaction !

Rin s’approche alors d’un tas de vêtements, j’en profite donc pour passer du même côté d’elle et m’appuyer sur le bord du meuble tout en la regardant. Sa main se sert sur son gobelet en plastique, un liquide vert en sort pour couler sur son pantalon noir. J’ai un petit rire, tandis que je lui jette un regard amusé. Tendrait-elle le bâton pour se faire battre ? Non, j’en doute sérieusement… Mais c’est sans l’ombre d’une hésitation que je réponds ; « C’est dommage ouais, va falloir que tu te changes ! » Je m’enlève de mon appui et vais vers un portant de jeans féminins. Je m’arrête devant, parcours longuement et sans la moindre gêne la silhouette longiligne de la demoiselle, avant que je ne saisisse un jean qui me semble être à sa taille. « Tiens, je pense que celui-ci devrait t’aller. » lui dis-je avec un sourire amical. Sourire doux qui s’élargit quand je lui dis avec un clin d’œil ; « Tu veux que je t’aide à l’enfiler ? »

Lee Hye Rin ignora le rire et la remarque, plutôt inutile à son gout, du jeune homme. Il avait toujours les bons mots pour énerver, pensait-elle. Et elle, elle avait un très bon self-control. A son avis, il y en a plus d’une qui aurait déjà craquée à cette étape là. Mais cela reste simplement son avis.
Le garçon s’écarta enfin d’elle, Hye Rin en profita pour lâcher un soupir. Elle chercha alors dans son grand sac de quoi essuyer la trace de thé vert. Après avoir bien farfouillé, elle sortit un mouchoir en tissu et épongea un maximum la tâche. En espérant que cela sèche rapidement.
Tout en ramassant le mouchoir dans la poche de son sac, la jeune fille se retourna face à Young Ho qui lui présenta un Jean’s en déclarant que ce dernier devrait être à sa taille.
La femme hésita avant de réagir, devait-elle tendre la perche à Young Ho en acceptant son aide ou refuser celle-ci en lui versant le reste de la boisson glacée sur la tête. Ce dernier choix lui brulait les doigts. Finalement, elle décida d’accepter l’aide du jeune homme, malgré les conséquences à venir.
La jeune fille ne voulait pas rester avec son pantalon dans cet état. Elle s’avança vers lui, silencieuse, et prit le pantalon qui était dans les mains du garçon. Elle jeta un coup d’œil sur la taille du Jean’s, qui était la bonne. C’était une des rares choses que Hye Rin ne pouvait pas en vouloir à Young Ho.
Elle retourna vite à la vraie nature du jeune homme, quand celui-ci lui proposa de l’aider à enfiler le pantalon. Elle leva son regard vers lui, désespérée par sa remarque. Hye Rin savait que c’était bien trop beau pour être vrai.

« Tu es vraiment impossible comme gars ! »

Sans faire attention à la réponse du garçon, Lee Hye Rin lui tourna le dos et sortit rapidement du rayon pour se retrouver dans l’allée principale. Elle chercha parmi le décor, une information sur les cabines d’essayage. Elle se dirigea alors vers celles-ci. En passant, la jeune fille jeta un petit coup d’œil par-dessus son épaule: Young Ho la suivait toujours.
Une chose était sure, elle ne s’ennuyait jamais quand il était là. Il y avait toujours une catastrophe quand il était dans les parages. Young Ho venait toujours à elle et la jeune fille le fuyait comme la peste. C’est étrange, le jeune homme est la seule personne pour le moment, qu’elle fuit, elle qui d’habitude n’aime pas vraiment être seule et qui a peur d’être abandonnée. Malgré elle, Hye Rin afficha un petit sourire sur son joli visage.
Une fois arrivée devant les cabines, la femme fusilla Young Ho du regard et fronça les sourcils.

« Tu peux aller faire un tour, je vais très bien me débrouiller seule… »

Lee Hye Rin entra dans la cabine libre la plus proche et s’enferma à double tour, sans vraiment laisser le temps au jeune homme de répondre.

La demoiselle prend le jean que je lui tends… En revanche, la proposition que je lui fais ne semble pas faire suffrage ! Je m’y attendais en même temps. Bon, c’est sûr que ça aurait été cool qu’elle accepte. C’est toujours beau de rêver, hein ? Elle semble même carrément outrée quand je lui propose de l’aider à enfiler ce jean. Mais hors de question de me démonter ; je ne vais quand même pas la laisser filer maintenant que je l’ai sous la patte. Surtout si ça peut me faire échapper de cette satanée séance shopping de mon pote. Allez savoir pourquoi, faire les boutiques avec les filles, je trouve ça vachement plus intéressant, en fait. Hahem. Moi, impossible comme gars ? Possible ! Mais c’est ce qui fait que je suis unique en mon genre, n’est-ce pas ? J’arque les sourcils, comme si j’étais surpris de sa réaction. Bouche bée, je feins une certaine innocence ; « Impossible ? Pourquoi ? Je veux juste me montrer serviable. » dis-je simplement. Serviable, hein… Mais bien sûr, Young Ho ! Pourtant, je mine que je crois dur comme fer en ces paroles. Je vais même jusqu’à feindre une petite moue déçue et triste tandis que je marmonne, la lèvre inférieure retroussée pour en rajouter à ce cliché ; « T’es vraiment ingrate, en fait. »

Mais bon, je n’ai pas trop le temps de m’attarder à ce petit jeu, que Hye Rin tourne les talons, vêtement en main. Je suppose qu’elle va chercher une cabine d’essayage. J’imagine que je passe pour le pire lourdingue stalker que la Terre n’a jamais porté, à la suivre partout, mais… Peu importe. Je ne lâcherai pas l’affaire tant que je n’aurai pas eu une réponse positive. Ou qu’elle s’énerve et me mette une claque parce que je suis trop chiant, sinon. Mais même avec ça, je serai capable de revenir à la charge dans quelques jours. Pire que têtu quand je m’y mets. Je reste silencieux tout en la suivant, mon regard passant tantôt des rayonnages à sa silhouette. Elle trouve finalement la direction des cabines d’essaye, et à peine y sommes-nous arrivés qu’elle me dit que je peux aller faire un tour. « Ça ne serait pas digne du gentleman que je suis ! » Tout à fait. « Puis attends, c’est pas tous les jours que tu trouveras un mec qui veut bien t’attendre devant les cabines pour te donner son avis ! Tu devrais en profiter. » Si ça, ce n’est pas de l’argument. Bon, c’est vrai qu’en l’occurrence je m’intéresse peu aux vêtements qu’elle va pouvoir essayer. J’ai à peine le temps d’ajouter quoi que ce soit, qu’elle me claque la porte de la cabine au nez pour en fermer le verrou. Rha bon sang… Pourquoi ce ne sont pas des cabines à porte en tissu, là ? Franchement, je crois que je peux bénir qu’il y ait pas d’agent de sécurité dans le coin, ou un truc dans le genre. Encore un peu, et ça serait du harcèlement sexuel. Commet ça, c’en est déjà ?! Ça serait mauvais pour mon matricule d’idole. Mais j’aime les femmes, que voulez-vous ?

Histoire de patienter, je fais les cent pas devant les cabines, jetant un coup à mon reflet dans les grands miroirs muraux. Je m’arrête pour passer une main dans mes cheveux, histoire d’arranger un peu ma tignasse, avant de reprendre ma marche silencieuse. Quelques minutes s’écoulent avant que je ne vienne tapoter quelques coups à la cabine de Rin, tout en disant ; « Tu montres ce que ça donne, hein ! »