Hyun Hee a un parcours un peu particulier et chaotique. Pour commencer il n’a jamais connu son père. Pas que se fut un manque dans sa vie et pour essayer de positiver, il s’est longtemps dit que si son père s’était barré, c’est qu’il ne valait de toute façon pas la peine d’être connu. En revanche, cet état de fait est ce qui a marqué sa mère et lui au fer rouge. Parce qu’elle avait 14 ans à peine, sa jolie maman, lorsqu’elle est tombé enceinte de son copain… Un homme plus âgé qui l’avait embobiné sans être prêt à assumer ce genre « d’accident » quoi que ce soit pourtant lui qui l’ait convaincu de faire l’amour sans protection pour ne « pas nuire à leur plaisir ».

De ce père absent, c’est à peu près tout ce qu’il sait. Sa mère n’a jamais été très bavarde sur le sujet et de toute façon, avec les années, la communication s’est compliquée entre eux. Elle n’est pas une mauvaise mère, il n’est pas un mauvais fils et pourtant, l’un comme l’autre nuise au bonheur de l’autre. Pas parce qu’ils existent… Juste parce que leurs besoins et leurs envies sont incompatibles.

Lorsqu’elle dût assumer cette grossesse, sa mère était toute jeune et elle ne trouva pas l’appui souhaité auprès de sa famille. Tentant de se faire aider par l’état, elle dût se rendre à l’évidence de la difficulté de la chose… Sans jamais renoncer à son bébé, elle le mit au monde dans une misère toute relative et quand les factures commencèrent à s’amonceler et les crédits à pleuvoir, elle franchit la ligne de non retour, d’une certaine façon. Ca commença avec le propriétaire de l’appartement pour qui elle eu quelques faveurs et ce fut la dégringolade.

Hyun Hee ne comprit pas forcément tout de suite… Les hommes venaient à la maison, se servant presque du salon comme d’une salle d’attente et il a des souvenirs de prime enfance où sa mère venait le chercher tandis qu’il dessinait pour l’enfermer dans la cuisine afin qu’il ne soit pas en contact avec des gens douteux. Quoi qu’elle fit de mauvais choix, sa mère n’eu jamais la volonté de faire souffrir son bébé et au contraire, c’est en se rappelant que c’était pour son avenir qu’elle parvint chacun jour à recommencer ce triste manège.

De fait, Hyun Hee, s’il ne manqua de rien, perdit néanmoins quelques repères dans sa jeunesse. L’absence d’un père était une donnée presque négligeable dans son quotidien et compte tenu du fait qu’une femme ne peut pas se prostituer « à son compte », il connu quelques visages peu amicaux de la mafia chinoise.

On peut dire que l’enfance de Hyun Hee ne fut malgré tout pas stigmatisante. Les enfants ont une tolérance à ce genre de chose insoupçonnée et sa mère venait malgré tout le border chaque soir et quoi qu’il mangea souvent seul, elle fit tout ce qu’il fallait pour qu’il y ait du pain sur la table. Ses vêtements n’étaient jamais neuf, ses cahiers rarement de premier ordre mais tout comportait toujours le minimum vital pour l’enfant qu’il était.

Les choses se compliquèrent hélas à l’adolescence… De la tolérance enfantine, les gamins passent à la cruauté en imitant leurs parents. Un jour la nouvelle se répandit que sa mère se vendait et les moqueries, les insultes… Tout ça commença. Il fut un peu le souffre douleur de sa classe et rapidement, d’un peu plus que ça. On dessinait des choses obscènes sur son bureau, son casier… On l’enfermait dans les toilettes, glissait des épingles dans ses chaussures, refusait de faire les travaux d’école avec lui. On l’obligea même une fois à manger de la craie et croyez-le, ce n’est pas un bon souvenir.

Plusieurs fois il s’est tenu en haut d’un building, contemplant le sol, des mètres plus bas. Et jamais il n’a sauté. Quel que soit ce qui le retient, Hyun Hee n’en a pas terminé avec la vie. Le lycée sera bientôt finit et il attend avec impatience le jour où les autres étudiants cesseront de lui assurer qu’un jour il suivra les traces de sa mère.

En attendant, pour se défouler, Hyun Hee s’est acheté une vieille guitare avec de l’argent de poche fait en rendant quelques services aux personnes âgées du quartier. Et il chante… C’est une vieille femme de son immeuble, ancienne professeur de chant et de musique qui lui donne quelques cours gracieusement, deux à trois fois par semaine et en échange, Hyun Hee fait les commissions pour elle. Parfois il va jouer dans les parcs, étui de guitare ouvert pour espérer grappiller quelques piécettes.

Il brûle aujourd’hui d’impatience à l’idée de sa majorité. Bien qu’elle ait tout fait pour lui, Hyun Hee ne peut pas s’empêcher de songer que sa mère est la source alpha de ses problèmes. Il l’aime comme un fils… Mais il faut vraiment qu’elle disparaisse de sa vie pour qu’il puisse vivre cette dernière…