« La perfection est un chemin, non une fin »
▬ proverbe coréen

J’aime bien ce proverbe, même si je ne le comprends pas dans toutes ses subtilités. Mais avant tout, si je commençais par le commencement, les présentations s’imposent.

Je suis Nam Jin Hyung, mais ne vous fiez pas à la seule consonance de mon nom pour en tirer des conclusions. Je suis né le 15 janvier 1992, à Kyoto, au Japon. Ma mère est japonaise et mon père est coréen. Il est tombé amoureux d’elle alors qu’il était en voyage depuis quelques semaines au pays du Soleil levant. Ils se sont rencontrés dans un café où ma mère était serveuse. Ils ont discuté et ce sont revu plusieurs fois ensuite. Ma mère poursuivait des études de littérature et mon père était déjà un avocat renommé. Mon père n’est jamais revenu en Corée, il a décidé d’ouvrir son propre cabinet pour rester avec ma mère. Au début, c’est vrai qu’ils ne roulaient pas sur l’or, mais ils se débrouillaient comme ils pouvaient. Ils étaient heureux ensemble, c’est tout ce qu’ils leur importaient à ce moment. Après un peu plus de deux ans de galère, à partager leur vie entre leurs différents travails et leurs études, mais toujours ce plaisir chaque soir de se retrouver en compagnie l’un de l’autre. Mon père avait enfin réussi à se construire une réputation correcte et retrouver des horaires stables. Quand à ma mère, elle a obtenu son diplôme avec les félicitations du jury. Pour fêter cela, mon père a invité ma mère au diné au café où leurs regards se sont croisés pour la première fois. Il s’est installé au piano sur l’estrade et a commencé à jouer la berceuse préférée de ma mère, avant de lui demandé sa main. Quelques mois plus tard, je voyais le jour. Mes parents ont décidé de me donner un prénom coréen, ils trouvaient que cela allait avec mon caractère (Ne cherchez pas à comprendre, je n’ai moi-même pas encore réussi à résoudre ce mystère.) Mes grands parents maternels n’ont pas jamais donné une bénédiction totale au mariage de leur fille, alors imaginez leur réaction quand ils ont su mon prénom. Ils m’ont alors donné un prénom, une sorte de substantif japonais, Hiroyuki. Je le trouve assez laid, un peu snobe voir fils à papa. Mes grands parents étaient des conservateurs radicaux, bien qu’ils aient eu trois enfants, ma mère était leur petite préférée, ce qui les rendait un peu laxistes quand elle allait à l’encontre de leurs principes radicalisés. Ils n’ont jamais porté mon père dans leurs cœurs, et je n’étais rien de plus qu’un enfant de « sang souillé » comme ils le disaient si bien. Je n’ai jamais eu l’impression de me sentir à ma place dans leur grande maison. J’ai toujours été le « dernier » d’entre mes cousins et cousines. J’étais une sorte de vilain petit canard dans cette famille, un peu mis à l’écart, pas étonnant que soit un solitaire.

Quoi qu’il en soit, on m’a toujours appelé par mon prénom coréen, même à l’école où j’ai souvent été sujet à des réflexions sur mes origines. Je ne sais pas pourquoi cela dérange les gens que je ne sois ni totalement coréen ni totalement japonais. Cela me donne un petit coté exotique non ? Je n’ai jamais été très sociable à l’école, mais j’ai toujours eu des potes avec qui jouer ou faire des bêtises. Je suis plutôt le petit malmené par les plus grands, jusqu’au jour où je me suis fait tapé dessus par le grand dadet qui avait toujours un train de retard. Je m’en suis sorti avec un œil au beurre noir et la lèvre inférieure ensanglantée. Mes parents n’ont pas apprécié, pas de tout même. Ils m’ont inscrit à plusieurs sports, jusqu’à ce que j’arrête mon choix sur le judo. Ce sport m’a beaucoup aidé à extérioriser ma haine envers mes agresseurs. Mon entraineur m’a pris sous son aile, il avait l’air de comprendre tout ce que je ressentais. Il m’a alors enseigné l’art du taekwondo, je trouve qu’il est beaucoup plus subtil que le judo. Je menais donc deux sports de combats en parallèle. J’excellais dans ces sports, au grand damne de mes parents qui n’arrivaient pas à faire remonter mes notes dans les matières scientifiques, j’ai toujours eu du mal avec toutes ces théories. Mon père a donc trouvé une jolie parade pour me les enseigner : la musique. Il remplaçait les notes par des nombres, me faisait faire des calculs pour retrouver la partition d’origine, c’était la première fois que je touchais au monde de la musique. Il m’a enseigné le piano. Ma mère m’aidait à formuler de jolies phrases, c’est dans ce cas précisément qu’on pouvait me qualifier de beau parleur. Les matières littéraires n’ont jamais été un souci pour moi avec une mère qui passe plus de la moitié de sa vie à lire. Il faut dire que je n’avais pas le temps de m’ennuyer, mais cela m’arrivait parfois et je me rendais compte qu’avoir un frère ou une sœur serait une bonne chose. Je me souviens avoir piqué des crises à mes parents pour en avoir, mais ils m’ont alors gentiment expliqué qu’ils ne voulaient d’autres enfants pour le moment, car ils étaient très heureux comme cela. Avec le temps je me suis accoutumé à la situation. J’ai eu une enfance assez normale à part cela.
A l’école, je n’avais pas beaucoup d’amis, et je me contentais de la situation. Je savais ce qu’il en coutait de vouloir être amis avec l’école entière, et puis de toute façon on ne peut pas plaire à tout le monde. Je pense l’avoir bien imprimé après avoir été un souffre douleur pendant la moitié de ma scolarité, jusqu’à ce que je prenne des cours d’arts martiaux. Depuis on évite de trop venir me chauffer, sinon il y a du sang qui risque de couler. J’étais un bon élève, discret, sérieux et travailleur. Le seul bémol était mon mutisme total pendant la classe, je n’intervenais jamais, sauf lorsque mes professeurs me forçaient la main. J’étais très fort en langues en même temps ce n’est pas pour rien que je parle le coréen, le japonais et l’anglais. J’ai été envoyé dans un bon lycée par mes parents pour être sur d’être reçu par une grande université. Tout allait parfaitement bien, jusqu’à ce que je tombe nez à nez avec une affiche. Mais pas une affiche genre pour le loto organisé par l’association écolo du l’établissement en faveur des petits vieux dans la maison de retraite du coin, une affiche de casting du groupe qui aurait une représentation lors du bal de rentrée (ouais, je sais, c’est un truc ringard où les mecs ressemblent à des pingouins et les filles à des tranches de saumons encerclées par les algues à sushis). J’ai regardé ma bande de potes et je pense que nous avons tous eu la même idée, ou pas. Sans l’ombre d’une hésitation, j’ai pris un bulletin d’inscription, j’ai griffonné nos noms dessus et je l’ai expédié dans l’urne. C’est après que j’ai vu que mes potes me regardaient avec des têtes d’ahuris que je me suis demandé si c’était vraiment une bonne idée. Mais nous ne pouvions plus faire machine arrière (enfin si, mais je n’en avais pas envie, je voulais prouver à ses gosses de riches que je valais au moins autant qu’eux), nous nous sommes alors réunis dans mon garage (et non, on ne sort pas des bons vieux stéréotypes) où nous avons décidé de quel rôle chacun allait tenir et surtout de notre nom de groupe. Le rôle dont j’ai été prié de tenir sans me plaindre m’a été que celui d’auteur, compositeur et interprète parce que selon mes amis, je leur devais bien ça car j’avais selon eux le timbre de voix le plus beau et je soupçonne une vengeance que je qualifierais de légitime puisque c’est moi qui les ais inscrit à cette audition. A ce moment, le groupe avait pris le nom de ACES, parce que nous étions trois : un chanteur principal, un bassiste, un batteur et un claviste, ces trois derniers composaient aussi le chœur. Il ne manquait plus qu’un guitariste et nous étions complets. Mais nous manquions cruellement de temps et toutes nos recherches se sont révélées infructueuses. Je me suis donc lancé un pari assez fou et très risqué : apprendre à jouer de la guitare électrique comme un pro en à peine trois mois. Je savais jouer du piano et de la guitare sèche, je tuais le temps en jouant de l’harmonica et je commençais à prendre des leçons de basse. J’étais largement en mesure de jouer de la guitare électrique, j’avoue que c’était assez ardu au début mais après un mois de travail acharné, mon jeu de guitare était très satisfaisant. Entre temps, je composais une chanson pour mon audition. Une fois, les paroles terminées, je les soumettais à l’avis de mes collègues. Elles firent l’unanimité, je m’attaquais donc à la partition. Après deux mois de travail, j’étais enfin près pour jouer avec le groupe. Après quelques modifications dans les partitions, nous nous sommes entrainés afin de d’être prêt et synchro pour le jour J. Le défi qui semblait insurmontable avait finalement été réalisé avec brio. Nous avons passé le casting, visiblement le jury trouvait aussi que nous étions assez bons. Je ne vois pas d’autres explications au fait que nous ayons été choisi pour animer la célébration de rentrée. Depuis ce jour, nous nous produisons dans des bars, des pubs et autres lieux du genre. Nous avons tous un nom de scène, le mien était Gyeol c'est-à-dire Hiver traduit en coréen. L’hiver est ma saison préférée et pour bien des raisons nous nous « ressemblons ». Je ne veux pas dire mais après cette soirée ma cote de popularité a littéralement explosée, surtout auprès des filles. Même si, je fais souvent genre j’ai eu vingt milliards de petites amies, je n’en ai jamais eu une seule, non pas que je sois homosexuel et je n’ai rien contre eux, mais je n’arrivais pas à trouver une fille qui me convenais. Et oui, malheureusement, je fais parti des mecs qui croient au grand amour et je vous jure que des jolies demoiselles en détresse, cela ne se trouve pas tous les coins de rue.

Un soir, nous jouions quelques uns de mes nouveaux chefs d’œuvre dans un petit bar branchée non loin de notre lycée, quand un homme nous a mis à l’écart à la fin de notre représentation. Il a dit être un membre d’une nouvelle agence en Corée, la New Generation. Il nous a invités à un casting qui se déroulait à Tokyo peu avant les vacances d’été. Je peux dire que mon sang n’a fait qu’un tour, quand j’ai réalisé l’ampleur de la proposition. Contrairement à mes collègues, qui n’avaient pas l’air enchanté d’y aller, ils m’ont alors expliqué que le groupe était une distraction, ce n’était pas leur rêve de devenir une idole. Ce n’était peut être pas leur cas, mais c’était le mien depuis l’instant où j’avais posé un doigt sur une touche du piano paternel. La musique a toujours eu une place immense, même dans les moments noirs enfin gris foncé pour ceux qui détestent le pessimisme. Je n’ai jamais réfléchi à ce que j’allais faire après le lycée, toutes les personnes que je côtoyais étaient promus à de grandes carrières ou à reprendre les boutiques de leurs parents. Je ne me voyais ni avocat et encore moi professeur de littérature à l’université de Kyoto. J’en ai donc parlé avec mes parents, entre mon père qui me donnait sa bénédiction et ma mère qui était dans un refus catégorique. J’ai alors demandé conseil à la famille maternelle, mais rien qu’à leur tête, j’avais eu l’impression d’avoir annoncé la fin du monde, je me dis que même celle-ci aurait été mieux accueillie. Je pense à cet instant, j’avais rouvert d’anciens sujets de discorde. Mon père avait été pointé de nombreuses fois du doigt mais toujours avec tact voir même avec délicatesse, mais là il avait été tenu pour responsable de tous les maux de la Terre. Ils étaient vraiment fous dans cette famille. Depuis quelques années, le couple de mes parents battait de l’aile, mais ils ont toujours réussi à retarder l’échéance, mais je pense que cette fois était la fois de trop. Ils n’arrêtaient pas de se disputer à longueur de journée, ils se supportaient plus. Ils rentraient tous les deux de plus en plus tard ou pas du tout prétextent un emploi du temps surchargé. J’étais là au milieu, au départ je croyais vraiment que j’étais à l’origine de ces disputes, mais apparemment non. Je me suis alors mis en tête de réussir mes examens de fin d’année, de faire mes valises et de partir à Tokyo. J’ai donc passé ces fichus examens qui plombaient le moral de tout le monde. Nous avons reçu les résultats peu de temps après. Comme prévu, j’avais obtenu de bons résultats et même une bourse d’étude, valable dans n’importe quelle université. Mes parents avaient l’air content pour moi, mais je voyais bien que quelque chose ne tournait pas rond dans leur histoire. C’est alors que j’ai appris que ma mère trompait mon père avec l’un de ses collègues de l’université. J’ai été au moins autant choqué que lui, voir même plus, et dire que je les prenais comme un couple modèle, celui qui résiste à toutes les épreuves. Finalement, je pense revoir mes modèles. Quoi qu’il en soit mon père et ma mère se sont mis d’accord pour demander le divorce, mais il y avait encore un minuscule détail, lequel des deux auraient ma garde ? Selon la loi, j’étais en parfait droit de choisir avec qui j’allais rester. C’est difficile de choisir, mais j’ai pris le parti de mon père. Il m’a alors proposé un dilemme, si je réussissais mon audition et que j’étais pris dans l’agence, nous restions au Japon et dans le cas contraire nous repartirions en Corée. Il m’a donc conduit à l’audition avec ma guitare sèche. Nous étions très nombreux, mais les participants ne restaient jamais plus de cinq minutes, alors nous défilions assez rapidement. J’avais tout de même eu le temps de revoir mes partitions, et d’accorder parfaitement ma guitare. J’avais le trac comme jamais je ne l’ai eu même avant ma première représentation sur scène. Je me retrouvais devant les cinq membres à l’air austère qui composaient le jury du concours. J’ai alors pris place sur la chaise, face à eux et commençais à gratter les premières notes de ma partition à l’aide de ma guitare. Je ne fus pas interrompu une seule fois, après m’avoir questionné sur quelconques sujets, je suis parti. J’ai du attendre plus d’un mois avant d’avoir une réponse, j’avais rendez vous dans l’agence filiale de la NG à Tokyo. Lors de cette petite entrevue, j’ai du passer une batterie de tests sur mes compétences artistiques. Vous n’êtes pas sans savoir que je suis assez qualifié en la matière, donc j’étais à peu près sur de les avoir réussi. J’avais un autre rendez vous la semaine d’après pour la confirmation. J’ai été accepté comme trainee dans un groupe de j-rock qui n’a jamais vu le jour. Le marché japonais était saturé & même si notre groupe était prometteur, notre style était trop coréen. Les japonais en ont visiblement assez de voir leur marché musical blindé d’idoles venant du Pays du Matin Calme. Quoi qu’il en soit, l’agence a décidé de me garder à condition que je vienne en Corée. Mon père et moi étions donc tous les deux satisfait de cette situation.

En revenant en Corée, il avait du laissé son cabinet privé, mais avec sa réputation, il n’eut aucun mal à trouver un travail dans un gros cabinet d’avocats de Séoul. Comme il voyageait souvent, j’ai élu domicile chez mes grands parents que je connaissais que très peu, mais dont la compagnie était nettement plus agréable que la famille de ma mère. De là, j’ai repris contact avec mon agence où j’ai été reçu favorablement. Après avoir décidé qu’une carrière solo serait parfaite pour moi, les dirigeants m’ont réexpédié au rang de trainee. Ils me bichonnaient avec des journées à rallonge. Selon eux, ils m’ont envoyé à l’université pour parfaire mon niveau musical. Entre deux entrainements, je jouais le mannequin ou bien servais de musicien pour l’un des nombreux groupes ou solistes de l’agence. J’ai acquis une petite réputation dans l’agence. Mais à croire qu’il n’y avait pas encore assez de péripéties dans ma carrière, il fallait que l’on change encore une fois mon contexte de groupe. Je n’étais plus un soliste mais j’allais intégrer un duo avec une charmante jeune femme, Hwang Mi Ae. Elle est chanteuse/rappeuse, et surtout danseuse. Nous n’avions que quelques mois pour apprendre à nous connaitre avant nos débuts en temps que rookies. Quoi qu’il en soit, j’ai bien l’impression que je vais avoir du fils à retordre avec elle, comme si on avait attendu que je sois avec elle pour faire mes débuts. Dans le groupe, j’ai le rôle d’auteur compositeur interprète et musicien, mais à part cela je le vis bien. Notre première a été un carton et j’espère bien que nous continuerons sur cette lignée.