Et toi, qu'est-ce que tu ferais si ta naissance était un miracle ? Comment ferais-tu pour en supporter la pression ? Tu ne ferais pas mieux que moi, crois-moi.
Aussi loin que mes souvenirs me portent, j'ai toujours été comme ça: fragile. Plutôt vague comme concept, non ? Comment un si petit mot pourrait avoir autant de pouvoir ? A cause de lui, je n'avais pas le droit de jouer trop longtemps dehors avec mes amis. Je devais toujours porter ce gros pull en laine que Maman s'était donné du mal à me faire. J'allais souvent chez le docteur, pour simplement « vérifier » mon état. Autant, je comprenais que l'on s'inquiète pour des enfants dont on voyait clairement les maux. Mais moi ? Je ne me sentais pas malade du tout, et pourtant mon père et ma mère s'occupaient de moi comme si c'était le cas : - Les rues de Londres ne sont pas faîtes pour un petit garçon comme toi Adam.

Oui, mais pourquoi?
C'était une chose que je comprendrais plus tard.

Pas de chance pour eux, bien qu'ils faisaient leur possible pour m'en protéger, ils ne pouvaient pas m'empêcher de vivre. Et c'est lors de mon premier jour à la maternelle que j'ai fais la rencontre. Tu sais celle qui bouleverse ta vie à jamais ? J'étais encore trop petit pour comprendre, tout ce que j'y voyais moi, c'était qu'il était tout, sauf mon copain. Kurt. Il m'a pourri la vie jusqu'à l'école primaire. Il me volait mes jouets, mangeait mon goûter et n'acceptait que très rarement que j'entre dans le bac à sable. Oui, en ce temps, là étaient mes seules préoccupations. Au collège, ce fût une toute autre histoire étrangement...

Non, sérieusement Kurt, si c'est encore une mauvaise blague, va-t-en s'il te plait...

Ami ? Kurt voulait devenir mon ami. Et moi j'étais sensé dire quoi, amen ? Il m'était impossible de croire à un tel retournement de situation. Kurt m'avait poussé à le détester pendant toutes ces années, comment pouvait-il croire que j'accepterai de faire copain-copain après ça ?
Forcément, après cela... « chasser le naturel, il revient au galop », il revint à son état originel. Quoi que non, il était pire encore. Mais bizarrement, c'était devenu habituel, ça m'énervait certes. Seulement, ça faisait parti de mon quotidien, donc à quoi bon lutter ? Notre relation était étrange... Je sentais comme un mal aise, en trame de fond, quelque chose de bien plus gros. En comparaison, ce qu'il me faisait vivre tous les jours, ce n'était rien.

Heureusement, j'avais mes occupations à côté. Il était rare que je n'ai pas Kurt sur le dos, mais quand mes parents m'enfermaient chez moi, j'étais seul... Jusqu'au prochain jour d'école. C'est là que j'ai découvert la danse. Ma chambre, j'en avais vite fait le tour. Mais les rythmes musicaux... Il y en avait toujours de nouveaux, des rapides, des plus lents... Jamais je ne me lassais. Et j'étais plutôt doué en plus ! Ce qui me poussa à essayer de convaincre mes parents de m'inscrire à des cours. Le chemin fût long, mais j'ai gagné. Et je commençais la danse, pendant mes années collèges. Gardant ce moment de tranquillité pour moi-même, à part mes géniteurs, personne ne savait. Mon rêve ? Intégrer « The University of the Arts Of London ». Voilà mon but.

Je savais que mes parents refuseraient, alors pour toujours me tenir occupé, lorsque je rentrais à la maison, je me réfugiais dans la cuisine, et jouait à « Cooking Mama »... Enfin « Papa », à défaut d'avoir la console, je jouais avec mes propres moyens.
Puis le Lycée arriva. Peut-être un peu... trop vite ? Kurt a changé. Nous étions toujours dans la même classe, mais dans ce bizutage qui durait maintenant depuis des années, il y avait quelque chose de nouveau. Kurt me harcelait, littéralement... et puis il y a eu ce jour dans les toilettes. Il a craqué, j'ai craqué... Nous avons craqué, bref, c'était le grand n'importe quoi. Un baiser. Mon premier. Avec Kurt ? Je ne l'ai jamais oublié. Je n'ai jamais réussi à l'oublier. L'adrénaline, la surprise et la peur de ce jour-là, tout est resté encré en moi. Kurt n'avait jamais franchi « la limite », mais ce jour a donné une toute nouvelle teinte à notre relation.

Tout ça m'effrayait. Qu'était-il pour moi ? Je le détestais non ? Alors pourquoi je n'arrivais pas à oublier ce baiser ? Pourquoi lorsqu'une fille m'approchait, j'avais l'impression d'être déjà pris par quelqu'un ?

Un soir, je me suis disputé avec mes parents. Je ne supportais plus le fait qu'ils me protègent de cette manière, et j'ai appris. Pourquoi j'étais le miracle de la famille Benett. Je n'étais pas leur premier enfant. J'aurai dû avoir une sœur. Mais Maman m'a dit qu'elle était morte née. Voilà pourquoi ils prenaient tant soin de moi, voilà pourquoi j'avais eu l'impression d'être en sucre pendant toute mon enfance. Je me sentais deux fois plus perdu. Comment aurait été ma vie, si je l'avais vécu aux côtés de ma sœur Izabel ?

Les journées de cours devenaient de plus en plus compliquées moralement parlant. Kurt ne me laissait pas une minute de répit, mais un jour s'en fût trop. J'avais supporté ça pendant toutes ces années, mais je n'en pouvais plus. Il me menaçait de falsifier un contrat de mariage ? Non mais... Et puis quoi encore ?! Il m'appelait désormais « sa petite femme ». Même si personne n'osait m'approchait plus que de raison, je sentais bien les regards moqueurs. Je ne pouvais plus supporter tout ça.
Je ne comprenais pas pourquoi j'avais eu à le subir pendant toutes ses années, ni pourquoi je n'arrivais pas à trouver le courage de lui dire merde... Mais ça ne pouvait pas continuer ainsi. J'allais partir. Loin d'ici. Au revoir l'université d'art. Je préférais abandonner mon rêve si c'était pour enfin pouvoir vivre loin de tout ça. Je voulais avoir une nouvelle vie, que l'on arrête de me voir comme l'éternel « soumis à Kurt ». Pendant la plus grande partie de mes études, mon prénom allait de paire avec le sien, et c'était insupportable.

J'ai pleuré, supplié mes parents pour rejoindre mes grands parents en Corée. Non, je ne savais pas parler un mot de Coréen, non je ne connaissais rien à la culture de là-bas. Mais c'était ce que je voulais, et de plus ils n'étaient pas mécontents de me voir abandonner mon rêve de danseur. Ils me laissèrent un mois. Un mois de cours intensif pour être certain que je saurai me débrouiller convenablement là-bas. J'avais peur de quitter tout ce qui m'était familier. Mais la fuite était ma seule option. La seule... Les jours passèrent, et mon départ fut mis en place. Mes parents envoyèrent une lettre à l'école.

Je m'envolais enfin loin de ma ville natale.