Mon rêve était de devenir un chanteur reconnu depuis que j'étais tout petit. J'avais toujours aimé chanter, d'abord les chansons de mes artistes favoris, puis ensuite, les miennes. Je ne me trouvais pas très doué et je n'avais jamais montré à qui que ce soit mes textes, mais j'en écrit pas loin de dix. Ils traitaient généralement de mes sentiments, de mes émotions, et je crois bien que c'est pour cette raison que je ne les trouvais pas très bien et que je ne voulais pas que quelqu'un tombe dessus. J'imaginais la honte que j'aurais si cela venait à être Min Yu... Il se moquerait sans doute de moi et il aurait certainement raison, n'est-ce pas... ?

Je secouai légèrement le visage, je n'avais pas envie de songer à lui, à Min Yu. Je le reverrais bien assez tôt comme ça, en rentrant à la maison ce soir, ou bien si par mégarde je tombais nez-à-nez avec lui, ici, au détour d'un couloir, à l'agence. Je souhaitais un peu profiter de ce moment de répit que l'on m'accordait.

« On se voit demain Bak Yul ? » me lança l'un des garçon qui s'était entraîné avec moi ce jour-là, en me faisant un bref signe de la main en guise d'au revoir.

Je me contentai d'acquiescer de la tête (même s'il ne me vit pas), attrapai mon sac à main et sortit à mon tour de la salle dans laquelle je venais de chanter durant deux bonnes heures.

Marchant les yeux vissés sur le sol comme à mon habitude, je me demandais ce que j'allais bien pouvoir faire. Je n'avais pas tout de suite envie de rentrer chez moi, alors je bifurquai à l'intersection de plusieurs couloirs pour me diriger dans la salle de détente. Je pourrais peut-être lire tranquillement le papier sur « les cordes vocales et comment bien s'en servir » que notre professeur nous avait distribué avant que nous ne commencions les répétitions.

Arrivé dans ladite salle, je poussai la porte en verre et visai une table un peu en retrait des autres où ne se trouvait qu'une seule personne que je ne reconnus pas immédiatement. Cela ne fut que lorsque j'arrivais à sa hauteur que je remarquai qu'il s'agissait d'un petit jeune homme que j'avais déjà eu l'occasion de croiser.

« Bonjour Raffael... » le saluai-je avant de me pencher un peu pour voir ce qu'il était entrain de fabriquer.

Cela ressemblait à une guirlande, une guirlande en papier sur laquelle il semblait colorier et écrire quelque chose. Il doit sûrement préparer ça pour Noël qui approche, songeai-je en me dirigeant vers la chaise libre en face de lui.

« Je peux m'asseoir là.... ? » l'interrogeai-je en déposant mes affaires.

Pendant plusieurs minutes nous n'échangeâmes aucune parole, chacun se préoccupant de ses propres petites bricoles, mais bien rapidement, je fus davantage intéressé par ce que Raffael faisait que ce que moi j'étais entrain de lire.

J'aimais beaucoup les fêtes de fin d'année, et plus particulièrement Noël. L'ambiance qui s'en dégageait, je l'avais toujours trouvé magique, féérique. C'était un peu comme un rêve, un rêve éveillé. Recevoir des cadeaux, en offrir, faire un repas en famille avec la cheminée qui crépite... Des instants fabuleux que l'on ne vivait qu'un fois par an.

« Dis... qu'est-ce que tu fais ? Je peux t'aider... ? »

Non, je n'avais pas pu m'empêcher de lui poser cette question qui me brûlait les lèvres depuis que je l'avais vu. Il était vrai que j'étais quelqu'un de plutôt curieux, mais ma curiosité n'avait rien de mal ici, n'est-ce pas ?

J'écoutais avec attention ce que me disait Raffael, regardant tous les mots qu'il pouvait tracer sur la feuille qu'il venait d'extirper de son sac. Combien de langues différentes cela faisait-il... ? Savait-il toutes les parler ? Je trouvais ce jeune homme vraiment intéressant et plutôt mature pour son âge ; ce que je n'étais pas du tout, moi, quelques années plus tôt (et dont je doutais encore aujourd'hui). Il avait l'air d'en savoir beaucoup plus que moi sur de plus larges sujets et c'était peut-être pour cela que j'aimais bien passer un peu de temps avec lui finalement. Je n'étais pas du tout jaloux, j'étais plutôt... admiratif ? Moi je ne savais parler que coréen, et à l'écrit j'étais une véritable catastrophe, faisant des fautes d'orthographes énormes au trois-quart des mots...

J'acquiesçai à la suite de ses paroles, me mettant tout de suite au travail. Je trouvais que c'était une idée à la fois amusante et sympathique pour apprendre ce même mot dans différent langage tout en les ayant accrochés dans la salle de repos. Et puis cela me faisait plaisir qu'il eût accepté que je l'aidasse ! Je me rendais utile et ça me sortait de la tête ce document relativement ennuyant que nous avait donné à lire notre professeur. Certes j'aimais en savoir un peu plus sur mon instrument, ma voix, mais il y avait des choses qui ne m'intéressaient pas forcément plus que ça ; de plus je savais comment m'en servir, de mes cordes vocales.

Ce fut à la question du plus jeune que je relevai la tête de ce que j'avais entamé. Il s'était emparé dudit papier auquel je songeais précédemment.

« Ce n'est pas vraiment un devoir, lui répondis-je. Le professeur nous l'a distribué avant qu'on s'en aille et il nous a conseillé de le lire... Moi je trouve que cela est ennuyant. »

Je préférais largement me lancer et chanter directement que d'avoir à me prendre la tête avec tout un tas de choses qui me traversaient totalement l'esprit. Ça rentre par une oreille et ressort par l'autre, comme on dit. Et puis, en étant tout de suite dans l'action, je ressentais mieux mes qualités et mes défauts, ce qui allait et ce qui n'allait pas dans mon chant, pour corriger ensuite tout cela. A réfléchir et me plonger dans des livres, je choisissais sans problème la pratique et puis même si je me trompais, c’était tant pis. Je n’avais pas honte de me tromper, on apprend mieux de ses erreurs, comme on dit aussi…

« Tu peux regarder si tu veux, mais c’est plus intéressant de faire de jolies guirlandes ! » lui souris-je en changeant de crayon.

Depuis combien de temps n’avais-je pas fait ce genre de petit travail manuel… ? Cela faisait un bon bout de temps, et c’était pourtant très agréable. Juste dessiner, colorier, découper… Rien de bien extraordinaire au fond, mais cela faisait passer le temps et me plaisait. J’espérais que les autres personnes qui viendront ensuite dans la salle de repos et qui verront ces guirlandes les apprécieront et verront que nous y avons mis de la bonne volonté et du cœur dedans. Le plus important n’était pas la valeur de cette chose, mais ce qu’elle représentait.

Cela me faisait oublier quelques minutes tout ce que je pouvais subir à la maison, à cause de Min Yu. Sauf qu’il me demanderait pourquoi je n’étais pas tout de suite rentré après mes cours et que je lui donnerais mes explications… Est-ce qu’il se moquerait de moi comme d’habitude ? Il dirait certainement que ce que j’avais fait n’était pas de mon âge, que c’était puéril… Moi je ne le pensais pas. Et qu’il eût raison ou non, l’essentiel était que ça me faisait sincèrement plaisir. S’il voulait s’amuser de moi, qu’il le fît, j’en avais tellement pris le pli…

D’un léger mouvement du visage je fis partir ces songes qui me dévoraient bien trop pour me concentrer de nouveau et terminer la guirlande que j’étais en train de fabriquer.

« C’est bien comme ça… ? » interrogeai-je mon vis-à-vis en lui faisant glisser guirlande sur la table.

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