« La pierre bat les ciseaux ! Je gagne ! » m'exclamai-je, le sourire rayonnant de joie. Il redoubla d'éclat en entendant grogner mon coéquipier, Matthew. Je me levai, prise d'une poigne fulgurante de bonne humeur. « Je me sens en veine ce matin, je vais de ce pas entamer la journée ! » « Min Ah, really, I'm just saying but... it's already noon... » je le fusillai du regard avant de faire une moue laissant comprendre que cela n'avait aucune espèce d'importance. Je plaçai le matin à l'heure que j'avais décidé de le placer ! Et si aujourd'hui c'était à midi, je me fichais bien de ce que monsieur pas-décidé-à-parler-coréen racontait. Il n'allait pas me voler ma victoire, le petit canadien dépaysé ! « Peut-être, mais j'ai toujours gagné. Donc c'est moi qui prend ma douche d'abord et surtout... Aujourd'hui, c'est moi qui décide du planning. » Je lui tirai alors la langue avant de sortir de ma chambre.
J'avais échoué là en rentrant le matin même très tôt et depuis, il avait fallu à mon très cher coéquipier et meilleur ami, plusieurs efforts pour me déloger de mon bon matelas. Au final, amadouée par un petit-déjeuner qui nous fit échouer comme des cachalots sur la côté, c'est un jeu qui me fit bouger. Quand je dis que Matt est presque parfait !
Ces petites choses faisaient de ma vie un véritable paradis et havre de paix.

Puis on se retrouve dehors et là tout change. Je ne suis plus Min Ah, mais Rin Ah. Je ne suis plus simple policière, j'organise des soirées et je trempe dans des histoires pas claires. Matthew est toujours mon meilleur ami mais il devient DJ et danseur. J'envie son rôle. Cela lui va à ravir. Moi, mon rôle m'horripile. Si ce matin-là était mon paradis, la descente aux enfers fut radicale une fois dans la peau de ma défunte sœur. Rin Ah, comment faisais-tu ?
Et si je détestais ce rôle chaque jour mais me satisfaisais de l'idée d'un jour éclaircir sa disparition, à l'instant où ces crétins se sont saisis de mes bras, je semblais tomber encore plus bas dans l'enfer qu'était le royaume de ma jumelle...

J'avais un rendez-vous avec un ancien collègue de Rinnie dans un bar branché de la ville. Matthew jouait les barmans acrobates en me surveillant de temps à autres. La porte s'ouvrit et quelques minutes plus tard, je me retrouvai le bras dans une poigne, un crétin me soufflant un "Comment on se retrouve, Rin Ah ?" imbibé d'alcool. Cela m'en souleva le cœur, tant que je n'osais pas ouvrir la bouche avant qu'il eut fermé la sienne. « Lâche-moi tout de suite, Repoman, sinon je vais devoir trouver une autre utilité à mes clefs. Et tu n'as pas idée de tout ce que je peux faire avec... » il ricana alors un 'oh si' avant que son acolyte me chope l'autre bras et qu'ils me trainent dehors. Je signalai alors à Matt de ne rien faire : ils connaissaient visiblement bien ma sœur et apparemment, ce n'était pas des amis à elle. Peut-être même que c'était les coupables que je cherchai tant. J'y étais ! ...pas.

Car sinon, pourquoi ? Pourquoi j'aurais échoué là ? Devant une porte.
Le canon frais encore de mon arme contre ma cheville me rassurait quelque peu et m'autorisait un comportement des plus insupportables, retardant la "livraison". J'étais devenue Irina, métisse russe et maîtresse de la torture du "pelage de peau". Ah ! Ils étaient beaux les gros durs, avec des balafres sur le visage signées "Les ongles de Song Min Ah". J'étais plutôt fière de moi... « Entrez » puis d'un coup je l'étais nettement moins...
Devant moi, une pièce, située bien-sûr à des kilomètres (j'exagère mais quand même) de l'entrée principale. Aucune issue envisageable. Et surtout un autre homme. « Vous pouvez nous laisser maintenant. » J'aurais dû être rassurée. Un contre une, les pronostics devenaient plus positifs. Mais son regard me faisait froid dans le dos. Je n'avais jamais vu un tel regard. Était-ce le regard d'un tueur qui n'avait pas atteint finalement sa cible ? Ou juste d'un psychopathe ? Pire, peut-être de quelqu'un qui sait qui je suis, non ? Je regrettai ma matinée, mon petit-déjeuner, d'avoir gagné ce stupide jeu et Matthew, mais on y était. Je m'étais plus préparée à Arnold Schwarzenegger, pas à Joe Dalton. J'aurais préféré ça, un gros lourdaud, on se tape et basta. Mais un fou...

« Ri-rin Ah ? » ... Quoi ? Ce ton ne m'annonçait rien de bon. Ce n'était pas ce à quoi je m'étais préparée aujourd'hui... puis soudain je comprenais... Wu . Xia . Min. Mon sang ne fit qu'un tour et je me retins de lui sauter à la gorge. Le copain de ma sœur, avant sa mort. Mon suspect numéro un. J'y étais donc. Il fallait que je change de stratégie. Que faire ? « Xia Min ? » Courage Min Ah ! me disais-je en l'approchant mimant la stupéfaction aussi. « C'est vraiment toi alors ? Je... je ne savais plus... » puis, avant de finir ma phrase, ce fut plus fort que moi, un coup contre son torse parti et j'écarquillai les yeux. Bordel et c'était quoi mon excuse ?? « La prochaine fois ne m'envoie pas ces crétins ! » Je fronçai légèrement les sourcils, prétendant l'ironie, en relevant la tête pour croiser son -effroyable- regard. Rin Ah. Sur tous les mauvais gars... pourquoi ce type-là ?

« Je me sens en veine... » tu parles !

On y était. Cela faisait maintenant presque un an que je me préparais psychologiquement à affronter le tocard qui avait enfoncé ma sœur jumelle plus profond dans le trou de rats dans lequel elle se trouvait. J'avais imaginé plein de scénarios, m'imaginant super-héroïne très cool, en tueuse de sang-froid, fantôme ou policière dûment récompensée. J'avais opté pour la dernière option, m'imaginant virer un peu limite pour lui en coller une bonne.
Mais ce n'était pas le moment. Ce matin, mes plans étaient tout autre. En tout cas, je n'avais pas dans l'idée de faire face à ce potentiel fou furieux. Sinon, j'aurais pris soin de me remettre en tête mes techniques de torture et j'aurais certainement pris quelques armes de plus. Si le chemin jusqu'à cet... cet... cette chose androgyne furieuse, n'avait pas été difficile à supporter nerveusement, me retrouver face à lui... C'était autre-chose. J'étais confuse. Il était là. Celui que je rêvais de mettre derrière les barreaux le plus longtemps possible. Il fallait que je refoule peur, angoisse, colère et fierté. Déjà que je maîtrisais mal certains aspects de la personnalité de ma sœur jumelle, il ne fallait pas renforcer des doutes.

Au fond, je jubilais. Comment était-ce de voir revenir une morte ? J'aurais aimé qu'il ait peur plus qu'il ne se méfie. J'aurais aimé que cela se passer comme dans les scénarios que j'avais monté.
J'étais au moins fière d'avoir pu porter un coup qui me démangeait le poing. Dans ma tête, je lui faisais même la promesse de plein d'autres coups du genre et des biens pires. Quoique... On ne pouvait pas vraiment dire que sa réaction me fit plaisir. Ce type avait le regard le plus noir que je connaisse. On ne pouvait rien y lire. Était-ce parce qu'il avait pratiquement perdu son âme ou parce qu'il n'y avait rien à y lire ? Je penchais avec grande satisfaction pour la seconde. Quoi ? Situation dramatique ou pas, personne ne m'empêcherait de penser ! Ni d'être condescendante.

« Du calme tu veux? Tu as de la chance que ce soit «ces» crétins, et pas l'autre moitié de la ville qui te soit tombée dessus, alors baisse d'un ton. » Je serrai les dents en fronçant les sourcils, me décalant volontiers - presque trop, de lui. Ne me dîtes pas que ma sœur se laissait parler dessus comme ça ! Parce qu'on allait devoir finalement réviser certaines choses à mon rôle. Hors de question qu'on me parle comme à une domestique. Je retenais difficilement une toux sarcastique et croisai les bras, nullement affectée d'après moi. Mais mon orgueil hurlait "respect s'il-te-plait".
« Il va falloir que tu t'expliques d'ailleurs. Tout le monde ici pense que tu nous as volés, avant de te faire la malle. Si c'est le cas, je ne te pensais pas assez idiote pour revenir. Tu prends de très gros risques, tu le sais ça ? » Il ne perdait pas de temps. Le chinois avait enchaîné sans effusions de joie ou de surprises. Décidément, c'était une personne bien froide. Quoique, trop impulsive selon moi pour me faire apporter comme un vulgaire sac de patates contrefaites - non, ce n'est pas possible des patates contrefaites, non je ne changerai pas d'expression, oui je m'en fiche.
Son ton ne me plaisait pas du tout mais je comprenais qu'il était sur la défensive et qu'il croyait à un bon canular. Pire à un plan pour l'atteindre. Moi qui doutait de ses capacités intellectuelles... Mieux valait se placer aussi sur la défensive, pour mon honneur, mais donner un certain nombre d'explications.

Je soupirai, me donnant l'air de revenir de loin. Je regardai un coup autour de moi pour trouver où m'asseoir. Il allait falloir être très convaincante et j'ignorai encore à peu près ce que j'allais dire exactement.
« Comme tu l'as dit, je ne serais pas assez bête pour revenir si je vous avais volé. D'ailleurs, pourquoi je serais revenue, hein, dis-moi ? Je n'arrive pas à y croire... » je lui servis un regard aussi sévère que possible, laissant s'écouler un peu de ma rage. « Si ce sont des explications que tu attends, tu t'adresses à la mauvaise personne Xia Min. Je ne voulais pas en venir là de suite mais puisque tu me l'imposes... » j'inspirai avant de poursuivre. « Je ne me colle pas encore des balles toute seule. Moi aussi je cherche des réponses... Moi aussi j'ai entendu des trucs. Comme quoi je m'étais faite roulée. Dis-moi, c'est vrai ? Qu'est-ce qu'il s'est passé au juste ? »

J'étais assez fière de ma tirade. Je laissais entendre que certaines pièces importantes me manquaient, ce qui pourrait non seulement conduire à mon idée de "l'amnésie partielle" mais ce serait aussi bien plus pratique pour apprendre des choses de sa part.
J'avais fini par lever à nouveau la tête vers lui. Pas sans difficulté bien que je forçai le naturel. C'était pénible. Très. Et en plus je devais supporter de me faire traiter comme la suspecte, alors qu'il était MON suspect. Ne t'en fais pas cowboy, bientôt on inversera les rôles, m'assurai-je au fond de moi.
« Si tu savais combien de fois je me suis faite embarquer comme ça, tu te méfierais moins. Et vu l'accueil, c'est moi qui doit me faire du souci j'imagine... » J'inspectais mes bras, bien contente de lui faire comprendre que moi aussi j'avais de quoi me méfier. En tant que Rin Ah et, ça il l'ignorait, en tant que Min Ah aussi.

Je le savais. Je savais très bien que j'allais détester ce type. Je savais très bien qu'il allait devenir mon enfer et le diable à la tête de celui-ci faisant revivre sans scrupules les fantômes. Je me haïssais presque pour rentrer dans son jeu et ne pas me soulager du poids de mon arme sur ma cheville. Pas ça, Min Ah, tu vaux mieux que ça. Pour un peu et ton père te féliciterait de cette fin rock... Je me retins bien difficilement de rouler des yeux. En fait, je n'en avais même pas envie. Je donnais le change, mais mon cœur cognait dur dans ma poitrine. Quant à ma gorge, chaque fois que j'osais déglutir était un vrai supplice. Je le détestais encore plus à chaque battement plus fort, à chaque salive qui écorchait la trachée. Oui, de plus en plus car en plus de ça, ma colère ne m'immunisait pas contre l'effroi de me trouver face à lui. J'avais envie de m'insulter presque. J'entendais dans ma tête la voix de Matthew, me résonnant. Cela m'empêcha de foutre tout en l'air à cet instant-là. J'aurais très bien pu le faire. Décidant qu'au final, c'était mieux de faire éclater le peu de cervelle qu'il avait. Un trou entre les deux sourcils qui ne semblaient jamais bouger de leur position "pas content".

Il fallait vite que je passe ses tests. Pas pour estimer avoir sa confiance, non, pour m'éviter l'envie de le tuer. C'était dingue. Il avait probablement tué ma sœur et c'est moi qui subissait des humiliations pas possibles. J'avais de la peine à cacher ma frustration mais j'osais espérer que ce fut un trait de ma très chère jumelle.
Assise, la fierté en miettes, je levais la tête pour regarder ce qu'il faisait. Des fois qu'il ne se décide à rectifier le tir ; c'était le cas de le dire...
Le suspect - je suis policière, je l'appelle ainsi naturellement - le suspect s'était assis avec une certaine lassitude que je trouvais outrageante. Mais je mettais une fois de plus mes sentiments de côté. J'étais Rin Ah, il fallait que je me l'enfonce dans la tête et que je fasse terre Min Ah. « Qu'est-ce qui s'est passé ? Toi comme moi, on le sait Rin Ah. J'ai perdu la confiance de pas mal de personne à cause de toi, alors n'essaie pas de me mentir. Tu m'avais déjà parlé de menaces que tu recevais, que ce n'était pas la première fois, d'ailleurs. Tu m'as même demandé de ne pas m'en mêler, ce que j'ai accepté. Mais si j'avais su que tu filerais après avoir réglé tes comptes avec eux, je m'en serai occupé moi-même. »

Un silence plana. Il me faisait quoi là ? Ma sœur ? Des menaces ? Je n'avais pas vraiment entendu parlé de ça. Pire, tout ça ne serait que de sa faute ? Ce n'était pas logique. On avait retrouvé aucune arme sur Rin Ah. Jamais ne serait-elle partie régler des comptes sans son arme, ou pas seule alors ! Elle n'était quand même pas si bête. Je ne vois pas pourquoi on lui aurait pris son arme. Cela aurait au contraire incriminé ma jumelle bien davantage.
Il fallait que je réfléchisse vite avant que mon silence ne devienne suspect. Mais Wu Xia Min s'avançait déjà vers moi, et, en le regardant, je me permettais de réfléchir un peu plus. Il me fallait gagner du temps. « Tu m'avais déjà parlé de la façon que tu choisirai pour disparaître... Te faire passer pour morte, hm ? Ingénieux. Je pensais cependant que tu me mettrais dans la confidence. Et la rumeur comme quoi tu aurais monté ça de toute pièce m'est retombé dessus, je te dis pas le nombre de problème que j'ai eu. » Par contre à ça, la réponse était toute trouvée : il n'avait pas eu de plan, pas de mise en scène. Ma sœur était vraiment morte. Mais ça, il l'ignorait. Je me rendais soudainement compte que je n'étais pas au bout de mes peines, loin de là. Dans quoi m'étais-je mise ? Non. Dans quoi Rin Ah s'était-elle mise ?! Ce type n'avait pas l'air de pouvoir cracher un seul sentiment. A part ce constant air agressif et mécontent. Bonjour, je m'appelle Monsieur Grognon... Quelqu'un d'aussi jovial qu'elle, je ne comprenais pas. La drogue devenait acceptable à côté...
Non. Fallait pas se laisser aller. J'essayai de me raccrocher aux mots de la lettre qu'elle m'avait adressée, disant du bien de lui. Fallait y croire pour pouvoir la jouer correctement.

« Sauf qu'il n'y a pas de mise en scène. Et évidemment que je te l'aurais dit ! Tu me fais quoi là ?! Ce jour-là, je me suis retrouvée pratiquement seule. Et sans mon arme. Mes souvenirs sont flous mais je ne pense pas avoir des antécédents de folie : je ne sortirai jamais seule sans mon arme. Je ne sais plus ce qu'il s'est passé mais tu ne sembles pas en savoir plus que moi Xia Min... » Cela m'arrachait la mâchoire de le dire d'ailleurs. Il ne pouvait pas ne rien savoir, si ? Il me menait en bateau ! Pour ne pas admettre qu'il m'avait - qu'il avait descendu Rin Ah lui-même. La tête me tournait, je réfléchissais trop et mon cœur cognait trop fort sous la pression que je me mettais, qu'IL me mettait aussi.
Je réprimais l'envie de me prendre la tête dans les mains et de me la cogner ensuite contre un des murs. Au lieu de ça, je devais supporter un peu plus de proximité avec lui. Ma main se posa sur ma cuisse. Par précaution, il ne serait pas trop long d'atteindre ma cheville, lever la manche et tirer mon arme. Je relevai ensuite la tête, presque aussitôt assommée par ce même regard perçant. Quand il se baissa, je me mordis l'intérieur l'intérieur de la joue et attendis. Un vrai numéro d'intimidation : pour le coup, ses intentions étaient trop claires et ça ne prenait pas. Je plongeais mon regard dans le sien sans la moindre hésitation, ce n'était pas le moment. Si ça se trouve, j'avais là mon seul moment de répit. Beaucoup de menteurs ou policiers redoutaient ce moment, moi, je l'attendais. J'étais vraiment faite à l'envers...
« Beaucoup d'eau à coulé sous les ponts pendant que tu te faisais ta vie, je ne sais où. Tant que je n'ai pas retrouvé une totale confiance en toi, il serait préférable que tu te fasses du soucis oui. » il s'éloignait alors de moi et je pouvais enfin respirer un air autre que celui de la trahison. « J'aurais dû m'en douter... » disais-je d'un air dégagé et nullement surpris. J'essayais surtout de respirer. Je fouillai dans mon sac pour ne pas me sentir obligée de le regarder. Si Rin Ah y avait trouvé du plaisir, pas moi. Je sortais mon portable pour regarder l'heure d'après moi. Pas de réseau en plus... Mais Matthew avait laissé des messages. Je le replaçais au fond et poursuivais. « Tu as raison Xia Min. Deux années sont passées. Et je ne me suis pas amusée contrairement à ce que tu sembles croire. Ça ne me plait pas non plus de le dire. Je me suis réveillée incapable de reconnaitre mon propre père qui m'a protégée tout le temps de la rééducation. Il a simulé l'enterrement aussi. Puis oui, je suis partie, pour ne pas leur poser de problèmes. Si je suis revenue, c'est pour remettre les pendules à l'heure... pour ne pas me laisser dicter MA vie. » Je levai finalement les yeux vers lui, après avoir glissé un chewing-gum dans ma bouche. Je n'arrivais plus à m'arrêter en pensant à l'enterrement. « Et aussi pour toi. Mais bon, ça, t'as l'air d'en avoir rien à foutre. Et je ne peux même plus fumer... » fis-je mine de m'agacer en lançant mon paquet de clopes. Je détestais cette façon de parler mais Rin Ah n'était pas la fille qui parlait de la façon la plus jolie du quartier, et quand elle ne fumait pas en particulier. « Tu sais le plus bête là-dedans, c'est que pendant un instant, j'étais contente d'être là. Mais très bien, on va jouer les étrangers. Maintenant, je suis là. Alors explique-moi au juste ce que tu attends de moi. On fait quoi maintenant ? On s'ajoute à notre liste noire mutuelle ? Ou tu veux que je te rende la vie plus facile en disparaissant ? C'est simple, je passe la porte et tu ne me verras plus Xia Min. Je serais vraiment morte et cette fois, tu es prévenu. » Je le regardais, attendant une réponse. J'avais envie de me tuer. Si cela m'avait semblé une bonne idée, je tentais le tout pour le tout. Peut-être que j'aurais dû me calmer...? Mais c'était nerveux. Fallait que je lâche des choses, si j'étais Rin Ah, j'aurais eu envie de le bouffer. Sauf que Rin Ah le respectait. Pire, je crois qu'elle l'aimait.

Non. Je le sais.
Elle l'aimait.

Je ne le comprenais pas. Voilà, c'était officiel. Wu Xia Min échappait à ma compréhension. Et je n'aimais pas ça. Sans me vanter, j'avais un bon sens de l'observation et généralement, je tirais souvent des conclusions des réactions des autres. Seulement, ce que je voyais chez ce jeune homme était soit un regard sombre à glacer le sang, soit cela ne m'apprenait rien de bien concluant. Il était méfiant, oui mais ça n'importe quel policier l'aurait vu. Il était troublé, ça c'était juste normal. Une morte était sous ses yeux, bien vivante. Qui ne le serait pas ? A part un sorcier vaudou ou une voyante dans sa roulotte...
Il ne me donnait pas beaucoup de matière. Il parlait peu, contrôlait le moindre de ses gestes. C'était certain qu'il cachait des choses et les protégeait. Mais plus le temps passait, plus j'étais déçue. Quelque-chose clochait dans le comportement du tueur de sang-froid que j'attendais de lui. J'aurais voulu qu'il lève le flingue sur moi, qu'il me hurle dessus et qu'il essaye de se servir de moi. Mais il me cuisinait, il perdait du temps à clarifier si j'étais bien Rin Ah. Quelle importance ? J'étais un pion, il n'avait qu'à me refourguer à quelqu'un d'autre. Je ne sais pas, il semblait tenir à régler ça personnellement et je me disais que s'il l'avait donné en pâture, il y avait certainement une dimension bien plus intime à ça.

Ou non ? Je n'arrivais plus à suivre mes pensées, j'avais besoin de calme et d'une bonne tasse de café. Et j'avais quoi ? Un psychopathe, mon flingue, des clopes alors que je ne fume pas (j'allais peut-être commencer tiens) et un casse-tête. Bonjour le stress. Il m'énervait vraiment.
C'est sûrement pour ça qu'il avait plut à ma sœur...

Je sursautai un petit peu, ce fut presque imperceptible mais il l'aurait clairement vu. Mon expression cependant resta la même, mon regard plus averti. Qu'est-ce qu'il me faisait là ? « Il t'a fallu deux ans pour sortir de l'ombre ? Est-ce que tu as une idée de ce que ça m'a fait de te croire morte ? Hein?! » Je m'étais préparée psychologiquement à ça par contre. Ces mots du petit-ami de l'époque soi-disant énervé, vexé et blessé. Pour moi, c'était à ne pas croire, il ne fallait pas s'en occuper plus que ça et jouer simplement le jeu. De la même façon, j'avais senti venir ce reproche de temps et j'étais parfaitement préparée à y répondre. J'étais presque fière de moi quand il avait mis le sujet sur la table, comme si on venait de jouer une partie de Qui est-ce et que presque toutes ses vignettes s'étaient baissées à ce moment-là. « Juste pour ne pas te laisser dicter ta vie, tu prendrais le risque de la perdre pour de bon cette fois, Rin Ah? » Je fronçais les sourcils, assez mécontente de ce retour de bâton. Il me ruinait ma petite réussite. « Et quoi ? Si je t'écoute, pour ne rien risquer, je devrais faire la morte. Ça ne m'intéresse pas comme vie... » Cette réplique me redonna confiance en moi et j'étais même surprise du naturel dont je faisais preuve. Pendant un court instant, j'eus peur : je ne me mettais tout de même à le croire ? Non ! Bien évidemment, non. Rin Ah le croyait mais Min Ah non. Juste Min Ah devait être bâillonnée. De nouveau à l'aise et pompée par l'agacement, je m'étais même permise d'aller loin. Jouant même la carte du "je vais partir". Rin Ah l'aurait dit. Mais elle ne l'aurait pas totalement fait. Elle ne savait pas abandonner les gens qu'elle aimait... C'était souvent eux qui l'abandonnaient à cause de son caractère, comme moi par exemple. Comme moi oui...
C'était un petit risque, même si elle l'aurait dit et aurait prétendu disparaitre, elle serait revenue. Mais en savait-il tant sur elle ? Allait-il marcher ? J'attendais une réponse. Je réfléchissais : faire semblant de fermer mon sac ou calmer les choses ? J'étais toujours si nerveuse. Alors quand il m'attrapa par ma veste, mon souffle se coupa et mes yeux s'écarquillèrent. Que - ? « S'il te plaît, non... » Mon cœur bondit, surprise par cette réplique. Quoi ? C'était... quoi ça ? Je le regardai interloquée, ne sachant pas comment accueillir cette réaction. C'était... son premier geste avec tant de... de quoi, justement ?

Je fus presque soulagée qu'il me lâche... un peu déçue aussi. J'avais eu un aperçu de quelque-chose de naturel venant de lui. Un truc avait fait surface et j'avais appuyé sur une corde sensible. Je me rattachais à ce bon point pour ne pas être troublée. Une unique chose importait, le faire parler ou réagir. J'y étais. Non ? Vu le dédain de nouveau sur son visage, non, je n'y étais plus. Il était frustrant. Et déstabilisant. « Contente tu dis ? Cela n'a vraiment pas duré longtemps alors, ou bien ce coup, c'était ta manière de me montrer que je t'avais manqué ? Je regardai un coup son torse en mordant ma lèvre légèrement. Touché. Si je jouais assez bien ma sœur, j'étais incapable encore de jouer les sentiments qu'elle avait eu pour Xia Min. Je m'affolai. « Je... » « Je t'ai fais venir pour voir de mes yeux si tu étais vraiment vivante, comme on le dit depuis quelque semaines. Personne ne t'es encore tombé dessus ? Surprenant que je sois le premier. Ce qu'on fait ? Mais rien du tout. Si j'ai dû venir te chercher, c'est que tu ne comptais pas revenir au final, si ? » Il me démontait tout ! Absolument tout. Et il ne s'arrêtait pas. J'ai jamais été aussi triste de faire parler un suspect... Je laissai tomber ma tête en arrière en roulant les yeux, une mine fatiguée pour mimer un "tu déformes tout". « Non mais sincèrement, tu ne tiens vraiment pas à la vie pour te promener comme ça ? Cette balle, elle t'a aussi fait sauter ton instinct de survie ? » Je me sentais revenir à l'époque à laquelle mon père me répétait de regarder à droite et à gauche avant de traverser... J'étais contente qu'il se soit levé d'ailleurs, qu'il ne voit pas le regard de petite fille vexée que je servais aussi à mon père. « Je te l'ai dit... vivre comme une morte ici ne m'intéresse pas... » marmonnai-je en jouant avec mes mains. D'ailleurs, je m'arrêtai immédiatement en le remarquant. Je passais d'énervée à mal à l'aise, puis de mal à l'aise à gênée... C'était complètement dingue. Comment Rin Ah avait supporté ça ? « Pendant ces deux ans, je me suis faite de nouveaux alliés. Je ne me sentais pas en confiance après ce qu'il s'était passé. J'avais besoin de rencontrer des gens qui ne savaient rien de tout ça. J'ai fait très attention malgré les apparences. D'autres 'anciennes connaissances' sont bien tombées sur moi mais j'ai su me débrouiller avec ces alliés... » j'avais parlé très calmement. J'avais pensé à Matthew, ce serait la façon la plus idéale de le faire entrer dans cette histoire. Mais on y était pas encore.
Je soupirai un peu, sachant que je n'avais pas répondu à tout. J'avais bien une idée en tête mais je n'avais aucune envie de la mettre à exécution... Mes mains étaient un petit peu tremblantes à cause du stress et je jouais encore pas mal avec.
Mes yeux tentèrent de bloquer ma cible... qui faisait les cent pas... Je grimaçai un peu en repensant à mon idée mais posai mes mains sur mes genoux, les regardant. « Puis comment ça je ne comptais pas revenir ? Tu parles comme si tu étais facile à trouver en règle générale... C'était soit je te trouvais, soit tu me trouvais... » Puis surtout je n'avais pas la moindre idée d'où chercher. Rin Ah n'avait pas laissé mille indices derrière elle.
Mes poings se fermèrent sur mes genoux, comme mes yeux avant que je ne lève enfin. Mes jambes aussi gentiment à mon cerveau mais ma raison voulait qu'elles me mènent vite à la sortie. Pour me sentir mieux, je décidai de parler en me déplaçant et m'exécutant. Peut-être que ça éviterait que je me prenne un violent rejet. « Je te l'ai dit Xia Min, je suis aussi revenue pour toi... Pourtant, je me suis dit 'Et si il est parti ? Et si il a refait sa vie tranquillement ? Reprit ses vieilles habitudes ?' et plein d'autres questions. J'ai... je ne veux pas repartir. Mais si tu ne me laisses pas revenir, je ne pourrais faire autrement. Moi aussi je m'inquiète ! » Je fermais à nouveau les yeux en attrapant doucement son poignet. Je le regardai un instant avant de refaire tomber mes paupières. Une grosse inspiration et mon autre bras l'encercla doucement à la taille, sans trop serrer. « ... car tu es si sombre. Je n'osais à peine t'approcher... et là, encore, je me dis que tu vas peut-être me jeter royalement... » je forçais un rire mais ça ne m'amusait pas du tout. Surtout que faire des câlins à mon père ou même à Matthew c'était déjà quelque-chose, alors à un inconnu qui a potentiellement fait du mal à ma sœur... Je l'imaginais froid comme un bloc de glace, aussi dur d'ailleurs. Je fus presque surprise de trouver une certaine douceur à son contact... Mon front s'était posé sur lui un peu, je décalais alors ma tête. « Je serais vraiment contente que si j'ai la garanti de retrouver un jour le Xia Min d'avant... Même si je ne suis pas sûre que ce soit possible. Faudrait peut-être repartir de zéro hein ? ... Je suis fatiguée... » soufflai-je en me décalant et fronçant les sourcils. C'était vrai. J'étais épuisée de trop réfléchir, du coup j'énumérais... Je frottai et massai mes sourcils avec la paume de mes mains. « Je t'apporterai les preuves dont tu as besoin. Au moins, pour mon accident c'est clair, il ne me reste qu'à enquêter. Mais pour toi, je ne peux décider de rien... » j'avais envie de partir, j'avais l'impression de me vendre plus que lui. J'ignorais que faire. Ce qu'il allait faire. En y pensant, Wu Xia Min m'a semblé incroyablement seul... et bien que je refusais que ça puisse m'atteindre, c'était bien le cas.

« En y pensant, Wu Xia Min m'a semblé incroyablement seul... » cette pensée me brûla les poumons. Cela semblait si vrai... Je n'y croyais pas, il était tellement méfiant, tellement hargneux qu'il n'avait plus le comportement d'un être humain. Il me rejetait peut-être pour certaines raisons, j'en aurais fait autant par superstition par exemple, mais j'étais prête à parier qu'il agissait de cette façon avec tout le monde. En un peu moins agressif et suspicieux, certainement, mais mon cas était particulier comme je le disais. A bien y regarder, ici, il n'y avait que lui. Aucune personne n'avait tenu à rester avec lui pour ce face à face qui, à supposer qu'il ait réellement aimé un tant soit peu ma sœur, serait éprouvant. Au moins juste pour s'assurer qu'il n'allait pas finir étrangler par un fantôme à l'esprit revanchard. Mais non, on n'avait pas discuté ses ordres...
Tout d'un coup, je repensais à Rin Ah, incapable d'obéir aux ordres de qui que ce soit. Cela me semblait évident maintenant, ce couple. Elle semblait limite attirée par les gens qui la tenait bien à l'écart d'eux, comme si elle était investie d'une mission divine ou autre. Et si Wu Xia Min avait toujours été de la façon dont je le voyais là, c'était le plus grand défi et la plus grande mission que ma jumelle aurait pu se trouver... Si seulement elle s'en était pas entiché en plus de ça. Quelle vie s'imaginait-elle mener ? Hein ? Fonder une famille dans un climat pareil ? "Tiens mon garçon, pour ton dixième anniversaire, tu as enfin ton propre revolver !" Franchement ! Oh et pourquoi pas "Et à 14 ans, on t'offrira ta première cible !" Enfin, ça, c'était à supposer que le bloc de glace et de mauvaise humeur devant moi puisse, lui, vouloir d'une vie pareille. Ma sœur idéalisait trop les choses à mon goût. Parfois sans tenir compte des réalités. Je voyais mal ce Xia Min fondre, même pas au soleil.

« Tu es inconsciente. A croire que tu ne sais pas ce qu'il pourrait se passer si ils te mettent de nouveau la main dessus. » Je me répète encore et encore de ne pas m'occuper trop de ce genre de paroles. Après tout, elles ne m'apprennent absolument rien sur ce qu'il est arrivé à Rin Ah. Pourquoi m'embarrasser avec ? D'autant plus que ça faussait totalement l'idée que je me faisais de cet être. Ou non, cela faussait davantage l'idée que je voulais me faire de lui. Il était plus simple de l'imaginer manipulateur jusqu'au bout, je-m'enfoutiste, égoïste et écœurant à souhait. J'étais certaine d'avoir une partie de tout ça devant moi mais ... ce démon, il avait sûrement un jeu d'acteur absolument remarquable.
Cela devenait terriblement frustrant. Je me fatiguais. Je ne m'étais vraiment pas attendue à tout ça et je doutais de plus en plus d'être prête à assumer tout ce que cet échange d'identité incluait.

Je rejouais sa dernière phrase dans ma tête, y retirant le moindre sentiment de colère ou de quoi que ce soit. Cela m'aidait à mieux analyser. Je sentis alors qu'il commençait enfin à se lâcher un petit peu. L'héritier Wu en savait peut-être plus qu'il ne le prétendait au final. Mais il fallait bien admettre que peu importe ce que je faisais, cela ne menait à rien aujourd'hui. Je me sentais sur le point d'avorter cette mission. Je n'avais qu'une envie, foncer dans une salle d'eau et me rincer le visage. Peut-être tomber au sol pour souffler un bon moment. Oh oui j'en rêvais. Sentir le froid d'un carrelage, juste histoire de sentir autre chose que mon stress.
L'appréhension fit bondir lourdement mon cœur en voyant son sourcil s'élever alors que j'avais tout fait pour témoigner la bonne foi de mon personnage. Quoi encore ? Il se fichait de moi ? Il n'en avait pas marre de tout ça ? Si il se méfiait tant, qu'il me mette un coup de pied dehors et je saurais enfin à quoi m'en tenir. J'en avais marre de faire un petit pas dans son sens pour devoir reculer aussitôt, sur la défensive. Il me rendait complètement folle.
« Bon et bien, tu attendais quoi pour 'me trouver?'. Ce n'est pas simple, certes, mais ça ne t'avais jamais arrêté avant. Tes alliés hm ? Donc tu as aussi perdu confiance en moi, c'est ça? Tu avais besoin de t'éloigner, mais de moi aussi ? » Mais ce n'est pas vrai ! C'était totalement du délire... Je sentais une certaine colère bouillonner en moi. En effet, si j'avais été Rin Ah, je n'aurais jamais fait confiance à quelqu'un de son genre. Pas même si je le payais pour tuer quelqu'un à ma place, pas même pour ça. Pourtant, ça semblait la personne idéale pour ça.
Je me mordis les lèvres pour conserver un peu de mon calme. Mais je savais que de toutes les manières, j'allais finir par le péter mon câble. Tôt ou tard. « Il n'était pas question d'avoir confiance ou pas en toi ! Je me suis retrouvée un peu toute seule, dans le noir et sans toi. Tu n'étais pas là. Et j'avais besoin de personnes, d'accord. Si j'avais si peu confiance en toi pourquoi je serais revenue ici ? Pourquoi je perdrais mon temps à te parler ? Parce que c'est bien ce que je fais. J'ai l'impression que tout ça ne sert absolument à rien ! » J'inspirai un petit peu pour me calmer. Je pensais pourtant m'être calmée un peu avant ça. Mais plus les mots sortaient, plus l'agacement remontait comme une flèche fraîchement décochée. Et elle n'était toujours pas retombée mais je ravalais mes mots cette fois. Il me reprochait de ne pas être assez heureuse de le revoir, pas assez "tu m'as tant manqué", ce n'était pas en lui hurlant dessus que cela allait lui prouver ma dévotion...

J'avais réussi à le prendre dans mes bras. J'ignorais comment j'en avais eu la force. Mais soudain, il semblait presque comme un enfant qui avait fait une grosse colère et qui doucement, commençait à s'endormir. Ce moment, à ma surprise, me reposa aussi. Pas de cris. Pas de suspicions. Juste une douceur inattendue. Je me sentais en paix et j'en profitais pour nettoyer un peu mon cerveau autant que possible. Sa joue se posa contre ma tête... ce petit geste me sembla énorme. Une petite vague d'émotions remonta jusqu'à ma tête et pendant un instant, elle sembla légère.
Wu Xia Min était incompréhensible. En fait, je n'avais que de moins en moins envie de le comprendre. J'avais trop peur de tomber dans le piège et me laisser attendrir.

« Tu étais absente pendant si longtemps... Tu devrais comprendre mieux que personne que ça va être difficile, que les choses risquent de ne jamais vraiment reprendre leur cours, non? Et s'il t'arrivait quelque chose encore ? Je ne pourrais... » Je me répétais d'être forte. Mais mon imagination m'emmenait loin. Je l'imaginais parler de cette manière à Rin Ah et d'être potentiellement sincère. Mais le pire était que j'avais hoché la tête bien sagement à un moment, sans en avoir même conscience. Je me laissais totalement prendre par le jeu. Était-ce bien ou mal ?
Je n'eus pas le temps de me reprendre qu'il le fait avant moi. Il s'était encore une fois éloigné et mes sourcils se froncèrent. Pas de colère mais essayant de comprendre. Que craignait-il au final ? Qu'on apprenne ce qu'il s'était passé ce soir-là ? Ou ce qu'il se passait au fond de lui-même ? Je préférais penser qu'il ressentait probablement une forte culpabilité pour avoir ... participer au triste sort de ma jumelle.
« Qu'est-ce qu'il t'est arrivé à la fin, Xia Min ? » Encore une parole pas préméditée. On aurait dit que Rinnie me possédait, atteinte et touchée par le trouble de son ex.

« Je ne peux malencontreusement pas de la donner cette garantie. Trop de temps s'est écoulé, les choses ont changé. C'est naïf de croire qu'en revenant après deux ans d'absence, tout va être comme avant. » Et voilà, j'avais à nouveau envie de le dégommer. Mais c'était bien vrai... Enfin, cela prouvait juste que je remplissais bien mon rôle étant donné que ma sœur était d'une naïveté parfois à pleurer. Cela ne lui donnait pas le droit d'en parler de cette façon. Ma fierté l'acceptait difficilement. « Ta disparition m'a changée. » Je relevai la tête que j'avais fini par baisser. Quoi ? Non, non. Je l'interdisais de faire du yoyo avec moi. Un coup je m'éloigne puis je me rapproche, dégage puis reviens, ça allait bien à la fin !
Encore une fois, je regardai ailleurs pour ne pas trahir mes pensées ou m'agacer. Il n'y avait selon moi qu'une solution alors. Si je ne pouvais l'approcher, ni avoir sa confiance, lui parler ou autre, autant que je m'occupe de l'affaire et seulement ça pour le moment. Après tout, je n'avais pas appris grand-chose jusque-là. Je perdais réellement mon temps, hein ? « Tu ne plu-... pas partir. Trop de monde sait maintenant que tu es en vie. Les gens parlent malheureusement, et c'est ici que tu seras le plus tranquille. »

. . .
Je le regardai les yeux ronds. Mais il voulait quoi à la fin ? Il avait peur que je lui échappe et j'ignorais encore pourquoi. « Et tu n'as pas peur que la suspecte que je suis se tienne trop près de toi ? » avais-je ironisé avant de pouvoir m'en retenir. « Tu me demandes de te comprendre, mais toi, essaye de me comprendre aussi. Je suis censée faire quoi ? Dès que je suis trop près ça ne va pas, trop loin non plus. Je te demande des réponses, tu ne les a pas, je veux te les donner, ça n'est pas prudent. Je te fais si peur que ça ? » j'avais été plus calme. Pourtant c'est bien l'agacement qui parlait. Puis il était impensable que je reste vraiment ici, n'est-ce pas ? En même temps, désirer partir serait encore plus suspect... Puis cinq minutes : c'était quand même mon but d'atteindre le cœur de tout ça.

« Enfin soit, on fera comme tu voudras... » mais ni moi, ni Rin Ah en moi n'étions réellement d'accord. A la première occasion, il fallait que je prévienne Matthew. « Pas comme si j'aurais réellement lâché prise... » marmonnai-je. Ah ça, Rin Ah ne l'aurait jamais lâché... en fait, elle ne l'avait jamais lâché.