Il était tard, très tard. Depuis que Matt avait été engagé dans ce club pour être DJ, il avait forcément des horaires tardifs dans la journée. Mais heureusement, les enquêtes qu’on lui confiait avançaient bon train. Le monde de la nuit fourmillait d’informations toutes plus intéressantes les unes que les autres pour une taupe qui savait comment les utiliser correctement. Ce qu’il était, naturellement… et de fait, ça le forçait à terminer ses journées plus tardivement. À la base, c’est quelque chose qui l’arrangeait réellement. Ça lui permettait de garder un œil sur Min Ah, qui avait le chic pour se mettre dans des situations impossibles. Toutefois, ces derniers temps, les choses avaient changées. Ce n’était pas exactement arrivé du jour au lendemain, mais c’était un peu tout comme et même s’il en était très heureux, ça ne l’en rendait pas moins soucieux. Même s’il jamais Matt n’oserait l’exposer de cette façon à Eve, il n’en restait pas moins qu’il était plus soucieux depuis son arrivée. Pourtant, il n’aurait échangé cette situation contre rien au monde. Particuliers, n’est-ce pas ?

De fait, lorsqu’il pousse finalement la porte de son joli petit appartement, Matthew est fort soulagé d’être enfin rentré à la maison. Ici, il pouvait gérer une crise de moins bien si jamais ça devait se produire. Il referme soigneusement derrière lui, sans faire de bruit, puis verrouille et pousse la chaîne que sa sœur n’avait heureusement pas fait glisser avant son arrivée. Son regard scrute un moment l’obscurité dans laquelle l’appartement était plongé, mais il ne voit rien. Ses souliers sont retirés dans l’entrée, comme ses parents le lui avaient toujours scrupuleusement appris, puis ses clés lancées sur le comptoir à l’américaine qui séparait la petite salle à manger de la cuisine. Il le contourne, histoire de s’approcher de la cuisinière pour ouvrir la petite lumière au-dessus de celui-ci. Il n’avait pas envie de s’éblouir à cette heure, merci bien… ça suffirait amplement, avec les lampadaires de la rue dont la lueur lui parvenait du salon. Visiblement, Eve n’avait pas fermé les rideaux.

D’ailleurs, malgré lui, il s’inquiète un peu de ne rien entendre. Ce qui est bête parce qu’à cette heure, il valait encore mieux qu’Eve dorme. Le souci, c’est qu’il n’avait pas oublié les frayeurs qu’elle leur avait fait à vouloir sauter du clocher de l’église où leur père faisait l’office… Et ça le hanterait probablement toute sa vie, encore, tout comme Cassy… et Eve elle-même, il en était sûr. Le jeune homme se sert rapidement un verre d’eau, ne serait-ce que pour soulager sa gorge déshydratée. Il aurait probablement dût aller directement à la chambre de sa sœur pour voir si tout allait bien, mais il craignait l’effrayer. Alors, il passe plutôt au salon… Et là, il se raidit d’un coup, sa main se refermant avec plus de force sur le verre frais. Son regard était tombé sur Eve et aussitôt, un long frisson peu agréable avait remonté son échine. Toutefois, un soupir résigné franchit rapidement ses lèvres et il est presque rassuré. La situation n’avait rien d’enviable… mais ça aurait clairement pu être pire. Ça lui faisait seulement mal de voir sa grande sœur réduite à cet état. Et surtout, ça lui donnait des envies de meurtres face à ses bourreaux…

Le jeune homme pose le verre sur la table basse du salon avant d’aller se poser près d’Eve, quoique pas juste à côté d’elle. La jeune femme était là, assise au milieu du canapé, son regard vide perdu de l’autre côté de la pièce. La télévision diffusait une lueur bleutée : l’écran de veille du système qui leur fournissait le service. Depuis combien de temps était-elle dans cet état ? Matthew a un regard triste pour sa sœur.

« Eve ? », murmure-t-il de sa voix la plus douce, ce qui n’était pas bien difficile. Quand il s’adressait à elle, c’était toujours sur ce ton teinté d’une incroyable tendresse. Avec Cassy, il était déjà beaucoup plus énergique parce que leur adorable petite peste de sœur avait clairement besoin d’être secouée une fois de temps en temps ! D’ailleurs, songeant à Cassy, il ressent le soudain envie de l’appeler à l’aide… Mais ce serait bête. Elle avait besoin de sommeil, elle aussi. « Eve, je suis rentré. »

Il hésite avant de finalement étirer la main pour la poser sur l’épaule d’Eve, la remuant doucement, juste assez pour que finalement, son beau regard sombre se tourne vers lui, comme si elle était surprise de le trouver là. Matthew a un sourire pour la jeune femme, lui faisant un clin d’œil pour tenter de dédramatiser la situation. Il était fort pour ce genre de chose, d’ailleurs ! Il fallait bien que son sens de l’humour lui serve à quelque chose une fois de temps en temps et séduire les femmes ne semblait pas être son utilité première !

« Je crois que tu as fait un bond dans le temps. Impressionnant. », assure Matt tout en tirant la langue à sa sœur avant de relâcher doucement son épaule. « T’as mangé ? Moi pas. Je peux te faire un truc en même temps que pour moi, si tu veux. »

Et le tout en anglais, parce qu’il évitait de s’exprimer en coréen le plus possible ! C’était surtout qu’il voulait multiplier les moments où il pouvait parler anglais. Il lui semblait parfois que c’était lui qui souffrait le plus du mal du pays entre ses sœurs et lui, d’ailleurs ! Se relevant, Matt étire sa silhouette un petit moment, étouffant un bâillement contre le dessus de sa main.

« Ouais, ça va surtout ressembler à du kimchi qu’à un plat élaboré, mais c’est mieux que rien. », marmonne Matt tout en glissant une main dans ses cheveux, se dirigeant vers la cuisine. « Alors, qu’est-ce que tu as fait de bon ? Tu t’es pas trop ennuyé de ton sublime et fantastique frère ?? »

Et tout en continuant à parler, Matt espérait surtout camoufler la tristesse et le malaise que ce moment aurait pu amener. Il entre à nouveau dans la cuisine et, cette fois, Hattori arrive avec la subtilité d'un camion-benne, s'étant vraisemblablement réveillé. Le jeune policier se penche, caressant son brave chien tout en tentant de le convaincre de ne pas faire trop de bruit non plus !

Matthew a un sourire on ne peut plus sincère pour sa sœur alors que cette dernière semble soudainement soulagée, d’une façon ou d’une autre. Cette expression dans ses beaux yeux en amande était une des choses qui comptait le plus pour Matt. Lorsqu’il rassurait ses sœurs, quelque chose se produisait en lui. C’était comme s’il regagnait confiance en ses capacités d’une façon complètement folle. Et il se plaisait à penser malgré tout qu’être père, c’était un peu de ça. Curieuse pensée pour un jeune homme de vingt-deux ans avec peu d’expérience pour les choses de l’amour, mais chez lui, on avait toujours beaucoup insisté sur l’importance de la famille. Et c’était juste… un sentiment de responsabilité qu’il avait envers Eve et Cassy. Surtout Eve, bien sûr, puisqu’elle n’était plus aussi autonome que leur cadette, malheureusement. Et présentement, il se sentait à nouveau grand et fort ; assez pour repousser ce démon qui harcelait encore sa sœur aînée. Peut-être pas pour de bon… mais assez longtemps pour qu’elle réussisse finalement à s’endormir.

Il balaie l’air d’un signe de main alors qu’Eve semble vouloir s’attarder sur ce repas qu’elle n’avait pas préparé. Peu importe. Quand il était seul, il se faisait bien sa propre nourriture en arrivant. Certes, c’était souvent un bol de kimchi et il ne crachait pas sur les bons petits plats de sa sœur, mais il n’en ferait pas une affaire d’état non plus.

« Ça va, je pense que je vais survivre ! », assure Matthew avec malice tout en faisant un petit clin d’œil à sa sœur. « En fait, je suis même en train de me demander s’il ne reste pas une pizza dans le congélo… Ce serait bon, ça. »

Et sur ce, le jeune homme commence à fouiller dans le dit congélateur, histoire de trouver l’objet de ses désirs ! Ce qui ne se fait pas trop attendre, vu la taille du truc. Il sort une pizza de ce froid mordant, un grand sourire satisfait aux lèvres. Il savait bien qu’il en restait une ! Il la pose sur le comptoir, puis se tourne vers Eve alors que la jeune femme baisse les yeux au sol en admettant s’être reposé. De fait, il comprend bien vite qu’il n’avait pour ainsi dit rien fait et s’inquiète vivement qu’elle soit restée de trop nombreuses heures sur ce canapé à contempler le vide sans même s’en apercevoir. Il s’approche d’elle, glissant deux doigts sous son menton pour lui faire doucement relever la tête. Et lorsqu’il accroche son regard, Matt lui fait un sourire sincère.

« C’est bien. Ça veut dire plus d’énergie pour demain. », assure-t-il, histoire de réconforter un minimum. Il n’était pas le genre d’homme à se faire culpabilisateur. Jamais autant que possible. Alors ça n’allait pas commencer avec une des personnes qui a le plus besoin de lui ! Il relâche doucement le visage d’Eve, retournant à sa pizza tout en assurant, pour changer de sujet : « Hattori t’a complètement adopté, finalement. Je vais finir par être jaloux ! »

Pendant que la jeune femme s’occupe de sa médication, lui ouvre le four, puis la pizza histoire de faire autre chose. Il n’aimait pas vraiment voir sa sœur prendre ces médicaments qui la maintenaient tout juste en vie… et il se doutait qu’elle préférait aussi qu’on ne s’y attarde pas trop. La pizza est glissée dans le four et il se tourne vers Eve qui lui assure s’être ennuyé de lui malgré la manière pompeuse dont il l’avait dit ! Le policier sous couverture rigole, glissant ses bras autour des épaules de la jeune femme pour mieux la serrer contre lui alors que sa sœur vient quémander un peu de tendresse.

« Je me suis aussi ennuyé. », assure-t-il, très sincère. Et à la question qui suit, soit sa propre journée, il hausse les épaules. « Ah, la routine. Sauf ce matin ! Tu sais, les voisins m’ont aussi réveillé à gueuler comme des putois. Mais j’ai retrouvé une amie d’adolescence par le fait même, en sortant Hattori ! Bon… Ce que l’histoire ne dit pas c’est que ce sale cabot a enroulé sa laisse autour de nous pour nous saucissonner et qu’elle a cassé un de ses talons dans le processus en plus de me tomber dessus. La honte. Mais tu sais bien : avec moi ça ne peut JAMAIS bien se passer ! »

Puis, une porte d’ouverture… et comme d’habitude, Matthew saute dessus à pieds joints ! Il faut dire que ce n’était pas très fréquent, même si d’après lui, de plus en plus. Il ne savait trop s’il ne voyait que ce qu’il voulait voir, mais ça l’encourageait. Et dès qu’Eve mettait le nez dehors, il se sentait fou de joie !

« Avec plaisir. C’est quand tu veux. », assure-t-il. Mais sachant qu’il ne s’en tirerait pas très bien comme ça, il ajoute : « Après-demain ? Je commence ma journée de travail plus tard, si jamais. »

Ça laissait le temps à sa sœur de s’y préparer… sans être trop loin non plus.

« Qu’est-ce que tu dessines ces temps-ci ? », demande soudainement Matt, réellement intéressé. Sa sœur avait un réel talent. Il adorait ce qu’elle faisait. D’ailleurs… « Ce serait bien que tu en fasses pour l’appartement. On pourrait les faire encadrer et ça décorerait les murs. »

Puis, Eve parle des deux autres femmes de sa vie et un sourire étire les lèvres de Matthew alors qu’il en revient au four, histoire de voir si tout cuisait comme il le fallait.

« Cassy va sûrement passer bientôt ! », assure d’abord Matthew. « Elle court toujours à gauche et à droite, comme d’habitude, tu sais bien. À se mettre dans les ennuis jusqu’au cou. Et Min Ah c’est un peu pareil. J’ai dût voler à son secours il y a peu. Ah… Une chance qu’il y a toi de sage, Eve ! Je vais avoir des cheveux blanc avant l’heure à cause de ces deux-là ! »

Mais, il en parlait malgré tout avec beaucoup de tendresse.

Un petit sourire étire les lèvres de Matthew alors que sa grande sœur commence à fredonner. Elle avait une très jolie voix, douce comme une brise et rassurante comme celle d’une mère. En fait, il se prenait souvent à penser que Eve ferait une superbe maman. Et malgré tout, ça ravivait la flamme de la colère vis-à-vis ces hommes qui avaient ruiné sa vie… Puis, un rire la prend et… eh bien, Matt ne pose même pas de question. Il ne comprend pas ce qui s’est passé et pourtant, il rit doucement à son tour. Tout simplement parce que c’était si bon de voir un éclat de joie dans son regard trop souvent terriblement vide. Il en revient toutefois rapidement au four, sans pour autant oublier une caresse pour son chien en manque d’affection, visiblement ! Ce chien faisait peur à voir, mais était doux comme une peluche. Il ne fallait pas s’arrêter à son air effrayant et Eve l’avait rapidement adopté. C’était beau à voir, mine de rien, la si délicate femme avec cet immense chien un peu rude mais avec ô combien d’affection !

Un sourire étire les lèvres de Matt alors qu’il acquiesce aux paroles de sa sœur tout en observant Hattori. Vrai, ça aurait été sympa d’avoir un chien, gamin. D’ailleurs, il avait carrément harcelé ses parents à ce sujet, comme tout enfant qui se respecte, mais ils n’avaient eu que des chats, pour lesquels il avait un intérêt plus que limité.

« Tu te souviens quand on a trouvé un chien errant ? », demande soudainement Matthew, plongé dans ses souvenirs. « C’était un vieux bâtard tout miteux, mais j’avais déclaré que c’était le plus beau chien du monde et j’avais même fait une crise pour l’avoir. Papa était furieux ! Et moi aussi, parce qu’il n’a pas cédé ! Je lui en ai voulu très longtemps. »

Mais maintenant, ce n’était pas un mauvais souvenir malgré tout. Il comprenait un peu avec le recul, hein. Ce chien était sûrement plein de tiques et tellement vieux qu’il aurait été difficile de s’en occuper. Et à l’époque, il avait beau promettre de le faire lui-même, il n’en restait pas moins que c’est rapidement ses parents qui auraient dût mettre la main à la pâte. Voire Eve elle-même ! Celle-ci semble toute affectueuse soudainement et Matt ne peut qu’en être comblé. Il lui semblait malgré tout que depuis sa sortie d’hôpital psychiatrique, même s’il y avait parfois de terribles bas, Eve reprenait du poil de la bête. Elle était plus forte qu’elle ne le pensait et devait seulement s’en rappeler… Ce qui n’était pas une partie de plaisir, ni aussi facile que ça en avait l’air ; Matt en était bien conscient !

Sa grande sœur lui pose forcément des questions sur sa rencontre avec Meena et puis bon, malgré lui il rougit un peu, se tournant vers le four qui faisait son travail pour cacher un peu ses pommettes cramoisies.

« Pas personnellement. Tu te souviens l’été où on est allé en vacances à New-York ? », demande Matt, se doutant que si, mais supposant que la suite lui serait plutôt inconnue. « Je traînais toujours avec un groupe de gamins de mon âge là-bas. Et elle en faisait partie. C’est… hm… la fille pour laquelle j’avais un… heu… béguin d’adolescent… »

Oui BON. Il était gêné, là ! Le jeune homme se racle la gorge tout en glissant une main dans ses cheveux, ébouriffant un peu ses mèches déjà en pétard. Et finalement, tournant la tête vers Eve, il hoche la tête de gauche à droite à sa question avec un petit sourire doux.

« Non, pas du tout. Au contraire. », assure-t-il, visiblement ravit. « C’est vraiment une chouette fille. Elle a pas changé. On s’est filé nos numéros et tout pour se revoir. »

Et puis bon, il vient doucement bousculer sa grande sœur parce qu’elle avait malgré tout eu un très beau compliment pour lui. Il avait parfois du mal à assumer ce côté empoté qu’il avait. Ça cassait clairement l’image du beau ténébreux que les femmes aimaient souvent avoir des hommes ! D’ailleurs, il se fait boudeur, faisant la moue tout en venant poser sa tête contre l’épaule de sa grande sœur. Ah, les femmes et lui, c’était une histoire purement chaotique, en vrai ! De toute façon, Eve lui parle d’un projet qu’elle avait en cours et ça suffit à lui faire oublier ses ennuis féminins !

« C’est cool ! Tu me montreras bientôt ? », demande Matt quant à cette suite de danseuses. Pas sûr de ce que ça voulait dire. Qu’elle en faisait beaucoup ? Qu’elles étaient alignées ? Oui bon, il n’était pas très doué niveau dessin, mais la danse ça le connaissait et il voulait voir ! Il acquiesce ensuite pour la déco, avant d’ajouter : « Mais te presse pas. C’est pas urgent. C’est quand t’auras l’envie, quoi. »

Fallait pas qu’elle bosse ça sous pression sinon ça ne donnait rien d’agréable pour elle. Sauf que soudainement, Eve a une demande… vraiment incongrue ! Pour lui, en tout cas ! Il l’observe un moment, surpris, avant de finalement admettre :

« Ça me dérange pas du tout, je trouve ça sympa comme tout, surtout avec le barbotement de l’eau… mais j’ai vraiment pas le temps de m’en occuper alors faudrait que tu le fasses. »

Parce que c’était du boulot, un aquarium, mine de rien. Mais, histoire qu’Eve ne pense pas qu’il ne lui faisait pas confiance, Matt s’approche pour déposer un baiser contre son front, avec une tendresse toute fraternelle.

« Si tu veux t’en occuper, on ira en chercher une dès que tu sauras quel genre d’aquarium tu veux. Où est-ce que tu la mettrais ? »

Et finalement, voilà que sa soeurette joue la police ! Matt rigole tout en levant brièvement les yeux au ciel. Il ouvre la lumière du four, histoire de voir où sa pizza en était rendue avant de finalement s’assoir au sol, devant, pour la surveiller comme un gamin !

« Tout le monde va bien. Cassy est toujours fourré partout, comme d’habitude, mais ça va. Juré. Et moi aussi. J’suis pas téméraire comme certaines jeunes femmes de ma connaissance ! », blague Matt tout en relevant la tête vers sa sœur, lui faisant un clin d’œil amusé. Sauf que bon, à propos de Minah il hésite avant de convenir : « Je ne peux pas en dire grand-chose, secret professionnel, mais elle s’est plongée dans les problèmes. Ça va, là. Vraiment. J’ai dût voler à son secours ! »

Et blaguant, il lève un bras pour montrer ses biceps bien contractés. Qui n’avaient d’ailleurs rien à envier à personne, même s’il n’était sûrement pas le mec le mieux gaulé de toute la Corée !

« Faut pas chercher des problèmes aux femmes de ma vie ! »

C’est ça…!

Ah… visiblement, sa grande sœur est sur le point de lui faire la révélation d’une vie à propos de ce chien ! Et forcément, ça attise la curiosité de Matthew, qui réalise lui-même ne pas être mieux que le petit garçon qu’il avait été pendant toutes ces années ! Il est pendu aux lèvres de sa sœur et, à sa question, il hoche négativement la tête pour signifier que non, il ne savait absolument pas ce qui était advenu du chien, sans pour autant l’interrompre. Au cas où ça l’aurait fait changer d’avis, hein. Pour l’heure, il était beaucoup trop curieux pour qu’elle s’arrête en si bon chemin ! Mais… finalement, il ne peut retenir quelques mots.

« Eh bien, j’ai toujours cru qu’il avait été euthanasié, bien sûr… Mais tu sembles avoir une autre version. »

Et effectivement, sa sœur confirme. Ça fait arquer les sourcils à Matthew alors que ses lèvres forment brièvement un petit « o ». Il se remet toutefois assez vite de sa surprise et lentement, alors qu’Eve lui fait le récit, un petit sourire nostalgique et doux étire ses lèvres. Ah ça… C’était bien le genre de son père. Se faire intransigeant, mais aussi faire le bien autant que possible. Mattew était terriblement touché par cette petite histoire. Et puis, il était peut-être un adulte maintenant, mais ça le rendait malgré tout heureux de savoir que ce sac à puces avait eu une belle vie. Il appelle Hattori, qui lève sa grosse carcasse pour venir se laisser tomber à moitié sur lui et avec affection, Matt étreint son gros chien en déposant un baiser dans sa fourrure courte et sombre. La bête ne se plaint pas, au contraire, même si elle ne sait pas du tout pourquoi elle avait soudainement droit à toute cette affection !

Il soupire, un peu nostalgique malgré tout et ressentant plus que jamais la fatigue et le mal du pays. Doucement, il s’appuie contre le comptoir derrière lui, sa tête reposant contre une armoire alors qu’il ferme les yeux quelques secondes.

« La maison me manque. », convient doucement Matthew, se demandant encore pourquoi il était venu jusqu’ici. « Je ne suis pas chez moi. Ce n’est pas mes racines, mes origines. J’aime bien ce pays, mais ce n’est rien à côté d’Ottawa. C’est Ottawa qui me manque… »

Et pas non plus Vancouver, qui était aussi terriblement différent de leurs origines. Une pluie de question s’abat ensuite sur lui à propos de Meena et Matthew se sent encore plus empoté, surtout que sa sœur rigole un peu. Il ne pouvait pas le lui reprocher, hein. Il était vraiment une bille dans ses histoires d’amour (toujours à sens unique…), mais ce n’est pas pour autant qu’il aimait l’admettre ! Haussant lentement les épaules, l’homme se penche pour glisser son nez dans le pelage de son chien.

« On est allé dans un italien. C’était vraiment sympa. », explique Matthew, un petit sourire étirant ses lèvres. Il se redresse un peu, poussant un petit soupir. « Elle fait parti d’un groupe de musique maintenant. Elle est vraiment faite pour ça, j’avoue. Mais ça m’a surpris ! Un girlsband dont les Coréens sont fous. Bref… je suppose qu’elle est trop bien pour moi. »

Oui bon, partir défaitiste, c’était tout à fait son genre ! De toute façon, il fini par avoir un petit geste de la main dans les airs comme si ce n’était pas important.

« C’était cool de la revoir, c’est tout. Je suis plus un ado. »

Comme si ça changeait quelque chose ! Matt a ensuite un petit sourire alors que sa grande sœur lui parle de ce temps où elle dansait encore. Il se demandait souvent si reprend des cours ne l’aiderait pas à reprendre confiance en elle, pour être franc… mais n’avait encore jamais osé le lui demander. Il doutait que ce soit soit le bon moment, alors pour l’heure, il se tait à ce sujet, se contentant d’assurer, très sincère :

« Tu feras toujours une danseuse ravissante. »

Et Dieu qu’il aimerait parfois qu’elle s’y remette. Parfois, il s’accrochait à certaines idées de cette façon comme si c’était le seul salut d’Eve. C’était sûrement ridicule… mais il ne pouvait pas faire autrement. L’espoir le faisait vivre et tant qu’il n’y avait pas eu d’échec à cet endroit précis, il espérait donc. Toutefois, il se prend un peu une douche froide niveau espoir alors que sa sœur ne semble… pas du tout bien prendre ce qu’il lui dit. Matthew ne réplique pas, mais il détourne le regard. Parfois, il ne savait pas trop comment prendre Eve… C’était complexe. Quoiqu’il en soit, elle ne reste pas sur le sujet et même si elle s’éloigne, créant un petit froid, elle ne boude pas non plus, ce qui n’est pas plus mal. Matt a une petite grimace à propos de Cassy, sautant un peu sur le sujet pour tenter de dissiper le malaise qui s’était immiscé entre eux.

« Oh, travail ou pas, elle devrait venir plus souvent, si tu veux mon avis ! », assure le jeune homme tout en levant les yeux au ciel. « Mais tu connais Cassy. Elle est toujours partie en quelque part et a toujours quelque chose à faire. Du coup, elle ne voit pas le temps passer… »

Sauf que bon… finalement, c’est plutôt une porte vers un sujet terriblement délicat. Soit, le mal-être de sa grande sœur. Matt se relève lentement, repoussant pour ce faire le gros chien qui proteste un peu, mais pas trop, retournant se coucher dans un coin de la cuisine. Le policier s’approche de sa sœur alors que celle-ci semble avoir une faiblesse, la retenant pour éviter qu’elle ne chute, un peu effrayé qu’elle lui fasse une réelle crise entre les mains. Malgré toute sa bonne volonté et même s’il était souvent intervenu sur des lieux d’accidents ou autres, il ne réagissait jamais avec autant de sang froid qu’il ne l’aurait désiré devant les crises de moins bien de sa sœur. Et après tout, c’était différent. Il l’aimait tellement !

« Eve… », murmure lentement Matthew, ayant un peu de mal à trouver les mots alors que ce qu’elle lui dit est tellement… poignant. Et épuisant, comme elle l’avait si bien supposé. Mais ça, il ne pouvait pas s’autoriser à lui dire ! C’est la voix un peu tremblante qu’il fini par parler sincèrement et sans trop se cacher. « Ce n’est pas de ta faute. C’est eux. Tu n’as pas été la seule victime ce soir-là. Je n’essaie pas d’amoindrir ce que tu as vécu, au contraire. Mais tous ceux qui t’aiment ont été touchés. Ce sont ces criminels… pas toi. Toi, tu es la victime directe. Tu ne devrais pas mettre sur tes épaules un poids qui ne devrait pas exister, Eve… »

Matthew prend une petite inspiration, tentant de se donner un minimum de courage. Ce qui n’est pas évident alors qu’il sent Eve tremblante dans ses bras…

« Oui, je suis fatigué, c’est vrai. Je ne te le cacherai pas. Ou plus. Mais ce n’est pas que ta situation. C’est aussi Cassidy, qui me fait la vie dure au boulot en essayant d’avoir les derniers scoops. C’est Minah qui se met dans des situations pas possibles et qui s’enfonce toujours de plus en plus dans son boulot et le danger qu’il représente. C’est le mal du pays qui ne veut pas passer. C’est… ma solitude, mes indécisions, mon manque de confiance. C’est ce boulot. C’est… tout. C’est juste un mauvais moment. Il va passer. Le tiens aussi, Eve. J’y crois dur comme fer. Ce n’est pas parce qu’une étape est longue et cruelle qu’elle est insurmontable. Et tu me prouves toujours, d’une façon ou d’une autre, que tu es plus forte que tout le monde le croit bien. Continue de me le montrer. C’est tout ce que je te demande. »

Il s’appuie lentement contre le comptoir, fatigué d’avoir eu à parler de tout ça, mais en quelque part, ça faisait du bien. Et parce que de toute façon, le sujet ne pouvait pas devenir plus sensible, il demande :

« Tu n’aimerais pas essayer de recommencer la danse, dis-moi ? Essayer. Pas nécessairement t’engager. Non seulement ce serait un retour aux sources, mais l’exercice physique est la meilleure des thérapies… »

En espérant qu’elle ne le prenne pas mal. Mais si c’était le cas… Eh bien, il jetterait l’éponge pour la nuit. Parce que là, après cette journée et à cette heure, il ne pouvait tout simplement pas.

Oui, bien sûr qu’il pourrait retourner n’importe quand au Canada… Mais il avait malgré tout un peu l’impression d’être bloqué ici. La principale raison était sans contredit Min Ah et ses plans de fou. Il devait garder un œil sur elle. Elle n’était pas assez prudente pour naviguer seule dans ces eaux troubles et il commençait à avoir sincèrement peu qu’elle s’y noie une bonne fois pour toute. Matthew savait que ce n’était pas sa responsabilité. Pas comme Eve l’était par les liens du sang. Mais tout comme il aimait ses sœurs, il aimait Min Ah. De fait, il créait lui-même ses propres responsabilités et les acceptait comme telles. Le jeune homme acquiesce doucement aux paroles de sa sœur, sachant bien que leur coin de pays lui manquait. Pourtant, ils n’en avaient jamais vraiment parlé, depuis qu’elle était ici. C’était juste… comme ça. Il savait. Mais il savait aussi qu’y retourner serait une étape importante et difficile pour elle. Et pour ça aussi, il en voulait amèrement à ces criminels qui couraient encore librement dans les rues d’Ottawa…

Sa sœur a ensuite quelques compliments qui viennent visiblement du fond du cœur et ça fini par étirer les lèvres de Matthew en un sourire sincèrement heureux. C’était toujours bon à entendre même s’il fini par geindre un peu, pour la forme !

« Oui, mais tu es ma sœur. », se plaint-il comme on le dirait à une mère. Toutefois, il se fait plus doux alors qu’il ajoute : « Merci, ça fait du bien à entendre… Parfois, j’en ai bien besoin. »

Il lui tire toutefois la langue, joueur, alors qu’elle le taquine sur le fait de ne plus être un ado. Oui, il le disait et le croyait fort bien, merci ! Sauf que l’atmosphère n’était plus trop à la plaisanterie… et de fait, il ne répond pas, se contentant de rester devant le four, espérant que la pizza serait bientôt prête. Eve reprend la parole. Matt ne réagit pas sur le coup. Et soudainement, il percute… et a un regard purement hébété pour sa grande sœur. Elle voulait… apprendre à tirer ?! Mais c’était de la folie ! Et pas tant pour l’apprentissage que parce qu’elle n’allait tout de même pas aller se chercher un permis de port d’arme et constamment l’avoir sur elle, pas vrai ?! Rien que cette idée le fait désagréablement frissonner. Sa grande sœur avec une arme à feu dans son sac à main… C’était trop glauque comme idée. Et si elle faisait une crise d’hystérie ? Et si elle se sentait agressée là où il n’y avait rien ? Et si elle se blessait par inadvertance ? Les accidents arrivaient vite et étaient toujours graves avec une arme à feu. Et… et si elle la retournait contre elle ? Sans que ce soit un accident ?

Ces questions, ces cas de figure peu reluisants, traversent tous la tête de Matthew en très peu de temps. Quelques secondes à peine. Et il n’en est pas tout à fait au bout lorsque la jeune femme reprend la parole, pour le rassurer sur certains points. Ou du moins, pour essayer de le faire. Car le succès est tout mitigé et l’expression qu’affiche Matthew à ce moment précis doit être éloquente. Alors qu’elle affirme qu’ensemble, ils étaient forts, l’homme prend les mains de sa sœur dans les siennes, y faisant doucement pression.

« Oui, nous sommes forts. Mais à quel prix ? », demande doucement Matthew, portant les mains de sa sœur à ses lèvres pour les baiser doucement. « J’ai peur de te mettre une arme entre les mains pour toutes les raisons possiblement imaginables, Eve. Et que feras-tu ? Tu vas te balader avec une arme à feu dans ton sac ? C’est impossible, tu le sais bien… »

Matt prend une petite inspiration, pause courte entre deux idées. Parce qu’il n’allait pas non plus refuser en bloc sans tenter d’amener une solution quelconque. Ça aurait été décourageant pour Eve qui tentait de trouver par elle-même des solutions avec lesquelles elle se sentirait bien… ou un minimum en sécurité.

« Écoute… Il y a sûrement d’autres moyens. », murmure lentement Matt tout en plongeant son regard sombre dans celui de la jeune femme. « Je peux t’apprendre à tirer. Et tu sais que je le ferai avec joie. Ça nous fera une activité à tous les deux et c’est vrai qu’on se sent… incroyablement en contrôle quand on maîtrise la bête, bien qu’il ne faut pas laisser ce sentiment nous monter à la tête ! Par contre, pas question de te procurer une arme à feu… Mais, je m’arrangerai pour te dégoter le plus vite possible un taser. Est-ce que ça te rassurerait ? »

Il avait faillit préciser que s’il y avait un souci dans l’appartement, il y avait toujours son arme de service, mais… non. Il ne voulait pas ouvrir une porte à ce sujet. Doucement, Matt glisse une main dans les longs cheveux noirs de sa sœur, lui faisant un doux sourire.

« Je dois te le dire parce que c’est important : je suis fier de cette démarche et je te soutiens. », assure-t-il tout en retirant sa main de la crinière ébène. « Et si c’est d’accord, nous organiserons une séance de tir par semaine ou deux, peut-être... »

Quant à la danse et à ses propres efforts, il a un petit sourire triste mais acquiesce, comprenant bien. Il allait en reparler, donc. Pas trop souvent pour ne pas sembler harceler Eve, mais juste assez pour qu’elle ne laisse pas de côté l’idée à jamais. Il tenterait de faire de son mieux, lui aussi. Ce n’était pas toujours facile mais malgré ce que tout le monde pouvait penser, Eve était on ne peut plus compréhensive à sa façon. Matthew prend finalement sa sœur dans ses bras une nouvelle fois, un petit sourire étirant ses lèvres à son tour.

« Je t’aime, soeurette. »

Et elle le savait bien. Jamais ce sentiment n’avait été altéré d’une quelconque façon et jamais il ne le serait.

Ah Eve… vile flatteuse ! Elle arrache néanmoins un petit rire attendrit à un Matthew que ce genre de conversation réconfortait toujours, même si les sujets étaient plus sérieux maintenant qu’il n’était plus un petit garçon. Mais il savait qu’elle était sincère, même si elle blaguait. Ses sœurs l’aimaient sûrement autant que lui pouvait les aimer. Ils le montraient tous de façon différente, mais les faits étaient les mêmes. Quant à ce qu’elle ajoute à propos des femmes aimant les hommes sûrs d’eux, eh bien… Matt le savait déjà. Ça ne changeait pas grand-chose à son attitude, néanmoins, parce que celui qu’il était n’était pas du genre à avoir confiance en lui-même. Enfin… sauf lorsqu’il brandissait son arme ou son badge dans le cadre de ses fonctions. Dans ces moments, il devenait l’homme le plus assuré sur Terre et c’était une bonne chose sachant qu’un manque d’assurance à ces instants précis pourrait lui coûter la vie, bien souvent. Pas le genre de truc qu’il allait dire à Eve, hein ! Histoire qu’elle ne s’inquiète pas pour rien… Matt connaissait son boulot et le faisait avec le plus de prudence possible.

Il fini par glisse une main dans ses cheveux, peut-être un peu mal à l’aise. Ah.. il n’avait rien d’un badboy qui roule des mécaniques, lui…

« Alors je finirai célibataire ! », assure Matt, non sans un petit rire qui prouvait qu’il se contentait de blaguer. Bon, c’était mal parti, mais il ne pensait pas mourir seul, eh non ! « Non franchement, mis à part draguer quand je bosse, du coup, je vois pas trop comment je pourrais faire. J’ai souvent pris des bonnes résolutions mais une fois devant les faits, elles fondent comme neige au soleil. »

Un cas désespéré, oui ! De toute façon, ils n’y restent pas longtemps parce que ces damnées séances de tir reviennent sur le tapis. Et il ne cède toujours pas immédiatement, regardant longuement Eve avec un air on ne peut plus hésitant. Il n’aimait pas l’idée non. Et en même temps, si elle pouvait se contenter des séances sans chercher à avoir un permis de port d’arme, pourquoi le lui refuser ? C’est vrai… Ça pouvait la rassurer. Et oui, lui-même se sentait rassuré par cette aptitude même s’il n’avait pas constamment son arme de service à portée. Il fini donc par acquiescer lentement. Comme promis, il allait inviter Eve à une séance privée avec lui. Il le lui enseignerait lui-même. De toute façon, elle n’aurait pas voulu le faire avec quelqu’un d’autre, pas vrai ? Il allait réserver demain à un moment qui leur conviendrait tous les deux, pas trop loin dans le temps, histoire qu’elle ne pense pas qu’il attendait qu’elle change d’idée. Oui… Il fera ça.

Puis, sa sœur revient près de lui, câline et Matt ne bouge pas, un sourire un peu fatigué, mais pas moins sincère se peignant sur ses lèvres. Il fini par la prendre dans ses bras, aimant et protecteur, la berçant brièvement avant de la relâcher. Dieu qu’il aimait ses sœurs. Si seulement on lui avait permis de mieux protéger celle-là… Il s’en voulait terriblement alors même qu’i l savait que ce n’était pas vraiment de sa faute. Mais certaines choses étaient trop difficiles à gérer… Matt a un petit regard pour la pizza dans le four à ce qu’ajoute Eve, sans pour autant bouger pour aller la sortir, épuisé. Son regard en revient à la belle jeune femme à ses remerciements et il a un sourire doux pour elle.

« C’est tout naturel, Eve. », assure Matt, sa voix n’étant guère plus qu’un murmure à présent. « Je me couperais un bras pour toi. Pour toute la famille. Je vous aime… »

Et sur ce, le jeune homme se dirige vers le four pour sortir la pizza. Il doit repousser un Hattori qui salive, retrouvant son rire à l’occasion. Ça faisait du bien malgré tout que Eve soit ici. C’était moins vide… plus vivant. Et elle-même semblait reprendre des couleurs, pas vrai ?