Afin de contrebalancer le style des demoiselles du groupe, et donc donner un équilibre et une originalité certains aux musiques de MOB, ces messieurs misent bien davantage sur une image rap & R’n’B. Et si le rap et le beatbox sont bel est bien omniprésents dans la sous-unité Hype Nation, le chant est pourtant bien loin d’être en reste lors de leurs prestations. Jouant sur des visuels variés, ils savent parfaitement se mettre en scène à l’instar de leurs collègues féminines.

Comme je m’en doutais, Kwang Ho vient confirmer mes hypothèses. Les shoots sont bel et bien fatigants. Se faisant fataliste, le jeune homme alors me fait comprendre qu’il a n’a guère le choix ; vrai que tout artiste lancé de la NG doit passer par cette étape pour ses promotions. Pourtant, il ne râle pas outre mesure, disant clairement que si son emploi ne lui plaisait pas, il n’en serait pas là. Un petit sourire vient arquer mes lèvres, et c’est en hochant la tête que j’ai pour seule répondre ; « Oui, tu as raison. » Il n’empêche que ça doit être exténuant. Dans un sens, même si la musique et le monde des paillettes n’est vraiment pas ma tasse de thé, je suis très admirative des artistes de la compagnie. Certains ont beau être des enflures de première sur le plan personnel, ils arrivent à mener leur carrière avec brio, et faire rêver des milliers de personnes. Et ça, ce n’est clairement pas chose qui est donnée à tout le monde. Je sais que pour ma part, j’aurais bien vite fait de jeter l’éponge ! Je suis mauvaise comédienne, chante comme une casserole, et vu ma maladresse et mon impatience, je serais sûrement incapable de tenir un instrument entre mes mains… Pour la danse, n’en parlons pas ! Aussi souple qu’une barre en acier trempé, il est impossible de m’imaginer me déhancher. Je me console en me persuadant que moi aussi j’arrive à vendre un peu de rêve via les vêtements que je confectionne à toutes ces idoles. Je suis une petite partie de leur image, et ce même si je demeure dans leur ombre. Mais si ça pourrait en rendre quelques-uns chèvre, cet anonymat me convient parfaitement pour ma part ! Je suis plus que satisfaite de mon travail, et suis ravie de le faire, même s’il me donne parfois du fil à retordre. Bref, tout ceci pour dire que j’admire Lux pour sa carrière et son endurance. Il est des artistes les plus connu de la NG, et arrive toujours à séduire son public de par ses prestations. Et au-delà de ceci, même si je ne peux pas me vanter de parfaitement bien le connaître, il est drôlement endurant. Car si pour l’instant, nous causons juste shoots, je sais que ce n’est qu’un aspect minime de sa carrière. Ajoutez à ceci des chansons à composer, des clips à imaginer, une image à préserver et tout un autre tas de trucs… Ca fait tout de même beaucoup de pression pour de si petites épaules ! Certes, je sais bien que Kwang Ho n’est pas tout seul ; il a des gens pour le soutenir, et toute une équipe à sa disposition pour l’aider dans chacune des étapes de sa carrière… Je ne pense pas me tromper en supposant que sa cervelle n’est pas ménagée ! En tout cas, la vie de starlette, très peu pour moi.

Etant revenue à ma couture, toute mon attention portée sur le tissu replié, Kwang Ho me surprend en poursuivant la conversation sur un sujet tout autre. Un dernier coup d’aiguille, je laisse mon travail en suspend pour regarder l’artiste dans les yeux tandis qu’il me parle. Me demandant si j’ai du temps libre prochainement, il me propose que nous nous voyions pour exploiter des nouvelles idées de tenue. Qui plus est, ça serait selon lui l’occasion de s’occuper ! Un sourire espiègle vient s’insinuer doucement sur mes lèvres, tandis que je le taquine gentiment ; « Le grand Lux serait-il en train de me proposer un rancard ? » Bien sûr, que je n’en crois pas un traître mot ! La preuve en est que je ris doucement, tandis que je me remets doucement au travail le temps de quelques points. « Ça devrait être possible, oui. J’ai pas mal de travail sur les jours suivants, à croire qu’on a décidé de faire des photos de promo pour un paquet d’idoles cette semaine ! Je finis ça et je vais regarder mon agenda pour voir que ça serait jouable. » Comme dit, je finis soigneusement les ourlets au manche, avant de déposer le vêtement sur un mannequin à côté. Je vais alors chercher mon sac d’où je sors un petit carnet à feuilles datées, et inspecte mes horaires. Je me fais pensive, avant de reprendre la parole, de nouveau assise à côté de Kwang Ho ; « Hmm… Je peux pas avant lundi prochain, j’ai un paquet de trucs à finir d’ici là. L’après-midi, ça te conviendrait ? »

Il fallait que je mette de l'ordre dans mes pensées, et que je me décide sur quelle décision prendre. Je ne pouvais pas continuer à jouer longtemps comme ça. J'avais cru pendant un temps qu'en me débrouillant bien, je pourrais avoir ce que je voulais. Sans avoir à rendre de compte à personne. Mais il fallait que j'arrête : la réalité était toute autre, et je devais commencer à sérieusement prendre mes responsabilités, si je continuais à me voiler la face, j'allais finir par foncer dans le mur, si on ne considérait pas que cela faisait déjà deux ans que j'y étais fermement encastré, sans rien faire pour m'en dépêtrer.

Depuis quand est-ce que j'avais mis ma vie entre parenthèses ? C'était parfois la question que je me posais. Oui, car jusqu'ici je n'avais fais que « survivre », faire ce que je semblais juste, mais uniquement pour la cause d'un autre, celle de mon père. Je n'avais jamais songé à un rêve, je n'en avais pas eu le temps, mon avenir s'était tracé sans que je ne songe au chemin que j'aurai aimé lui faire prendre. Je ne cherchais pas la pitié, ce serait m'énerver que d'en éprouver à mon égard : j'avais choisi de faire ce que je faisais aujourd'hui, certes, je n'avais juste pas mesurer jusqu'à où ça me mènerait, et ce que je pourrais perdre en route.

Mais là, je me sentais trahi par la personne que je chérissais le plus au monde: celle dont je n'aurais jamais attendu un tel comportement. Je ne savais pas quoi penser : est-ce que je devais me blâmer car j'avais été trop méfiant au point de ne rien lui permettre ? Ou devais-je me mettre dans une colère noire car justement, elle s'était trop permis ?
J'avais du mal à accepter le fait qu'elle me quitte encore une fois, mais je ne pouvais pas la laisser se moquer de moi, et fermer les yeux, c'était un fait. La réalité, et je devais y faire face. Je ne pouvais continuer de vivre dans cette espèce de réalité alternative que j'avais crée. La vraie vie, elle ne devait pas être loin, et il allait sûrement falloir que je sacrifie encore, pour me dire qu'enfin : je me réveillais de cette transe qui durait depuis bien trop longtemps.

La colère que je ressentais en l'instant présent me picotait le cœur, j'avais l'impression de ne dire que la moitié de ce que je devrais, mes mains tremblaient, et ma pulsation cardiaque s'affolait. Je sentais le sang courir dans toutes mes veines à une vitesse phénoménale, et effrayante, car je ne mesurais ni la portée de mes actes, ni celle de mes mots. C'était dangereux pour elle, comme pour moi. « Non... Ça, Xia Min... c'est ce que tu voudrais que je te demande. Moi... ma question... C'est pourquoi ? Pourquoi tu te comportes comme si c'était le cas ? » Premier coup. J'étais tellement secoué que je reculais de deux bon pas, comment faisait-elle pour comprendre si bien ? J'étais si facile à cerner ? Cependant, j'avais toujours cette impression, qu'elle me poussait à craquer, qu'elle me chamboulait émotionnellement mais dans un but précis.

Je devenais dingue, pourquoi diable ferait-elle une chose pareille ? J'ouvrais la bouche, mais aucun son n'en sortait. Je me sentais démuni et vulnérable. « Tu n'es pas le seul à avoir engagé ta confiance... Moi aussi. Et contrairement à toi, je ne te remets pas constamment en question. Mais je me pose des questions... Tu te comportes comme si tu avais fait quelque-chose de terrible. Tu en oublies de vivre. Tu ne te rends même pas compte que tu me contrôles totalement : tu m'as enfermée Xia Min... Pourquoi ? » Deuxième coup. La température de mes circuits redescendait aussi vite qu'elle était montée, pour laisser à un autre sentiment, plus désagréable. « Tu caches des choses. Tu ne dis rien. Tu t'emportes. Mais mince, pourquoi ? Moi aussi, ça me rend folle. Je me rends compte à quel point je ne pourrais rien récupérer de ma vie d'avant alors... je veux savoir pourquoi... Je croyais être revenue pour toi... mais tu n'es plus la personne... ce Xia Min que j'ai connu... » Je soupirais, la seule réponse que je lui donnais, c'était les froissements de la lettre entre mes mains. « Tu m'accuses de trahir ta confiance et toi alors ? Donc je vais te dire un truc : si j'avais voulu te faire quoi que ce soit Xia Min, ça ferait longtemps que je l'aurais fait. Je ne me donnerais pas tout ce mal... car ça me gave, voilà ! Ah ! Et aussi : je ne tremblerai pas devant ton arme et ton scandale. Après tout, je ne suis plus à une balle près, n'est-ce pas ? Moi, j'en ai marre. Si ça te chante, vas-y, fait carrément feu, tu peux même faire de la musique avec ton flingue. Perso, je me barre ! Je te le laisse ton bureau et ta lettre vu que c'est si précieux. » Je n'arrivais pas à dire quoi que ce soit, pourtant, il fallait que je fasse quelque-chose, je ne pouvais pas juste la laisser partir comme ça. Je voulais arrêter de mentir, je voulais que les choses soient claires entre nous, qu'elle sache.

Voilà comment j'allais réellement avancer, il fallait que je me décharge de ce secret que je portais : une bonne fois pour toute. Rin Ah était la clé, celle de ma chute ou de ma renaissance, mais je ne pouvais pas me préserver de tout. Pas éternellement. « Si tu es enfin prêt à parler, tu me fais signe. » Je fermais les yeux, et inspirais profondément. Ce qui allait suivre, je ne voulais pas le regretter. J'en avais marre de regretter.
Je la rattrapais au pas de course : « Yah ! Attends !  », je lui attrapais la main et l'arrêtais.

« Écoute moi bien, je sais. Je sais tout ce que tu m'as dis. Je ne fais que me fermer un peu plus chaque jour. J'agis comme un coupable. Je mens. Je passais une main dans mes cheveux, agacé. Mais tu étais morte Rin Ah, deux ans, je te pensé morte ! Tu n'as pas l'air de comprendre à quel point ça a été difficile de vivre avec ça sur la conscience. Je lâchais sa main, et prenais une longue inspiration : Chaque jour que Dieu fait, je culpabilisais, en me disant que c'était moi qui t'avais conduit à ta perte. Tu ne mesures pas à quel point tu comptais, et comptes toujours pour moi. Ce soir-là, quand je t'ai perdu, Xia Min, celui que tu connaissais, est parti aussi. Je me suis promis qu'une telle chose n'arriverait plus jamais. Je sortais la lettre de ma poche, et l'observais un instant avant de continuer. Puis te revoilà, bel et bien vivante. Comment est-ce que je suis sensée prendre la nouvelle ? J'attrapais ses deux mains, et posais la lettre à l'intérieur, resserrant ses doigts contre le papier : Tu veux des réponses, la vérité sur ce qui s'est passé ? Tu comprendras en lisant ce que je t'ai écris, car tu ne l'as pas complètement lu, hein... Je ne peux pas faire plus. Lis là, et tu verras. » Je l'observais un instant, silencieusement, avant de tourner les talons, et de retourner dans mon bureau après avoir fermé la porte, dans un claquement sourd.

Puis plus rien. Silence radio.

Citation :

Suis-je en face d’un parfait crétin, ou d’un insolent de première ? A voir la mine peu assurée de mon interlocuteur, j’aurais tendance à pencher pour la première hypothèse. Mais peut-on être stupide à un tel point ? Moi qui pensais que mon ironie était claire et nette, j’en viens à me poser des questions. C’est d’une voix agacée que Min Huan essaye de me répéter sa fameuse plaisanterie, mais s’arrête rapidement, prétextant ne pas se souvenir de la chute… Ha en effet, je ne risquais de ne pas saisir la subtilité de sa blague sans la fin. En tout cas, sa réaction me laisse coi, sourcils haussés et bouche bée. Je ne m’attendais vraiment pas à ce qu’il ait le courage de me la répéter les yeux dans les yeux, d’où ma grande surprise. Le fait qu’il ne termine pas ne me surprend qu’à moitié… Mais je pourrais au moins saluer le fait qu’il ait essayé ? Que nenni ! Parce que j’ai clairement l’impression que mon aîné se paie ma tête, et c’est chose que j’ai en horreur. Pourtant, je reste tout con dans un premier temps, le laissant ainsi poursuivre. A ma réponse au sujet de ma carrière, il me souhaite donc de continuer sur ce même chemin. Et il remue le couteau dans la plaie en plus ! En voilà un qui est bien gonflé. Si je suis quelqu’un de respectueux en temps normal, c’en est trop. Oui, je respecte Eden en tant qu’artiste, mais alors l’individu qu’est Cho Min Huan… ! Je sens la colère me serrer la gorge. Le pire est que je ne peux pas m’énerver, étant donné qu’il n’a pas été injurieux. Mais je ne peux pas le laisser agir comme ça à mon instar, encore et encore. J’ai bien l’intention de resserrer la vis et mettre les choses au clair. Je sors soudainement de ma léthargie abasourdie, secouant vivement la tête pour remettre les choses en ordre dans ma tête. Je peine encore à croire ce que j’ai entendu, mais je reprends bientôt la parole calmement, mais le ton glacial et doucement grondant ; « Rha ça va, arrêtes de te payer ma tête, okay ? » Autant mettre les choses au clair rapidement, et aussi calmement que possible. Je me retiens de trop hausser le ton. Je ne peux pas m’en permettre ici. Un sourire discret s’immisce sur mes lèvres, tandis que je commence à déballer quelques-unes de mes affaires pour me calmer les nerfs. Sans poser mon regard sur Min Huan, je continue à lui parler sur un ton un tantinet plus doux ; « Sérieux, si t’as un problème avec moi, dis le franchement, plutôt que de prétexter une plaisanterie quelconque. Ça, c’est juste ridicule et en plus tu passes pour un lâche. » dis-je simplement. Je me doute que si mes supérieurs m’entendaient parler ainsi à un aîné, je me ferai taper sur les doigts. Mais une fois encore, ce n’est pas à l’artiste que je m’adresse, mais bien à l’individu même. Je referme mon sac d’un coup sec et retire mon pull en feignant qu’il ne soit pas là. Je tâche de me calmer. Rien ne sert de hausser le ton pour l’instant… Garder son sang-froid, et continuer à mettre les choses au clair. Je m’assoie sur un banc pour retirer mes chaussures. Tandis que je m’exécute, mon regard sombre revient à Min Huan. Je poursuis sur cette voix blanche ; « Ou alors, continue à parler sur mon dos. Ça me dérange pas outre mesure, il paraît que c’est monnaie courante dans le show-biz. Seulement, assures toi que je suis pas dans les parages la prochaine fois. » Contradictoire ? Non pas tant… Oui, j’ai horreur qu’on parle sur mon dos, c’est vrai. Oui disons plutôt que je déteste apprendre qu’on le fait. Comme quoi, on se complaît tous plus ou moins dans l’ignorance.