Ah, mon passé… C’est drôle parce qu’aux yeux de la majorité des gens qui m’ont connu dans mon enfance, j’ai eu une vie d’or. Ce qui n’est pas tout à fait faux dans un premier temps, mais il se trouve que malgré tout, la vie a parfois de bien mauvaises surprises en réserve. Fils d’un pasteur et d’une mère au foyer, j’ai grandit en ayant tout ce dont j’avais besoin. Les revenus de mon père étaient assez confortables pour nous assurer une belle vie et ma mère était à la maison pour s’occuper de nous. Parce que non, je ne suis pas enfant unique et ne l’ai même jamais été. J’ai deux sœurs : une aînée et une cadette, respectivement Eve et Cassidy. Ah oui, j’ai souvent taclé mes sœurs sur leur prénom, qui était le même que le chat du voisin et le chien d’un autre (enfin, Cassy..!). Elles me poursuivaient en hurlant autour de la maison jusqu’à ce que nos parents nous séparent. Parce que généralement, elles parvenaient à me mettre la main dessus, oui ! Qu’est-ce que je pouvais faire, moi, pauvre petit garçon entre deux furies ! Puis, à l’adolescence, Twilight est devenu populaire et c’est moi qui ai dégusté niveau prénom…

Ce n’est pas vraiment un miracle que j’aie un prénom biblique… et même un second nom qui suit la vague. Mon père n’est pas pasteur pour faire joli et même si à cette époque il était moins profondément ancré dans sa foi, nous avons tous les trois grandis dans une maison qui respectait les rituels de la religion à la lettre ou presque. Étouffant ? Non, pas du tout. Enfin, il y avait bien Cassy qui faisait des misères parfois, mais c’est le bébé et on laisse un peu plus passer…! Quoiqu’il en soit, notre foi était tous très grande et aller à l’église écouter notre père n’a jamais été une punition. C’était plutôt le regard des autres enfants qui était difficile à supporter. Les moqueries avaient souvent fusées et même si nous étions assez forts pour nous relever, les jeunes savent être cruels. Heureusement, je n’ai personnellement jamais vraiment eu de mal à m’intégrer malgré les moqueries occasionnelles. J’étais le genre de garçon qui pouvait être ami avec n’importe qui. Un peu trop n’importe qui, parfois et ayant du mal à voir autre chose que le bon côté des gens, j’ai souvent eu des problèmes !

C’était une belle vie, oui. Quand j’y repense, j’ai toujours un sourire nostalgique aux lèvres. Malheureusement, ça ne pouvait probablement pas durer… et un jour, un drame vint briser quelque chose en chacun de nous. Peut-être que ça prouvait notre amour les uns pour les autres, certes. Mais jamais Dieu ne devrait mettre à l’essai l’amour d’une famille de cette horrible façon. Un soir de pluie, l’inquiétude nous rongea tous en constatant l’absence beaucoup trop prolongée de ma sœur aînée, Eve. Certes, on aurait pu dire que c’était les affres de l’adolescence, mais non. Ce n’était pas du tout le genre d’Eve. Pourtant, lorsque mon père appela au commissariat de la ville, ceux-ci déclarèrent qu’il fallait au moins attendre 24h avant d’entamer des recherches officielles. Je n’avais jamais entendu mon père hurler à ce point de toute ma vie et en eût même peur, ce soir-là. Toutefois, pas question de se ronger les sangs en attendant que la foudre s’abatte sur nous. Nous avons tous enfilé des vêtements de pluie, attrapé des lampes torches et sommes sortis pour retrouver Eve.

C’est moi qui suis tombé sur cet horrible spectacle. Ma grande sœur, en larmes, ses vêtements déchirés et ne laissant guère place à l’imagination. Qu’est-ce qu’on peut faire quand on tombe sur ce genre de scène si ce n’est que notre possible pour ne pas craquer à notre tour ? Ce n’est qu’une fois à l’hôpital, pour éviter à mes parents de voir leur fille dans cet état et pour éviter à Eve la honte que plusieurs n’en soient témoins, que j’appelai la famille. Les heures, les jours et les semaines se suivaient et se ressemblaient, depuis ce moment. Eve ne semblait jamais vouloir revenir à nous. Elle était toujours sous le choc et ne pouvait tout simplement pas s’en relever. Encore aujourd’hui, j’essaie de me dire que j’ai fais mon possible, mais c’est difficile. Je m’en veux parfois de ne pas être allé avec elle, alors que c’est probablement ridicule. Mais on se dit toujours que « si » on avait fait les choses autrement, on aurait pu éviter un drame. Y penser trop souvent rend rapidement fou, néanmoins…

Nous avons déménagé à Vancouver, à l’autre bout du Canada. Les mœurs là-bas étaient terriblement différentes de celles de l’Ontario. On ne connaît jamais vraiment tout notre pays quand on vient d’un endroit aussi grand que le Canada. Le mal du pays fut difficile à surmonter, mais pas plus que de voir l’état d’Eve se détériorer de jour en jour. J’avais déjà pris ma décision, pour ma part. Si je n’ai pu sauver ma sœur, je me rachèterais en sauvant toutes les autres. Ah, on se rend rapidement compte que ce n’est qu’une belle utopie quand on rentre vraiment chez les flics. Et même pendant nos études. Mais pour ma part, que ce soit naïf ou pas, je n’en ai jamais démordu. Allez savoir ce qui a plût à Min Ah chez moi. Assez pour qu’elle décide de rester auprès de moi. Assez pour qu’elle aussi lutte pour être ma partenaire. C’est pourtant rapidement le cas. On n’a rien à apprendre à l’autre niveau caractère fonceur, il faut croire ! Et ça fonctionne comme un charme entre nous, que ce soit de façon professionnelle ou personnelle.

Déménager en Corée était un peu la continuité de cette lutte. Je n’avais pas envie de perdre Min Ah et elle était bien déterminée à continuer ses investigations là-bas. Alors me voici… Le choc culturel est grand, limite traumatisant et je ne me suis toujours pas fait à cette vie. Je rêve souvent du Canada et j’aspire à y retourner au jour. Mais, je sens que j’ai encore un bout de chemin à faire ici avant de m’enfuir. Allez savoir pourquoi… Peut-être découvrirai-je bientôt pourquoi le destin m’amena dans ce pays duquel je n’ai rien que les traits…