« NAN MAIS C’EST QUOI CES TATOUAGES LA ! TU TE CROIS TOUT PERMIS OU QUOI ?! TU TROUVES CA BIEN D’ALLER A L'UNIVERSITÉ DANS CET ÉTAT ?! » C’était le week-end, et Shin était rentré chez lui. Le samedi, il était effectivement allé se faire faire deux tatouages plus un piercing. Ce week-end là, il s’était pris l’engueulade de sa vie par sa mère. En même temps elle n’avait pas eu tort. Parce que finalement les tatouages on les voyait jamais et avec son piercing, on le prenait pour un gay… Et il n’allait pas non plus s’enfoncer en disant qu’il était bisexuel ! Il est peut être idiot, mais pas à ce point là non plus !

« … Shin ! PARK HYEONG SHIN ! Cessez de dormir durant le TD et veuillez faire l’exercice ! »
Et zut. Il s’était encore endormi en rêvant à des souvenirs. Il se redressa d’un coup, embarrassé. Mais pourquoi tant de haine ! Cet exercice… Il n’y comprenait rien en plus ! Ou plutôt il ne faisait pas du tout d’effort pour le comprendre. Et puis il s’ennuyait ! Royalement ! Heureusement pour lui, la sonnerie se fit entendre, et il put échapper de justesse à l’exercice, même si le professeur réclama à ce qu’il soit rendu le lendemain. Shin rangea ses affaires et sortit en soupirant. Il avait encore dormi… Un jour, il allait arrêter de lire du Conan Doyle jusqu’à quatre heure du matin… Un jour… Peut-être… C’était la fin des cours, il sortit de l’université pour retourner à son appartement. Là, il s’allongea sur le canapé. Time for a breack yeah !

Shin a grandi à Séoul. Il a un frère d’un an son aîné, et ses deux parents ont divorcé depuis que son père est allé en taule, foutant la misère sur sa famille. Sa mère, restauratrice, tient un petit bar dans la commune et a parfois du mal à arrondir les fins de mois. Shin a toujours eu du mal à accepter l’absence de son père, qu’il n’a jamais pu revoir. Par contre il a dû supporter son grand frère toute sa jeunesse, sa tante et son oncle. Ceux-là roulent sur l’or et ne manquent pas de faire comme s’ils plaignaient la situation de la famille, critiquant à chaque fois l’attitude du père ou alors en disant « ma pauvre ! Ça a dû être tellement difficile pour toi d’apprendre que ton mari te racontait des mensonges et ne faisait que détourner de l’argent ! » Ben voyons ! Shin ne les supportait pas, mais ne disait rien, laissant juste sa colère déferler en lui. Et son frère aîné ? Oh lui faisait comme tout les grands frères : il s’amusait toujours à lui faire subir des tas de trucs. Il trouvait très amusant de le martyriser. Et Shin avait eu beau essayer de se renforcer physiquement c’était peine perdue, son frère le maitrisait avec une facilité trop déconcertante. A la majorité, il dû supporter les sarcasmes de son frère, parce qu’il n’avait toujours pas eu de petite amie. Et l’autre vantard passait son temps à lui sortir des « moi je » et lui raconter comment il changeait de petite amie comme de chemise et toutes ses aventures amoureuses. Shin du coup se sentait constamment très nul, très idiot, très bête et passait toujours pour tel devant les autres. Il n’y avait finalement que sa mère qui savait qu’il était très intelligent. Mais même elle, elle avait du mal à l’en convaincre. Ses professeurs depuis la primaire le savait aussi, mais ils n’arrivaient jamais à lui donner les bons conseils pour qu’il reprenne confiance en lui...

Time for sleep is over. Il faut faire les courses. Et dès qu’il mit le nez dehors, il se mit à pleuvoir très fort. Et comme par hasard, il avait oublié son parapluie. Le voilà donc à l’était de serpière sous l’auvant de la petite épicerie du coin. Il soupira. Son frère lui dirait que s’il venait à s’approcher d’une fille dans cette état, sûr que c’était foutu !
Les filles. Parlons-en ! Shin n’avait jamais réussi à en approcher une sans bégayer, sans dire tout et n’importe quoi et à se faire rembarrer platement par la demoiselle. Désespérant. Et là, comme il était aussi mouillé que s’il était tombé tout habillé dans une piscine, il sentit le regard de pitié d’une mamie, et le début d’un rire d’une fille un peu plus jeune. Hahaha, riez donc tant que vous avez encore des dents ! Il entra dans l’épicerie et acheta tout ce qu’il avait besoin. Il voulait partir d’ici vite fait. Au moins, une fois chez lui, il n’y aura plus personne pour le juger. Une fois rentré après la pluie, il rangea les courses et alla se sécher les cheveux.

Dans son appartement, il y avait un piano au milieu du salon. Finalement il n’était bien que tout seul, avec ce qu’il aimait le plus : le piano ou la littérature britannique ou la photo. Et là il était justement tout seul dans son appart’ avec son piano. Il s’avança vers l’instrument. Depuis combien de temps déjà savait-il en jouer ? Ah oui depuis ses 10 ans. Sa mère l’avait emmené dans un magasin d’instrument car il voulait avoir un piano. il avait flashé sur l’instrument depuis un moment. Il en avait dit deux mots à sa mère qui avait accepté de lui payer un cours de piano. Il n’avait pas l’instrument chez lui, mais il avait travaillé pendant 6 ans l’instrument, plus que n’importe quoi d’autre. D’ailleurs, sa mère, en voyant qu’il avait plus de bons résultats lors de ses cours de musique que sur ses bulletins de collège, cessa de lui payer ces cours et Shin dû abandonner le piano pour se concentrer sur ses études. Vilaine mère ! Il ne lui en veut pas, mais bon… il l’avait pris comme une punition.

Il n’a pratiquement jamais eu d’amis. Pendant le lycée, il s’était attaché à un mec. Ce fut, il semblerait, la première fois qu’il aimait vraiment quelqu’un. Entre eux c’était très fort. Du moins, Shin croyait vraiment que c’était réciproque. Mais le mec partit dans une autre université à la fin des études et en plus c’était de l’autre côté de l’océan pacifique. Autant dire très loin de lui. Et en plus, le type avait fait ça sans le prévenir. Shin ne lui en a jamais voulu. Ou plutôt, il avait plutôt tout fait pour oublier ça qu’au final maintenant, cette histoire ne lui fait plus rien du tout. D’ailleurs à l’époque, être seul ne le dérangeait pas du tout. Au contraire, dès qu’il est avec quelqu’un, toute sa bêtise et sa malchance retombe aussi sur l’autre. De quoi le mettre encore plus mal à l’aise. Et à part ça ? Il est encore en confrontation avec son frère qui réussit tout et qui ne manque pas de s'en vanter. Il l’aime bien hein ! Il lui donne souvent des conseils… mais parfois trop de conseils inutiles concernant sa vie sentimentale, mais bon. Au moins il sait qu’il peut lui dire tout ce qui le dérange… ou presque. Non en fait, jamais il n’oserait lui dire un gros secret, son frère ne manquera pas de le faire connaître à la planète entière... Il aimerait bien lui donner la honte de sa vie.

Shin commence tout juste à admettre qu'il a des capacités et qu'il peut très bien réussir quelque part. Même son frère l’a surpris en lui disant qu’il était photogénique et qu’il devrait essayer une carrière de mannequin. Sa mère lui avait d’abord dit qu’il jouait tellement bien du piano qu’il pourrait essayer d’être musicien. Elle avait même ajouté qu’il avait une belle voix. Mais comment vous dire… Shin a réussi à être pris une fois dans une petite agence pas très connue. Mais il a été renvoyé. Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait aucun potentiel. Trop timide, notre Shin n’arrivait pas à faire mieux que ce qu’il ne faisait. Toujours la même rengaine. Il se sentait nul et ne voulait juste pas croire en son talent. Mais quand il tenta sa chance pour le mannequinat, ce fut sa taille qui posa problème. Et souvent son poids. Pourtant, il était convaincu que ce métier lui conviendrait plus qu’un autre. Alors il essaie encore aujourd’hui… Trop souvent… Et pour rien.

Il avait commencé à jouer du piano. Timide, il avait toujours eu du mal à approcher les autres. D'autant que quand on vous prend pour un idiot ce n'est jamais très facile de se s'intégrer. Sa mère l'avait même embauché une fois pendant l'été, mais ce fut juste un mois affreux où son fils n'avait fait que des bêtises. L'engueuler ? Ça ne l'aidait pas du tout, pire, ça le stressait encore plus. Du coup, il arrêta son travail plus tôt que prévu. Ce fut un soulagement autant pour lui que pour sa mère.

Au final, le seul endroit où toute sa timidité disparaissait c'était quand il était tout seul derrière un objectif, ou bien sur son piano. Quand on lui demandait d'être lui même en somme. Parfois il se demandait pourquoi il avait choisit de faire sciences humaines et pas musique ou photographe. Et à chaque fois la même réponse : sa mère n'avait pas envie qu'il prenne une voie où les chances d'avoir un bon travail était faible. Elle n'avait pas envie que Shin soit dans une situation comme la sienne. Elle voulait qu'il ait une belle vie, et qu'il ait un travail qui lui rapporte assez pour vivre et faire tout ce qu'il a envie de faire.

Un léger sourire passa sur son visage. Finalement il était assez reconnaissant envers sa mère. Au moins il pouvait toujours compter sur ses conseils et sur elle. Il savait que sa mère était son plus grand soutient. D'ailleurs il se demandait ce qu'il pourrait bien faire sans elle. Pas grand chose sans doute.